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L’affaire SNC-Lavalin

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Photo : (Photo: wikipedia.org)
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 27 février 2019

On a eu droit ces dernières semaines à une saga opposant l'ancienne procureur de la justice du Canada et ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould à son chef et à son parti Justin Trudeau et le parti libéral du Canada. Perdu dans les qui a dit quoi à qui, on a occulté l'essentiel du dossier qui est devant l'opinion publique canadienne soit le gouvernement du Canada doit-il ou non offrir un accord de réparation à SNC-Lavalin pour sauvegarder le siège social de cet ancien fleuron de l'économie québécoise et les 9 000 emplois qui s'y rattachent au Canada dont 3 000 au Québec ?

Les oppositions à Ottawa, à l'exception du Bloc québécois, le Parti conservateur d'Andrew Scheer et le NPD de Jagmeet Singh veulent bien casser du sucre sur le dos du gouvernement Trudeau, mais ils ne veulent pas répondre à cette question toute simple. Faut-il ou non sauver les emplois de SNC-Lavalin ? Expédition intellectuelle dans les zones d'ombres politicailleuses d'Ottawa.

C'est quoi l'affaire SNC-Lavalin ?

Une grande compagnie privée offrant des services d'ingénierie s'est avouée coupable de pratiques et manœuvres frauduleuses dans ses activités tant au pays qu'à l'étranger. Par le versement de pots-de-vin, « SNC-Lavalin jadis vue comme le symbole de la réussite de l'économie québécoise voit sa réputation mise à mal. La vérité a éclaté au grand jour notamment dans le dossier du CUSM à Montréal et dans les dossiers avec la Libye du dictateur Mouammar Khadafi. Depuis SNC-Lavalin a fait le grand ménage en se débarrassant de ses anciens dirigeants, réformé ses pratiques en se donnant de nouveaux codes d'éthique. Désireuse de montrer patte blanche et de se refaire une virginité, l'entreprise vit actuellement de grandes difficultés financières. » Par un accord de réparation, elle souhaite remettre les compteurs à zéro et obtenir du gouvernement du Canada le même type d'entente que Rolls Royce au Royaume-Uni. Ce que permet la loi canadienne et qui est en toute concordance avec les pratiques que l'on retrouve dans les économies de nos principaux concurrents, dont le Royaume-Uni. La question est simple : doit-on ou non accorder un pardon encadré par la loi à une compagnie coupable d'actes criminels pour sauver l'entreprise et les emplois ? C'est de cela que nous devrions discuter présentement au Canada en marge de cette affaire. Pourtant loin de cette discussion simple et rationnelle, nous sommes plongés dans une crise politique majeure et à saveur identitaire. Comment cela se peut-il ?

La bombe du Globe and Mail

Tout a commencé avec la publication d'une exclusivité le 7 février dernier du Globe and Mail qui a rapporté que l'entourage du premier ministre aurait essayé d'exercer des pressions sur Mme Wilson-Raybould afin qu'elle tente de convaincre le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) de conclure un accord de poursuite suspendue avec SNC-Lavalin.

« En vertu d'un tel accord, SNC-Lavalin, accusée de fraude et de corruption, aurait admis des actes répréhensibles et payé une amende, mais aurait pu continuer de soumissionner pour des contrats publics. À l'opposé, si elle était reconnue coupable au terme d'un procès criminel, la firme pourrait être bannie pendant 10 ans de tout contrat public fédéral. »

Le premier ministre a démenti les allégations du Globe and Mail, déclarant : « ni moi ni mon bureau n'avons demandé au procureur général actuel ou antérieur de prendre quelque décision que ce soit sur cet enjeu ».

La saga Judy Wilson-Raybould

Puis la saga avec madame Jody Wilson-Raybould, qui n'a manifestement jamais accepté sa rétrogradation au ministère des Anciens Combattants et qui s'est fait l'égérie de la défense de notre État de droit contre les visées électoralistes de son gouvernement et de son premier ministre, Justin Trudeau, qui voulait sauver l'entreprise et les emplois. Cela l'a menée à démissionner du cabinet et à se poser comme la conscience éthique du gouvernement libéral sans avoir à prononcer un seul mot. La dernière semaine a été surréaliste. Madame Wilson-Raybould a rencontré ses anciens collègues du conseil des ministres et a assisté au caucus de son parti en déclarant qu'elle avait hâte de dire « sa vérité de l'affaire SNC-Lavalin ».

