Donald Trump fait des siennes. Sans surprise, il capte toute
l'attention des médias, ici comme aux États-Unis. Ce qui crée l'anxiété, ce
sont nos relations commerciales avec notre voisin du sud. Quoi de plus normal.
Dans un monde globalisé où les économies nationales dépendent de plus en plus
des échanges internationaux et où l'économie canadienne est dépendante de
l'économie américaine, nous sommes un peu captifs des volontés de l'omniscient
président américain. Ce qui devrait nous rassurer, c'est que les échanges
économiques n'ont rien à voir avec des dimensions humaines ou émotionnelles. Ce
ne sont que des questions de fric. Ce qui rend plus précaire notre position
actuelle, c'est que Donald Trump veut mettre le Canada à genoux. Il veut que
nous lui baisions la bague. Nous devons dire non à cet homme et puiser dans
notre réserve de courage pour affirmer nos valeurs et nos idéaux. Comme l'a
popularisé le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford : le Canada n'est
pas à vendre.
Trump...
L'élection de Donald Trump en novembre dernier et son arrivée à la
Maison-Blanche il y a une quinzaine de jours a totalement bouleversé les
dynamiques économiques tant au Canada qu'au Québec. Je suis présentement aux
États-Unis et j'ai mal à imaginer que mes voisins américains que je fréquente
deviennent des ennemis du jour au lendemain. On peut bien épiloguer sur les
comportements de Donald Trump, mais il a été élu dans une élection démocratique
par le peuple américain. Nous devons en prendre acte. Ce qui ne signifie pas
que nous devions pour autant nous livrer mains et poings liés à leur président.
Nos sommes des Québécois et des Canadiens et nous devons offrir une réponse
canadienne au discours de Trump sur le Canada.
Notre
dépendance au marché américain...
La dépendance excessive du Canada à l'égard des États-Unis a exposé
les vulnérabilités de notre économie. En 2025, 75 % des exportations
canadiennes sont destinées aux États-Unis. Cela fait de nous les otages des
volontés du président Trump et nous devons changer le logiciel afin de penser
le monde autrement que dans le mode économique traditionnel. Un mode économique
qui repose grosso modo sur l'exploitation des ressources naturelles et
l'industrialisation avec des industries qui se sont rentabilisées grâce à une
main-d'œuvre à bon marché. Le développement des usines de textile au Québec au
20e siècle en est une illustration convaincante. Ce type d'économie
subsiste encore parmi nous aujourd'hui, bien que nous sentions lentement
l'émergence d'une nouvelle économie dans la foulée de la montée des
préoccupations environnementales et de la crise des changements climatiques.
Les menaces de Trump et son désir de nous soumettre constituent une occasion
extraordinaire pour penser le monde autrement. On peut changer notre logiciel et
rompre avec le passé.
Crise
égale opportunité
La crise climatique et les enjeux environnementaux ont profondément
modifié le monde dans lequel nous vivons. Le refus pour certains de le
reconnaître ne change rien à la réalité d'une planète qui brûle sous les gaz à
effet de serre. Les Canadiens, les Québécois en particulier, sont de plus en
plus conscients de l'importance de la durabilité dans la prise de décisions
économiques. Cet état d'esprit de notre époque peut être mis à profit pour
réorienter l'économie.
La crise actuelle de nos relations commerciales avec les États-Unis se
présente à nous comme une occasion unique pour stimuler l'innovation. Nous
devons réorienter tous nos investissements vers des secteurs durables, comme
les énergies renouvelables, l'agriculture régénératrice et les technologies
vertes. Non seulement nous pourrons améliorer notre autonomie, mais aussi nous
faire les champions de la lutte aux changements climatiques dans le monde.
Nous pouvons compter au Québec sur un potentiel immense en matière
d'énergie renouvelable, en particulier avec notre hydro-électricité. L'annonce
la semaine dernière par le gouvernement Legault de parcs éoliens au Saguenay et
sur la Côte-Nord illustre mon propos. On peut aussi investir davantage dans
l'énergie solaire et dans la biomasse. Les gouvernements doivent profiter de la
crise avec Trump pour accélérer le financement des entreprises vertes et
soutenir davantage la recherche et le développement.
L'économie circulaire qui privilégie la réduction, le réemploi et le
recyclage doit être intégrée dans le modèle économique. En repensant les
chaînes d'approvisionnement et en encourageant les entreprises à adopter des
pratiques durables, nous pouvons réduire nos déchets et favoriser une plus
grande efficacité de l'utilisation des ressources. Cela permettra de générer de
nouveaux emplois et de stimuler nos industries locales.
Plutôt que de renoncer à notre programme de gestion de l'offre en
agriculture, il serait important de mettre le secteur agricole au cœur de notre
développement économique. Nourrir la population ne peut se faire dans la
dépendance aux Américains ni à aucun autre pays. Nous devons réduire davantage
notre dépendance alimentaire.
Refuser
de nous soumettre et de partir en guerre...
À l'aide de nos PME et de nos agriculteurs, nous devons éviter de nous
mettre sur le pied de guerre avec notre voisin du sud. Les petites et moyennes
entreprises (PME) sont la colonne vertébrale de l'économie québécoise. En leur
offrant un soutien accru, que ce soit par des incitations fiscales, du mentorat
ou un accès facilité au financement, le Québec peut développer un écosystème
entrepreneurial prospère et résilient. Le soutien à l'innovation et à la
durabilité dans le tissu économique local peut renforcer la compétitivité des
PME sur la scène internationale.
Les provinces canadiennes, et aussi le Québec, peuvent faire mieux
dans le Canada. Elles doivent travailler ensemble pour créer des synergies
économiques. Une approche collaborative peut permettre de partager les
meilleures pratiques, d'associer les ressources et d'accroître l'efficacité.
Par exemple, le partage de l'expertise en matière d'énergies renouvelables ou
de technologies durables pourrait renforcer la position de chaque province sur
les marchés national et international. Abattre les barrières tarifaires entre
les provinces serait un excellent début.
Ignorer
le bully...
Vous pouvez constater que je ne suis pas tant dans les mesures de
représailles, contrairement à maints commentateurs et experts. De toute
manière, nous ne pouvons sortir victorieux d'une guerre commerciale avec notre
voisin et rien n'indique qu'un discours raisonnable puisse infléchir sa volonté
de nous mettre à genoux. Ce qu'il faut faire, à mon sens, c'est l'ignorer. Je
sais que nous passerons une période très difficile. Les agressions de Donald
Trump constituent un puissant appel à repenser en profondeur les modèles
économiques du Québec et du Canada. La situation actuelle offre l'occasion de
faire un véritable virage vers l'économie durable. Cela nécessite de se faire
de nouveaux alliés et d'approfondir nos relations commerciales avec l'Asie,
l'Afrique et l'Amérique du Sud. Sans compter que nous pouvons déjà miser sur
nos relations avec l'Europe.
Emprunter une telle voie rendra inoffensives les menaces de Trump, mais
nous permettra de nous doter d'un levier stratégique qui aidera le Québec et le
Canada à retrouver leur autonomie et leur prospérité dans un monde en constante
évolution. C'est une crise qui fonde l'opportunité de bâtir des fondations
solides pour les générations futures en faisant du Québec et du Canada des
modèles d'indépendance, d'autonomie, de résilience et d'entités politiques
libérées de l'emprise américaine. Je n'ai rien contre nos voisins du sud, bien
au contraire, mais je refuse de me soumettre à leurs choix électoraux. Nous
serons la preuve que l'on peut renaître du chaos...