Aujourd'hui, ma chronique aborde un sujet pas très jojo. Il
s'agit en quelque sorte d'un hommage à mon voisin, Denis Beaudoin, qui est
décédé bêtement d'un infarctus le 12 juillet dernier. Je me permets de
chroniquer sur cela parce que Denis était un personnage public avantageusement
connu à Sherbrooke, en Estrie et au Québec. Un journaliste émérite qui avait
l'esprit critique aiguisé et qui détestait plus que tout, les gens qui effectuaient
mon travail. Il n'aimait pas rencontrer d'obstacles entre lui et sa source.
J'en ai pris la mesure alors que je travaillais comme conseiller politique auprès
de Monique Gagnon-Tremblay. C'est dans le cadre de ces fonctions que j'ai connu
mon voisin Denis. J'aurai l'occasion de le rencontrer dans de nombreuses autres
situations. Je vous raconte.
Le golf à Milby...
Denis Beaudoin était un excellent golfeur. Ce que je n'ai
jamais été capable de devenir malgré mes efforts assidus. J'ai toujours eu un
handicap de 20. Quand j'ai vraiment commencé à jouer au golf, c'était en 1986
ou 1987 et j'étais devenu membre au Club de golf à Milby avec des amis Michel,
Gaétan, Yvan et Denis. Contrairement aux autres, Denis était un lève-tôt, comme
moi, nous avions donc pris l'habitude de jouer ensemble très tôt le matin, dès
l'ouverture du club. Il faisait preuve de beaucoup de patience avec moi et
n'hésitait pas à me prodiguer des conseils afin que je puisse m'améliorer. La
seule condition si l'on peut l'appeler ainsi était que notre camaraderie au
golf ne devait jamais être évoquée dans nos rapports professionnels. En
d'autres termes, il me disait que si je jouais au golf avec lui pour créer une
relation profitable pour mon employeur du temps, Monique Gagnon-Tremblay, ce
serait peine perdue. Il a tenu parole et je crois même que dans des reportages
impliquant mes patrons ou mes clients il était beaucoup plus incisif avec moi
qu'avec n'importe qui d'autre. Ça, c'est le Denis Beaudoin journaliste que j'ai
connu.
Journaliste et relationniste
Denis Beaudoin a été journaliste pendant de nombreuses
années à la radio d'abord et à la télévision ensuite. C'est d'ailleurs dans ce
cadre que je l'ai connu. Puis, les années ont passé, j'ai quitté la politique (si
on peut dire que j'ai un jour pu quitter la politique...) et je suis devenu un
relationniste professionnel pour le compte de divers clients. Une fois, Denis
Beaudoin que j'avais croisé dans une des conférences de presse que j'avais
organisées m'a dit : « tu sais Daniel ça ne peut pas marcher entre toi et
moi. Je te trouve bien sympathique, mais tu représentes ce que j'abhorre le
plus dans mon travail. » Interloqué par cette affirmation, je lui demande de
préciser sa pensée. Il me rétorque : « tu es un obstacle à mon travail, tu
es le gardien de la porte qui me mène à ma source. » J'ai eu beau tenter de lui
expliquer que j'étais plutôt un facilitateur qu'un obstacle, mais on ne s'est
jamais entendu là-dessus.
Denis le politicien municipal
J'ai recroisé Denis plus formellement lors de la campagne
électorale municipale de 2009 alors qu'il était candidat dans le district de
Jacques-Cartier contre entre autres Nathalie Goguen et Marcel Fabi. Portant les
couleurs du Renouveau sherbrookois, Denis n'a malheureusement pas réussi à
gagner son siège pour son ami, Bernard Sévigny. J'y étais, car j'avais
travaillé au plan de campagne du Renouveau sherbrookois. Lors des diverses
rencontres des candidats et des candidates, j'ai retrouvé le Denis que j'avais
toujours connu à l'esprit critique acéré. Sans en parler à personne, je m'étais
fait la réflexion que Denis Beaudoin serait malheureux dans le rôle de
conseiller au pouvoir, lui qui a toujours détesté tous les pouvoirs et qui se
faisait le porte-voix des dysfonctionnements et des ratés de nos gouvernements.