Pour une raison qui m'est inconnue, l'ancienne ministre de la Justice Wilson-Raybould refusait d'accorder à SNC-Lavalin le droit de faire appel aux mécanismes de réparation plutôt que d'être jugé dans un procès criminel. Dans le cas d'un jugement, cette compagnie devrait vraisemblablement fermer ses portes avec la perte de ce siège social au Québec. Il est certain que devant cette catastrophe annoncée pour l'avenir de milliers d'emplois et pour l'économie du Québec, le cabinet du premier ministre a parlé de ce dossier avec la ministre Wilson-Raybould. Parler, faire pression, chercher à influencer, tous des mots qui sont sujets à interprétation selon les intervenants et les contextes. Même si les lois permettent au premier ministre de donner son avis à son ministre, la ligne est mince entre l'avis du premier ministre et son désir. Une ministre bien avisée comme l'était madame Wilson-Raybould peut très bien avoir eu du mal à faire la différence surtout si elle a reçu des appels des membres de sa garde rapprochée dans le même plan-séquence, comme nous dirions au cinéma. Alors il sera presque impossible de savoir un jour s'il y a eu ou non influence qui s'est transformée en interférence dans un dossier de justice par le cabinet du premier ministre ou par son entourage. C'est la parole de l'un contre la parole de l'autre.

Une chose est certaine cependant et c'est étrange, madame Wilson-Raybould semble avoir la volonté d'affronter son chef en public. Elle ne peut ignorer qu'elle peut lui porter des coups mortels en cette année électorale. Son égo semble prendre le pas sur sa loyauté envers son chef et son parti. Qu'importe les motivations de madame Wilson-Raybould, celle-ci fait la preuve de sa déloyauté envers son premier ministre, ses collègues du conseil des ministres et des membres du caucus libéral. Si ce n'était que cela...

Le « Québec Bashing »

En prime, l'affaire SNC-Lavalin s'accompagne d'une résurgence de sentiments anti-Québec au Canada. C'est du déjà vu. Cette « crise politique toute canadienne » met en valeur des propos outranciers chez nos voisins du Canada anglais à l'égard du Québec. On assimile la volonté de Justin Trudeau et de son gouvernement à proposer un accord de réparation à SNC-Lavalin à du copinage et du favoritisme envers le Québec. Cette province récalcitrante, jamais satisfaite qui est une empêcheuse de tourner en rond et qui se permet de refuser les pipelines sur son territoire. Le premier ministre libéral Justin Trudeau est accusé de favoritisme envers le Québec corrompu. Le même Justin Trudeau qui refuse de reconnaître les droits nationaux du Québec. Par ailleurs, cette crise politique met à mal les relations entre les blancs colonisateurs et les nations autochtones du pays. La ministre de la Justice déchue, Jody Wilson-Raybould, représentait pour le gouvernement Trudeau le symbole de la réconciliation entre les Amérindiens et le peuple canadien. Il faut admettre qu'aucun gouvernement n'a mis autant d'efforts pour « réparer » les relations entre le Canada et les nations autochtones.

Tout cela pour savoir si nous devons ou non sauver les emplois d'une compagnie canadienne. Surréaliste ne trouvez-vous pas ?

Ils sont où les Canadiens qui nous aimaient tant en 1995 ?

Une compagnie qui s'est rendue coupable de corruption d'agents étrangers, un gouvernement qui souhaite ne pas pénaliser les employés et conserver des emplois stratégiques, voilà assez d'éléments pour créer une crise politique majeure. Le diable est aux vaches. Le premier ministre n'en finit plus de se justifier quotidiennement. Le Globe and Mail se frotte les mains. Le Canada anglais déverse sa hargne sur le Québec. Où sont ces Canadiens qui sont venus nous dire qu'ils nous aimaient en 1995 ?

Chose certaine, celles et ceux qui croient que l'idée de la souveraineté du Québec est morte et enterrée font fausse route. Ils errent. À preuve, un fédéraliste à tout crin comme moi se demande certain jour s'il ne faudrait pas la faire cette foutue indépendance et laisser les canadiens avec leurs préjugés. Nous méritons mieux au Québec que cette haine de ce que nous sommes. C'est ce que nous révèle l'affaire SNC-Lavalin...


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