Les derniers rapports, dU gouvernements fédéral et du
Québec, indiquent que l'aiguille de la réduction des émissions de gaz à effet
de serre (GES) a commencé à bouger. En effet, le Canada aurait réduit ses
émissions de 8,5 % par rapport à 2005 et le Québec de 7,2 % par rapport à
celles de 1990. Faut-il s'en réjouir ? Évidemment. Mais il ne faut pas baisser
la garde.
Le chemin qu'il reste
à parcourir
Les deux niveaux de gouvernement s'entendent sur l'objectif
de carboneutralité d'ici à 2050, ce qui signifie que plus aucun GES ne doit grossir
le stock accumulé dans l'atmosphère et qu'à partir de ce moment on doit
diminuer cette accumulation de façon à atteindre le niveau de l'ère
pré-industrielle.
Comme cible intermédiaire, le gouvernement fédéral souscrit
à l'objectif de réduction de 50 % d'ici à 2030, alors que Québec s'engage à la
hauteur de 37,5 % aussi pour 2030. En 2005, le Canada émettait 759 Mt éq.
C02,[1] en 2023, il en émettait 694 Mt éq. C02. Il faut donc en déduire que les
deux devront embrayer en vitesse accélérée pour atteindre leur engagement.
D'ici à 2030, en l'espace de 5 ans, le Canada devra réduire
ses émissions de 41,5 % alors que pour le Québec, ce sera de 30,3 % tout en
sachant que ce dernier reporte 12,5 % après 2030.
Le défi est colossal. Les deux niveaux de gouvernement se
disent confiants d'y arriver.
Ce ne sera pas un
fleuve tranquille
Les incohérences se manifestent déjà. À part le Parti
conservateur de Poilievre, tous les partis s'entendaient jusqu'à tout récemment
sur la nécessité de la Loi sur le carbone. Cette mesure était considérée par
les organismes et les experts internationaux ainsi que par nos gouvernements
comme la mesure « phare », la mesure la plus efficace pour réduire les GES. Et
voilà qu'en une semaine, tous les partis font l'unanimité, à l'exception du
Bloc québécois, pour l'abolir. Pierre
Poilievre en rajoute, il veut aussi abolir la tarification du carbone sur les
plus grandes industries au Canada, s'il est élu. Et vlan pour le principe de «
pollueur-payeur ».
Cette taxe carbone n'affectait pas le Québec qui possède sa
propre taxe sur l'essence et son plan spécifique appliquant le principe du
pollueur-payeur dénommé Système de plafonnement et d'échange de droits
d'émissions (SPEDE) exécuté de concert avec la Californie. C'est cette taxe qui
sert à subventionner l'achat de véhicules électriques, à transformer son
chauffage au mazout par des thermopompes et à financer des projets verts.
Va-t-il maintenir sa taxe sur l'essence alors que depuis le
1er avril, suite à l'abolition de la taxe carbone sur les combustibles par le
gouvernement fédéral, l'essence vient de diminuer de ± 20 cents le litre dans
les autres provinces ?
Depuis peu, on sent une tendance à négliger la prise en
compte de la lutte aux changements climatiques de la part de nos gouvernements.
Le nouveau premier ministre, Mark Carney, se rapproche de Pierre Poilievre en
abolissant la taxe sur le carbone et en se disant favorable au développement de
projets pétroliers et gaziers... « À la
condition qu'il y ait l'acceptabilité sociale ».
Et voilà que l'élection de Donald Trump vient en rajouter.
Le deuxième plus grand émetteur de GES au monde sabre dans toutes les mesures
de lutte aux changements climatiques : abolition des lois pour limiter les
émissions, bar ouvert aux pétrogazières et aux oléoducs, « drill, baby, drill
», hache dans les organismes de recherche en environnement, tout y est.
De plus, il se retire de l'Accord de Paris et des organismes
multilatéraux à ce niveau avec le financement qui vient avec. Et volent en
éclats les projets de solidarité envers les pays sous-développés qui se
discutaient depuis la dernière COP en 2024 et qui devaient aboutir en 2025.
De façon indirecte, sa politique protectionniste de tarifs
tous azimuts oblige tous les pays concernés, à faire bifurquer des budgets
importants qui auraient pu servir à des projets de décarbonation. Pire encore,
ses politiques agressives contre le Canada, mais aussi contre les pays de
l'OTAN, dans le contexte actuel obligent ces mêmes pays à sortir des fonds
mirobolants pour s'armer : menace de faire du Canada le 51e état des
États-Unis, retrait du financement de l'OTAN, guerre en Ukraine, etc. Encore une
fois des fonds qui auraient pu servir à la décarbonation de notre atmosphère.
Vivement, la question
de l'heure
Au pays, l'aiguille a commencé à bouger, mais on abolit les
principales mesures qui ont contribué de façon importante à ce résultat. S'il vous
plaît, j'ai besoin qu'on m'explique.
Comment continuer de mettre la pression sur l'aiguille
malgré l'adversité qui nous accable provenant de notre frontière sud et du
climatoscepticisme à l'intérieur de la nôtre ? Au fait, pour qui allez-vous
voter la semaine prochaine ?
Yves Nantel
Avril 2025
[1] Mt éq. CO2 : Mt signifie millions de
tonnes. Éq. CO2 signifie équivalent
dioxyde de carbone. Afin de faciliter la compréhension, les scientifiques ont
ramené le « facteur de réchauffement global » de chaque gaz à effet de serre à
celui du CO2. Par exemple, le facteur de réchauffement du méthane est de 28
fois supérieur à celui du CO2, alors qu'une tonne de méthane émise équivaut à
28 tonnes dans le calcul global des émissions de GES.