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Trump joue, gagne et pige une carte sortie de prison…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 13 novembre 2024

Les experts ont été confondus une fois de plus. La dernière course à la présidence aux États-Unis a été marquée par une rhétorique d'une rare violence et du « Eux et Nous ». Malgré les casseroles que le candidat élu Donald J. Trump traînait, la population américaine a tranché et elle l'a non seulement élu comme 47e président des États-Unis, mais, cerise sur le gâteau, elle lui a donné pour la première fois la pluralité des voix au vote populaire. Dans les prochaines semaines et les prochains mois, experts, commentateurs et sondeurs feront l'exégèse de cette campagne pour expliquer les motifs de la victoire de l'improbable Donald Trump. Trêve d'analyse, deux constats s'imposent à nous. Le premier est que Trump a gagné haut la main, cela n'a même pas été serré. Le second, c'est que les démocraties libérales et l'économie canadienne doivent se préparer à passer au travers d'un long hiver glacé. Que signifie l'élection de Donald Trump pour les démocraties libérales et l'économie canadienne ? Tentative d'explications.

Le contexte politique américain

Pour comprendre les conséquences potentielles de l'élection de Donald Trump, il est utile de se pencher sur le contexte politique américain. Les États-Unis sont à un tournant de leur histoire, avec des débats enflammés sur des questions telles que l'économie, la justice sociale, le changement climatique et les droits civiques. La gestion de la pandémie de COVID-19 et de ses répercussions sur la santé publique et l'économie continuent à influencer les perceptions des électeurs. De plus, les tensions géopolitiques, notamment en rapport avec la Chine et la Russie, ajoutent une couche de complexité aux priorités électorales des citoyennes et des citoyens. Sans oublier les conflits au Moyen-Orient et en Ukraine. Ce qui a marqué l'esprit de nos voisins américains, c'est la hausse du coût de la vie et ses manifestations dans le prix de l'épicerie et de l'essence. Des sondages réalisés à la sortie des bureaux de scrutin ont bien démontré que les gens étaient défavorables à l'administration Biden et inquiets pour leur avenir économique. Cela s'est manifesté bruyamment dans les votes exprimés, notamment dans les États pivots et le mur bleu du nord-est de l'Amérique.

Donald Trump, le génie politique

On peut bien ne pas aimer Donald Trump avec raison, mais il faut être d'une malhonnêteté crasse pour ne pas reconnaître son génie politique et sa capacité peu commune de lire l'opinion publique. Malgré ses outrances, il réussit comme nul autre à saisir l'humeur du temps et à rassembler les gens autour de sa rhétorique. Trump est une véritable bête médiatique, unique dans l'histoire politique américaine. Il a bien joué de son pouvoir au cours de la dernière campagne électorale.

Donald Trump a su saisir un sentiment d'insatisfaction face à l'establishment politique traditionnel. Son message populiste et antisystème lui a permis de rassembler un large éventail d'électeurs, en particulier dans les États ruraux et ceux touchés par la désindustrialisation. Il a même réussi le tour de force de rejoindre des clientèles qui ne votaient pas habituellement : les jeunes hommes imprégnés de culture masculiniste et des électeurs afro-américains et des latinos. Il a réédité en quelque sorte 2016 en allant chercher un soutien significatif parmi les blancs non diplômés, les travailleurs de la classe ouvrière et une partie croissante de la communauté hispanique.

 

Et qu'arrivera-t-il maintenant ?

La victoire de l'élection par Donald Trump signifie qu'il a réussi son pari de canaliser les mécontentements existants vis-à-vis de l'administration Biden, notamment sur des questions économiques comme l'inflation, la frontière et la gestion de la criminalité. Ce succès de Trump dans les urnes ne sera pas sans conséquences, comme je l'écrivais au début de cette chronique, pour les démocraties occidentales et pour l'économie canadienne. Ajoutons que la propension de Trump à s'entourer de gens de droite et d'extrême droite n'est guère rassurante pour celles et ceux qui croient en un État de droit et au respect des institutions. Il s'agit de voir qui étaient les personnes invitées de Trump à Mar-a-Lago le 5 novembre dernier pour s'en convaincre.

Les positions de Trump exprimées durant la dernière campagne électorale sur la politique étrangère américaine, notamment sur les conflits à Gaza et en Ukraine, ont de quoi faire perdre le sommeil à bien des dirigeants politiques occidentaux en Europe. On est impatient de voir quelles solutions il avancera pour résoudre le conflit entre la Russie de son bon ami Poutine et l'Ukraine en 24 heures. Même chose sur les libertés d'action qu'il accordera à un autre de ses bons amis, Benyamin Nétanyahou, pour faire le ménage à Gaza, au Liban et pour combattre le régime iranien. Cela ne sera pas sans conséquences pour l'équilibre politique sur la scène internationale. L'Europe sera victime de cette volonté politique trumpienne sur la scène internationale.

En ce qui concerne le Canada, nous ne pouvons qu'être inquiets de la volonté de Trump d'imposer des tarifs d'un minimum de 10 % pour tous les biens exportés en sol américain. Cette volonté politique assortie de la volonté déjà exprimée de renégocier l'Accord de libre-échange États-Unis, Mexique, Canada (ACEUM) justifie les efforts mis en place par le gouvernement du Canada pour nouer le dialogue avec Trump et les membres de son équipe rapprochée. Le Québec et le Canada sont fortement dépendants de ses liens économiques avec les États-Unis. On y exporte, selon les chiffres de 2022, pour une valeur de 960,9 milliards de dollars, ce qui représente 63,4 % de l'ensemble du commerce international du Canada qui s'élève à 1,5 milliard de dollars. Sans compter l'importance de l'investissement des États-Unis au Canada qui correspond à la moitié de l'ensemble de l'investissement direct au Canada. On ne peut pas en sortir, nous devons préserver comme la prunelle de nos yeux notre relation avec notre voisin américain.

Ce ne sera pas facile. Par exemple, la volonté affirmée de Donald Trump d'expulser plus de 10 millions d'immigrants de son pays, la plus grande déportation de l'histoire du monde, ne pourra qu'entraîner des répercussions sur la frontière canadienne. L'immigration fait déjà débat chez nous, il n'est pas opportun d'en ajouter une couche. Je ne suis pas certain qu'il sera à propos que notre premier ministre Justin Trudeau répète que le Canada sera la terre d'accueil de cette population migrante qui sera expulsée des États-Unis. Cela pourrait devenir un irritant majeur des relations avec le régime Trump pour notre pays.

Les États-Unis ont choisi leur chemin...

Au bout du compte, le choix de Trump par les Américains ne sera pas sans conséquences pour nous Canadiens, notamment dans le dossier de l'économie et de l'immigration. Il sera aussi très dommageable pour les démocraties libérales dans le monde occidental. C'est ce qui me faisait écrire au début de cette chronique que les démocraties occidentales et l'économie canadienne doivent se préparer à passer un long hiver.

Pour finir, la compétition entre Trump et Harris durant la dernière élection ne peut mieux résumer le temps d'une campagne les tensions et les aspirations d'un pays à la croisée des chemins, où chaque voix mobilisée participera à titre de caution et de légitimation à la définition de l'Amérique de demain. Nous avons peu à dire, nous, Canadiens et Québécois, à ce sujet, même si cela affectera nos vies au quotidien. Trump, c'est connu, c'est un joueur de Monopoly, un bâtisseur et cette fois, il a joué et gagné sur toute la ligne et en prime, il a pigé une carte sortie de prison...



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