C'est à cette époque que je suis devenu par hasard le voisin d'en face de Denis
Beaudoin.
Mon voisin que je considérais mon
ami...
Denis et moi n'avons jamais été ce que l'on peut appeler des
amis même si nous avions beaucoup de comportements s'y apparentant : surveillance
de nos maisons en l'absence des occupants, prêts d'outils, coup de main au
déneigement d'hiver, etc. Je retiens surtout nos longues conversations
politiques sur le Québec, sur les États-Unis et sur la politique municipale. Je
ne vous raconte pas ces discussions puisqu'elles étaient privées, mais je puis
vous dire qu'elles me manquent déjà. Denis Beaudoin était important dans mon
environnement et son décès vient brutalement rompre ces conversations. Je
trouve cela difficile la mort.
Que signifie la mort pour nous les
vivants ?
La mort est
une réalité incontournable de la vie. En effet, chaque individu qui naît est
destiné à connaître, un jour ou l'autre, ce mystère ultime : la fin de son
existence terrestre. Pour celles et ceux qui restent, c'est toujours une
épreuve difficile à surmonter. La perte d'un être cher laisse derrière elle un
vide indélébile et des questions sans réponse. C'est un moment de douleur
intense où les émotions se mêlent et où le deuil devient un long chemin à
parcourir. Ici, mes pensées vont à Louise à sa fille et à sa famille.
La
disparition progressive du monde se manifeste également à travers la mort.
Chaque disparition laisse un trou dans le tissu social et familial, contribuant
ainsi à une sensation d'effritement, de fragilité de notre réalité commune. Les
cicatrices laissées par les départs successifs marquent les esprits et
façonnent la perception que nous avons du monde qui nous entoure. À chaque
décès, c'est un peu de notre univers intérieur qui s'érode, laissant place à
une conscience aigüe de notre propre finitude.
Dans ce
contexte, la mort devient un miroir de nos propres peurs et de nos angoisses
existentielles. Elle nous confronte à l'idée de notre propre mortalité, nous
rappelant que nous ne sommes que de simples grains de sable dans l'immensité de
l'univers. Cette prise de conscience peut être à la fois libératrice et
terrifiante, car elle nous pousse à réévaluer nos priorités, nos choix de vie
et nos relations avec les autres.
La
disparition progressive du monde se superpose à celle de nos proches, créant
une atmosphère de mélancolie et de nostalgie. Les souvenirs deviennent nos
seuls liens avec les disparus, les vestiges d'un passé révolu qui s'estompe peu
à peu dans les tréfonds de notre mémoire. Nous nous accrochons à ces souvenirs
comme à des îlots de stabilité dans un océan d'incertitude, cherchant à
préserver ce qui peut encore l'être de notre histoire commune.
Malgré
tout, la mort et la disparition progressive du monde nous invitent aussi à
célébrer la vie et à saisir pleinement chaque instant. Elles nous rappellent
que rien n'est éternel, que tout est éphémère, et que c'est précisément cette
impermanence qui donne toute sa valeur à chaque souffle, à chaque regard, à
chaque étreinte. Elles nous incitent à chérir nos êtres chers, à cultiver l'amour
et la bienveillance, à transcender nos peurs pour mieux embrasser la beauté
fugace de l'existence.
Repose en paix Denis !
La mort
pour les personnes qui restent et la disparition progressive du monde sont des
réalités incontournables de l'expérience humaine. Elles nous confrontent à nos
limites, à nos fragilités, mais aussi à notre capacité à transcender l'adversité
et à trouver du sens dans l'absurde. Elles nous poussent à grandir, à évoluer,
à nous reconnecter à l'essentiel, pour mieux affronter l'insondable mystère de
la vie.
Dans mon
cas, je n'aurais plus ces discussions impromptues avec Denis Beaudoin, mais au
moins même si nous n'étions pas des amis officiels, j'aimais bien lui répéter,
à la fin de nos conversations épisodiques : « Moi en tout cas, je l'aime
bien Denis Baudoin. » Il a toujours feint de ne pas entendre, mais je sais
qu'il avait bien compris qu'au-delà de toutes les relations que nous avions eues,
la plus importante était et restera toujours celle de mon voisin Denis...