La deuxième semaine de la campagne électorale fédérale aura
été une fois de plus éclipsée par Donald Trump. Ce diable d'homme bouffe tout
l'oxygène médiatique. L'annonce de sa politique tarifaire aura permis au chef
du Parti libéral du Canada, Mark Carney, de revêtir ses habits de premier
ministre et de briller davantage que lorsqu'il fait campagne. Briller est un
mot exagéré lorsque l'on évoque Mark Carney qui est d'une nature plutôt
ennuyeuse. Une chose est certaine, les plus grands perdants de l'âge doré
américain, ce sont les électeurs canadiens. Permettez-moi, si vous le voulez
bien, de vous expliquer mon point de vue à ce sujet.
Une campagne dominée
par les enjeux tarifaires
Jusqu'à présent, l'ombre américaine masque totalement les
enjeux canadiens. Il est vrai que notre relation avec notre voisin compte
beaucoup pour nous. Les États-Unis sont la plus grande puissance militaire et
économique du monde. Nous avons la chance d'être son voisin. Durant de
nombreuses décennies, notre proximité avec le géant américain a été un avantage
pour nous. Toute notre politique étrangère était copiée, à quelques exceptions
près, sur celle de notre voisin. Pour l'essentiel, notre rôle était de jouer
les intermédiaires entre les États-Unis et les autres pays de la planète. En
tant que meilleurs amis du géant, les pays faisaient appel à nous pour chercher
à nouer ou à renforcer ses relations avec les États-Unis. C'est l'ordre mondial
qui fut établi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fondé sur l'État de
droit, le libéralisme économique et la démocratie. Cet ordre mondial patiemment
construit par les États-Unis d'Amérique a été jeté aux orties par le président
Donald Trump. De décret en décret, Donald Trump renie les valeurs américaines
auxquelles nous sommes attachés et il choisit plutôt de devenir le chef de file
de l'illibéralisme.
L'illibéralisme, ça
mange quoi en hiver ?
Les racines de l'illibéralisme peuvent être retracées à la
fin du XXe siècle, notamment dans le sillage de la chute du communisme en
Europe centrale et orientale. À cette époque, de nombreux pays se sont engagés
dans un processus de transition démocratique inspiré par les idéaux libéraux.
Cependant, ce processus s'est souvent heurté à des réalités sociopolitiques
complexes, notamment la montée de l'autoritarisme et la désillusion devant les
promesses du libéralisme.
Le terme illibéralisme a été popularisé par des penseurs
comme Fareed Zakaria dans son essai The Rise of Illiberal Democracy, dans
lequel il distingue démocratie et libéralisme. Il souligne que la démocratie
électorale ne garantit pas nécessairement la protection des droits de l'homme
(des femmes aussi, ajouterais-je) et des libertés individuelles. La crise de la
pandémie de la COVID-19 a illustré de façon manifeste que les gouvernements
élus pouvaient adopter des mesures restreignant les libertés individuelles au
nom du bien commun. Il n'en fallait pas plus pour que des citoyennes et des
citoyens de chez nous se comparent à des pays comme la Hongrie, la Pologne et
la Turquie où les gouvernements élus adoptent des mesures qui restreignent les
libertés civiles tout en préservant les mécanismes de la démocratie formelle,
telles des élections régulières.
L'illibéralisme se caractérise par un rejet explicite des
fondements du libéralisme classique. Ce dernier repose sur l'idée que
l'individu possède des droits inaliénables qui doivent être protégés par l'État.
Les partisans de ce concept, en revanche, mettent l'accent sur l'autorité de
l'État et la nécessité d'une homogénéité culturelle et politique. Ils
considèrent souvent que la défense de la nation et de la culture prime les
droits individuels.
Trump, l'illibéral en
chef
Avec cette grille de lecture, on peut mieux comprendre les
actions du gouvernement de Donald Trump. Les piliers de l'illibéralisme sont le
populisme, la souveraineté nationale, l'anti-élitisme et le contrôle absolu de
l'État sur les médias et les tribunaux. Cherchons à mieux comprendre ces
éléments clés de l'illibéralisme.
Le populisme est l'arme suprême des illibéraux. Les leaders
exploitent le mécontentement économique et social, comme l'a fait Donald Trump,
pour mobiliser un soutien populaire en rejetant les élites établies et
promettent le retour d'un passé glorieux, l'âge doré de Donald Trump. On se
sert aussi de la souveraineté nationale pour l'opposer à l'idée de portée
universelle des droits de l'homme, souvent perçue comme une imposition des
normes libérales occidentales. Dans le cas de Trump, il a même fait de la
chasse aux minorités une partie importante de son discours si l'on pense à ses
déclarations sur le wokisme. En même temps, on cherche à décrire les élites
intellectuelles, politiques et économiques comme déconnectées des réalités du
citoyen ordinaire lambda, les seuls représentants légitimes du bien commun et
de l'intérêt national.
Pour installer leur pouvoir, les illibéraux utilisent leur
contrôle sur l'État. Les gouvernements illibéraux tendent à affaiblir
l'indépendance des médias, du système judiciaire et des organisations de la
société civile. Ils manipulent les règlements pour limiter l'opposition et
renforcer leur propre pouvoir. On comprend mieux l'utilisation abusive des
décrets par le président Trump.
Le Canada, défenseur
de l'ordre libéral ?
Dans ce contexte, je crois qu'il est crucial que le Canada
et ses chefs politiques se fassent les défenseurs avec ses amis européens de
l'ordre libéral construit par les États-Unis et qu'ils ont aujourd'hui déserté.
Il faut se rappeler que Donald Trump n'est pas à lui seul les États-Unis
d'Amérique et que nos amis et voisins américains méritent que le Canada tienne
le coup pendant ce moment dramatique de l'histoire de l'Occident.
L'illibéralisme est une réponse complexe aux défis
contemporains, mêlant des éléments de rejet du libéralisme classique, du
populisme, du nationalisme et de l'autoritarisme. Son émergence, portée par de
nombreux leaders en Occident, dont Donald Trump, remet en question la notion
même de démocratie en soulignant que celle-ci ne garantit pas nécessairement la
protection des droits individuels.
Alors que nous tenons une campagne électorale dans un
contexte où les valeurs libérales semblent de plus en plus menacées, il est
crucial que chaque chef de parti s'engage activement à défendre ces principes
afin d'assurer un avenir où la liberté et la justice prévaudront.
L'illibéralisme n'est pas un simple phénomène politique, c'est un défi
fondamental pour la philosophie politique moderne qui nécessite une réflexion
approfondie et un engagement collectif pour le surmonter.
Nous devons dire non à l'âge doré de Donald Trump. Plutôt
que de chercher à le séduire, nous devons le combattre avec nos idéaux et nos valeurs.
Nous avons le choix de mourir debout ou à genoux. Fidèle aux enseignements de
mon grand-père paternel, je préfère mourir debout plutôt que de vivre à genoux
devant l'empereur de l'illibéralisme, Donald Trump. Le président américain
Donald Trump joue aux apprentis sorciers avec l'ordre mondial au nom de
principes vaseux et d'un discours populiste racoleur qui mise sur la peur et
les préjugés. Rappelez-vous ces Haïtiens qui mangeaient les animaux
domestiques. Il est vrai que s'opposer à l'empire américain demande beaucoup
d'audace, mais je souhaite que nous tous soient assez lucides pour donner à nos
politiciens la dose de courage nécessaire pour dire un non retentissant à l'âge
doré des États-Unis d'Amérique de Donald Trump...