Enfin. Nous élirons, le 28 avril prochain, un nouveau
gouvernement canadien. Depuis le temps que tout ce qui gribouille, scribouille
et magouille en parlait. Il était plus que temps que l'on règle cette question
pour se concentrer sur ce qui est important, soit la détérioration à vitesse
grand V de nos relations avec notre voisin du sud. Parlant de ce voisin, il est
indéniable que celui-ci occupera une place démesurée dans notre vie
démocratique. Voilà un cas évident d'ingérence étrangère d'un pays tiers dans
la démocratie canadienne. Quoi qu'il en soit, la première semaine de campagne
électorale a révélé ce que nous savions déjà : Poilievre est en colère et
son style ne plaît pas au Québécois, Blanchet continue son rôle de grand
timonier des gérants d'estrade, Singh est absent de nos écrans radars alors que
Mark Carney fait le difficile apprentissage de la vie d'un politicien en
campagne. Regardons cela de plus près.
À droite tout !
Le fait le plus remarquable de ce début de campagne est le
virage à 180 degrés du Parti libéral du Canada sur les politiques de l'ère
Trudeau. Sous Justin Trudeau, on pouvait qualifier le gouvernement de
progressiste à l'égal du Nouveau parti démocratique. Ses positions sur la lutte
à la pauvreté des enfants, sa volonté de réconcilier la population canadienne
avec les peuples autochtones et sa volonté de venir en aide vraiment à la
classe moyenne sont aujourd'hui chose du passé. Mark Carney s'est servi de ses
premiers jours, une dizaine de jours avant l'émission des décrets d'élection,
pour piller les politiques conservatrices de Poilievre sur la taxe carbone, la
baisse d'impôt, l'abolition de la taxe sur le gain en capital, la gratuité de
la TPS pour les acheteurs de maison de moins d'un million de dollars et tutti
quanti. Pour un électeur libéral qui se reconnaissait dans les politiques du
gouvernement de Justin Trudeau, c'est un grand virage. On a peine à reconnaître
les libéraux qui sont devenus moins rouges et plus bleus. Ne chiquons pas la
guenille. Un politicien en campagne n'a qu'une façon de voir : gagner les
élections. En politique, il y a deux types de politiciens : ceux qui
gagnent et ceux qui veulent avoir raison. Manifestement, Carney appartient au
type de politicien qui cherche la victoire à tout prix. Dites-moi ce que vous
voulez et je vous dirai ce que je pense...
Une première semaine
à l'avenant...
La première semaine de campagne a été marquée par l'annonce
de la volonté du gouvernement américain d'imposer des tarifs de 25 % à
l'industrie automobile. Nous savions que cela devait arriver, mais on attendait
la nouvelle le 2 avril. Il aurait fallu que le gouvernement américain soit pris
dans un scandale de fuites de renseignements militaires stratégiques pour
obliger le président Trump de chercher à divertir son public avec des nouvelles
positives à ses yeux. Cela ne pouvait mieux tomber pour Mark Carney qui avait
un début de campagne couci-couça, il a été sauvé par la cloche. Il était un peu
empêtré à expliquer aux électeurs les tenants et les aboutissants de l'utilité
des fonds monétaires dans des paradis fiscaux comme les Bahamas. Un sujet
complexe et utilisé de façon populiste par ses adversaires politiques.
Chose certaine, ce n'est pas Mark Carney qui sera fâché des
menaces de Donald Trump sur l'économie ontarienne. Cela lui a permis de
remettre son costume tout neuf de premier ministre. Même le premier contact
avec le président américain s'est bien passé. Dans son média Truth, le
président Trump a qualifié leur appel de productif, qu'il avait partagé
plusieurs points de vue sur lesquels l'un et l'autre étaient d'accord et qu'ils
se rencontreront au lendemain des élections canadiennes. Chose à noter, il a
écrit le premier ministre du Canada et n'a pas collé d'étiquettes au premier
ministre Carney. Un bon départ, d'autant plus que Donald Trump semble convaincu
que Mark Carney sera le premier ministre à l'issue de la présente élection.
Vendredi, un autre pavé dans la mare de Carney : selon une rumeur, il aura été
coupable de plagiat lors de ses études à Oxford. À suivre...
Poilievre et les
autres...
Dans cette drôle d'élection, Pierre Poilievre est celui qui
est le plus à plaindre. C'est à lui que l'on doit le départ de Justin Trudeau.
Il a littéralement démoli l'image de Justin Trudeau et de son gouvernement. Son
Canada brisé a fait mouche. Justin Trudeau ne s'est pas relevé des attaques
ciblées et efficaces de Poilievre. En temps normal, sans les menaces tarifaires
et d'annexion du Canada par notre voisin du sud, Poilievre devrait devenir le
nouveau premier ministre du Canada. Son succès et son style revêche auront eu
gain de cause dans une élection normale, mais rien n'est normal au Canada en ce
moment. Poilievre a beau dorer la pilule, se greffer un sourire, mettre en
vitrine sa charmante femme et ses enfants, rien n'y fait. Il est complètement
largué. Son discours a l'air totalement déconnecté de la réalité. Il s'agissait
de voir les bulletins de nouvelles la dernière semaine avec l'image de
Poilievre et son affichette sur le CELI alors qu'au même moment dans son habit
de premier ministre, Mark Carney discourait sur les menaces existentielles que
faisait peser Donald Trump sur l'existence même du Canada, Poilievre était en
porte-à-faux avec les préoccupations immédiates des électeurs.
Jagmeet Singh du NPD est le cas le plus pathétique. Lâché
publiquement par de nombreux électeurs qui sont partis joindre les libéraux
Mark Carney, il doit aussi accuser le soufflet de l'ancien chef du NPD, le plus
populaire auprès de l'électorat, Thomas Mulcair. Ce dernier a ni plus ni moins
déclaré que l'élection se jouait entre conservateurs et libéraux et on peut
deviner où vont ses préférences.
Quant à notre gérant d'estrade, Blanchet du Bloc québécois,
il doit faire peur au monde en créant de toute pièce une crise canadienne avec
la présomption que le Canada veut sacrifier les intérêts de l'économie
québécoise pour sauver l'économie pétrolière, celle de l'énergie et l'industrie
automobile. Procès d'intention malveillant qui tient pour acquis que le passé
est garant de l'avenir. Pourtant, la situation actuelle n'a rien à voir avec
toutes celles que nous avons connues. Depuis la guerre de 1812, jamais les
États-Unis n'avaient menacé notre pays d'annexion. Je sais que Blanchet
souhaite un Québec souverain, mais je persiste et signe à écrire que si le
président Trump ne respecte pas le Canada, il ne respectera pas plus le Québec.
Bien au contraire. Plus que jamais, le Bloc joue le rôle d'un empêcheur de
tourner en rond. Son utilité est de plus en plus discutable. La seule certitude
que nous pouvons avoir, c'est que le chef du Bloc ne peut pas parler avec le
président Trump.
Le Jell-o va-t-il
prendre ?
À l'issue d'une première semaine de campagne,
nous devons donner un net avantage aux libéraux et à Mark Carney. Ce n'est pas
parce qu'il a fait preuve d'une habileté politique remarquable ni parce que ses
politiques sont les meilleures. C'est pour quelque chose qui ne s'explique pas,
mais qui existe. Il est clair que ce quelque chose est un début de Carneymania...