Nous sommes en élection. Dans quelques semaines, le Canada
se donnera un nouveau gouvernement. Cela ne fait que commencer, j'aurai
amplement l'occasion d'y revenir. Cette semaine, je veux attirer votre
attention sur la situation politique au Québec. La victoire éclatante et
prévisible du Parti québécois de Paul St-Pierre Plamondon dans le comté de
Terrebonne prépare le terrain pour un affrontement titanesque entre la
Coalition avenir Québec de Legault et le parti québécois pour revendiquer le
droit d'être le parti bleu du Québec. Et rebelote, la souveraineté du Québec
ressurgit dans nos débats politiques. Réfléchissons à cette vieille question du
nationalisme québécois qui est et qui fera toujours partie de la vie du Québec.
La question qui se pose est la suivante : la nation québécoise doit-elle ou non
devenir un pays, associé ou non économiquement avec le Canada ? Des vieilles
questions qui prennent aujourd'hui un tout nouveau relief avec les volontés de
notre voisin du sud de faire disparaître notre pays pour en faire un 51e État
américain.
Aux sources du
nationalisme
La question du Québec hante l'histoire du Canada et de
l'Amérique du Nord depuis l'établissement d'une colonie en Nouvelle-France. Les
origines du nationalisme québécois remontent à la période de la Nouvelle-France
où la présence française en Amérique du Nord s'est cristallisée autour de la
culture francophone, de la religion catholique et des institutions sociales. La
conquête britannique en 1763 vient altérer cette quête d'identité et naît alors
un désir de la population de préserver son identité devant l'imposition des
institutions britanniques pour remplacer les institutions de l'ancien régime
français. Face à la menace américaine, les Britanniques signent l'Acte de
Québec en 1774 où l'on permet le libre exercice de la religion catholique et
remplace le serment du test par un serment au roi. Cela calmera le jeu et
donnera au Vatican une emprise importante sur le devenir de la société
francophone de l'époque.
La rébellion des patriotes en 1837-1838, bien que réprimée,
représente un tournant majeur dans l'affirmation d'un projet national. Les
patriotes, principalement issus de la classe moyenne francophone, revendiquent
des réformes politiques et une plus grande autonomie face à l'Angleterre. Ils
veulent un gouvernement responsable et l'abolition du Conseil exécutif, au lieu
de la gabegie anglaise. On oublie trop souvent que les rébellions furent avant
tout un mouvement démocratique républicain, même si l'on note aussi la présence
d'un fort sentiment national. C'est le nœud gordien pour comprendre le lien
étroit entre la démocratie et le nationalisme dans l'histoire du Québec.
Au XXe siècle, le nationalisme québécois prend de l'ampleur
avec la montée des mouvements syndicaux et des partis politiques prônant
l'autonomie du Québec. Les libéraux et les conservateurs, rapidement suivis par
l'Action libérale nationale et plus tard le Parti québécois qui incarnera la
souveraineté du Québec, se sont passés le flambeau de la préservation et de la
défense de la nation francophone en Amérique du Nord. Cela sera aussi marqué
par de grands événements politiques identitaires comme le référendum de 1980,
le rapatriement unilatéral de la constitution canadienne en 1982, la réélection
de Robert Bourassa en 1985, l'échec de l'accord du lac Meech en 1990, le
référendum de 1995 et la reconnaissance de la nation québécoise par le
Parlement du Canada en 2006.
Au XXIe siècle, tout change. Le nationalisme québécois
connaît une transformation substantielle. L'émergence de nouveaux mouvements
identitaires et la diversité croissante de la population québécoise remettent
en question les fondements traditionnels du nationalisme. Le Bloc québécois et
la Coalition avenir Québec s'illustrent par des positions divergentes sur le
nationalisme traditionnel. Il y a retour à l'autonomisme de Duplessis au
Québec. Le nationalisme québécois se voit traversé par des questions comme
l'immigration, le multiculturalisme, l'anglicisation et les tensions sur les
questions religieuses et la laïcité. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Les défis
de la souveraineté aujourd'hui
Alors que la quête de la souveraineté a été au cœur de son développement,
la réalité contemporaine nécessite une réflexion sur la pluralité et la manière
d'articuler un nationalisme inclusif qui embrasse la diversité de la population
québécoise. C'est ce que tentent de faire le chef du Parti québécois, Paul
St-Pierre Plamondon et la Coalition avenir Québec de François Legault. Même si
le nationalisme québécois demeure un champ de débats vivants et dynamiques, il
y a place pour une vision différente de celle proposée par le PQ et par la CAQ.
Affirmer le destin de la nation québécoise ne nécessite pas de faire du Québec
un pays, surtout dans un contexte géopolitique aussi délétère que le nôtre
aujourd'hui.
Trump et
l'avenir du Québec
Croyez-le ou non, Donald Trump a aussi de grandes influences sur ce vieux
débat québécois et canadien. En menaçant de faire du Canada un 51e État,
notre voisin du sud vient souder le Canada ensemble, faisant fi de ses
rivalités identitaires millénaires. Même les souverainistes convaincus
s'insurgent contre les velléités de Trump d'annexer le Canada. Il est vrai que
le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, et son chantre principal
Mathieu Bock-Côté cherchent à tirer avantage de la situation en affirmant que
si le nationalisme est bon pour pitou, il est aussi bon pour minou.
Raisonnement dangereux et un peu fallacieux. Si Paul St-Pierre Plamondon n'a
pas tort de dire que les arguments pour défendre l'intégrité de la nation
canadienne sont aussi valables pour défendre la nation québécoise, il omet de
dire que ce qui fait la singularité de l'identité canadienne, c'est la présence
d'une nation canadienne-française en son sein comme peuple fondateur. Je sais
que cette expression est aujourd'hui périmée en politique canadienne. Il n'en
demeure pas moins que c'est la réalité historique. Sans le Québec, le Canada ne
serait pas le Canada. Le problème, c'est que le Canada ne s'est pas encore
rendu compte que sa force, c'est de refaire une place au Québec en son sein en
reconnaissant la nation canadienne-française. C'est là tout le drame de la
présente conjoncture politique internationale.
La
dislocation du Canada
Cela signifie que la dislocation du Canada sous les pressions de notre
voisin du sud n'est pas une alternative viable pour le projet de faire du
Québec un pays. Si le président Trump n'est pas respectueux envers le Canada
qui est composé majoritairement de white anglo-saxons protestants comme son
propre pays, imaginez-vous qu'il fera preuve de respect envers une population qui
pour lui, parle une langue indigène et qui vient de proclamer la langue
anglaise comme langue officielle des États-Unis ?
Je suis persuadé que
non. J'irai même plus loin : les attaques de Trump envers notre pays actuel, le
Canada, sont des attaques contre l'identité québécoise et contre nos valeurs.
Dans une chronique récente dans Le Devoir, Jean-François Lisée a fait la
démonstration que le Québec n'avait rien à envier aux Américains comme société.
Il est hors de question que le Québec puisse un jour devenir la Louisiane de
Trump. Ce qui m'amène à dire que Paul St-Pierre Plamondon devrait faire preuve
de plus de prudence quand il se moque de celles et de ceux qui défendent le
Canada contre les attaques de Trump. Nous n'avons pas besoin en ce moment crucial
dans l'histoire de notre nation des fanfaronnades de Plamondon...