La campagne électorale canadienne bat sa coulpe. Tout semble immobile.
Mark Carney, le chef libéral parle toujours mal la langue française et peine
parfois à bien se faire comprendre. Il projette l'image de l'adulte dans la pièce
et sa prestance de banquier gestionnaire de crise rassure la population
canadienne. Les sondeurs le placent tout au haut de la liste des préférences de
l'électorat. Pierre Poilievre paie aujourd'hui le gros prix pour sa colère
contre les libéraux de Justin Trudeau et de son Canada brisé. Som mépris pour
les médias et les journalistes, son obsession de contrôler son message lui
donne des allures trumpiennes. Le pire cauchemar de l'électorat canadien aujourd'hui.
Jagmeet Singh, le chef du NPD, mène une très bonne campagne. Il se
campe dans le rôle historique du Nouveau parti démocratique soit d'être la
bonne conscience du Canada. Malgré son excellente campagne et son
positionnement pour aider les gens ordinaires, il ne fait pas le poids devant
la menace existentielle que pose Donald Trump pour le Canada. Les gens
favorables aux idées néo-démocrates se jettent dans les bras des libéraux
notamment en Ontario et en Colombie-Britannique. Carney fera vraisemblablement
des gains en Alberta dans les zones les plus urbaines. Rien ne va plus pour le
NPD. Quant au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, il mène lui aussi
une excellente campagne. C'est un politicien aguerri. Néanmoins, il nous
rappelle par les thèmes qu'il aborde comment ce parti, le Bloc, est inutile
pour les Québécoises et Québécois qui se sentent plus que jamais attachés au
Canada.
Les apparitions de Mark Carney et de Pierre Poilievre à l'émission du
pape Guy A. Lepage, Tout le monde en parle n'auront pas fait bouger
l'aiguille des sondages de manière importante. Nous sommes loin aujourd'hui de
l'effet Jack Layton que nous avons eu dans le passé. Bref, la campagne
électorale canadienne est totalement sous l'emprise des humeurs de Donald J
Trump. Cela en dit long sur notre capacité de nous « devassiliser » de l'empire
américain. Où nous mène cette élection ?
L'enjeu d'un
Canada souverain
Comme jamais auparavant, le Canada est face à un choix qui s'impose à
nous par les circonstances. Nous devons envisager la suite du monde comme un
lieu où l'ordre mondial créé par les États-Unis au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale est pulvérisé. Nous devons participer à créer un nouvel ordre mondial
avec des partenaires parmi lesquels il n'y aura plus les États-Unis d'Amérique.
Bien entendu, les États-Unis d'Amérique demeureront notre voisin et il sera
encore un partenaire économique, mais sans nos liens historiques de complicité.
Il est possible d'imaginer un monde sans le protectorat américain. Nous devons trouver
un nouveau monde que nous devons façonner à partir de nouvelles alliances
notamment avec l'Europe et peut-être même avec la Chine. En relations
internationales, souvent nos ennemis d'hier deviennent nos amis d'aujourd'hui.
Pour affirmer sa souveraineté, le Canada doit se défendre lui-même et
protéger ses frontières sans le grand frère américain. Bien entendu, nous
n'aurons jamais de force militaire capable de rivaliser avec la puissance
américaine. Nous ne pourrons pas non plus devenir amis avec des ennemis des États-Unis.
Jamais ce pays ne le tolèrerait. Cela rend très problématique l'idée de nous
faire ami-ami avec la Chine alors que le président américain Donald Trump vient
de déclarer une guerre commerciale avec cette dernière. N'empêche que nous
pouvons tout de même améliorer nos relations diplomatiques avec la Chine,
l'Inde et d'autres pays du Sud-est asiatique. Nous devons aussi chercher à
renforcer nos relations avec l'Europe. L'Europe, la Chine et l'Inde sont des
cibles prioritaires pour une nouvelle politique étrangère canadienne délivrée
de ses liens de vassalité avec les États-Unis d'Amérique. C'est le prix qu'il
nous faudra payer pour affirmer la souveraineté canadienne.
Et le Québec
dans tout cela...
Si l'avenir du Canada comme pays est incertain dans le monde dangereux
dans lequel nous vivons, imaginez un instant le sort qu'aurait un Québec
souverain dans un tel contexte avec ses huit millions d'habitants. On peut bien
s'amuser des mots d'esprit du chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon
sur le Canada prédateur, mais son discours sonne creux dans le contexte actuel.
Comme je l'ai écrit au début de cette chronique, jamais les Québécois ne sont
sentis aussi Canadiens dans leur histoire. Comme aimait le dire le chef
historique du Parti québécois, René Lévesque, « le Canada ce n'est pas le
goulag. » Le moment est fort mal choisi pour demander au Québec de s'interroger
sur l'hypothèse fumeuse de faire du Québec un pays. Le discours des « nationaleux »
et leur crainte devant l'autre ne sont pas la bonne partition de musique pour
le concert dans lequel nous sommes engagés pour y jouer notre musique. Si
l'idée de faire du Québec un pays n'est pas la meilleure dans le contexte
actuel, il semble que le moment soit celui d'une réforme en profondeur de la
fédération canadienne. Un nouveau Canada souverain choisit par les peuples
autochtones, acadiens et québécois et qui fait une large place à la diversité.
Voilà le choix qui s'offre au Canada pour répondre aux menaces de Donald Trump
sur l'avenir de ce pays.
Un Canada
nouveau !
Le Canada, tout comme le Québec d'ailleurs,
n'est pas un pays élu par Dieu qui est immunisé contre les dérives populistes,
autoritaires, racistes, homophobes et misogynes. Les humains sont prévisibles
et l'effet du troupeau peut jouer un rôle chez nous aussi. Par ailleurs, le
Canada est l'un des plus grands pays d'extraction de pétrole au monde dans un
univers marqué par le réchauffement climatique sous les effets de la
consommation des énergies fossiles. À cet égard, le discours politique sur la
lutte aux changements climatiques souffre d'incohérence et n'est pas
susceptible d'entraîner chez les populations concernées une adhésion forte d'autant
plus que toutes les solutions mènent d'une façon ou d'une autre à une
modification radicale de nos modes de vie. Le Canada mérite mieux. Nous
méritons mieux.
Il est plus que temps que les Canadiennes et les
Canadiens se lèvent et travaillent à refonder ce pays qu'est le Canada.
L'absence de dialogue entre nous, les inégalités sociales et économiques dans
le sillage d'une crise inflationniste et d'une pénurie de logements et la crise
politique avec notre voisin du Sud sont des éléments sur lesquels nous pouvons
nous appuyer pour redéfinir l'avenir de notre pays.
Un Canada prospère, souverain qui est fier de travailler
quotidiennement à réduire les inégalités et de travailler à valoriser la
diversité dans le pays. Un Canada de communautés et un Canada juste, libre et
prospère.
Je sais, le climat politique actuel ne nous laisse pas
penser que cela soit possible. Mark Carney qui vraisemblablement deviendra notre
premier ministre élu dans quelques semaines est plutôt conservateur et on ne
peut s'attendre des révolutions de sa part. C'est pourquoi il faut que nous,
peuple canadien, nous nous levions pour sortir du manège de Trump qui nous fait
vivre dans des montages russes dans son parc d'attractions de Trump's Island...