Le titre de cette chronique s'inspire du titre de l'autobiographie de madame Lise Payette publiée en trois tomes entre 1997 et 1999, chez l'éditeur Libre Expression. La version que j'ai lue pour ma part est celle publiée chez Québec-Amérique en décembre 2015. Édition qui réunissait les trois tomes avec certains documents inédits et une préface de l'ancienne journaliste du Devoir, Josée Boileau.
Pourquoi vous parler en ce début d'année 2019 de l'autobiographie de Lise Payette? De nombreuses raisons motivent ce choix. D'abord, Lise Payette qui est décédée à la fin de 2018 a été l'un des personnages marquants de l'histoire politique du Québec même si son passage en politique fut bref. Madame Payette fut aussi un fer de lance de la lutte des femmes pour l'obtention de l'égalité tout au long de la deuxième partie du 20e siècle. Elle fut aussi l'une de nos plus grandes artisanes de notre imaginaire collectif par sa participation à l'univers de la télévision québécoise.
En ces lendemains de #MeToo, de ses interminables débats, utiles néanmoins, sur la violence et au harcèlement dont sont victimes encore les femmes, il n'est pas inintéressant de rappeler le parcours de cette femme d'honneur par excellence que fut Lise Payette et des autres femmes d'honneur dans nos vies même si nous ne sommes pas le 8 mars. Incursion furtive dans le monde des femmes d'honneur.
Lise Payette, un grand personnage de notre histoire
Lise Payette fut une battante. Toute sa vie fut marquée par une singularité qui détonnait avec l'ambiance de son époque. Mariée jeune à un homme qui l'a fait terriblement souffrir, elle a néanmoins réussi à affirmer son indépendance. Elle a consacré toutes ses énergies à assurer son indépendance financière en développant une carrière professionnelle dans le monde des médias et de la politique. On peut retenir de nombreux passages de la vie de Lise Payette qui ont été à la fois marquants pour elle et pour le Québec.
Appelez-moi Lise
Elle a été une redoutable animatrice de radio et de télévision. Les plus vieux se rappelleront d'Appelez-moi Lise ou elle a sévi pendant trois ans en remportant un succès de cote d'écoute impressionnant malgré l'heure tardive de la diffusion de l'émission, à 23 h. Près d'un million de Québécoises et de Québécois se couchait tard en ce temps-là.
Lise Payette ministre de Lévesque
D'autres se souviendront plutôt de son passage en politique ou elle fut élue députée de Dorion en 1976 dans le gouvernement péquiste de René Lévesque. C'est à elle que nous devons la Loi sur l'assurance-automobile avec son programme parfois décrié de nos jours de no fault. Le Je me souviens de nos plaques d'immatriculation c'est aussi l'une des marques de son passage dans notre histoire politique. Bien sûr, ce que personne n'aura oublié c'est sa fameuse déclaration du personnage d'Yvette dans les manuels scolaires qui fut une déclaration politique abondamment utilisée contre elle et le mouvement souverainiste après qu'elle ait comparé la femme du chef du Parti libéral du Québec de l'époque, Madeleine
Ryan, à une Yvette de nos manuels scolaires. Déclaration qui l'a poursuivie longtemps après son départ de la politique. D'ailleurs, madame Payette a eu une relation amour-haine avec la politique. Elle n'a jamais pu retrouver chez ses collègues du conseil des ministres un tant soit peu d'ouverture et de compréhension envers les dossiers de son grand combat mené pour l'égalité des femmes et des hommes. On peut lire ces frustrations dans son brulot publié en 1982 chez Québec-Amérique alors qu'elle était au pouvoir dans le cabinet de René Lévesque. Depuis, ce livre a été réédité chez Athéna en 2010. Dans ce livre, Lise Payette témoigne de sa frustration vis-à-vis des tâches dévolues à un législateur et de ses difficultés à faire avancer ses dossiers liés à la condition des femmes.
Le retour à l'écriture télévisuelle, Jean-Paul Belleau et Disparaître
Après la politique, elle ne s'est pas représentée en 1981, Lise Payette prend sa plume pour écrire des téléromans Des Dames de Cœur, Marylin et de nombreux autres. Son personnage mythique de Jean-Paul Belleau incarné par le comédien Gilbert Sicotte est passé à l'histoire. Madame Payette a non seulement voulu nous divertir, mais elle n'a jamais cessé de vouloir faire avancer le Québec avec entre autres son documentaire Disparaître qui remettait en question les politiques d'immigration du Québec. Certains l'ont même accusé de racisme à l'époque.
Un destin singulier
Habitués aujourd'hui à la mise en scène de soi-même, à l'égoïsme social et au repli individualiste, des destins comme ceux de Lise Payette apparaissent aujourd'hui irréels. Qui ferait aujourd'hui comme Lise Payette ? Nous vivons une ère de spectacle, de fuite en avant dans le consumérisme où l'argent et l'honneur font foi de tout. Nous sommes loin des femmes d'honneur de Lise Payette.
Ce n'était pas la tasse de thé de Lise Payette qui a consacré sa vie à deux combats essentiels : l'indépendance du Québec et l'autonomie des femmes. Elle n'aura pas vu la réalisation de son vivant, de l'un ou l'autre de ses combats. Même si mes opinions sont différentes que celles de Lise Payette sur l'indépendance du Québec, je me reconnais avec elle le goût de libérer le Québec de ses chaînes, de ses peurs et de son manque d'ambition. Lise Payette souhaitait que le Québec prenne son envol et voulait éviter que le Québec disparaisse comme le narrait son documentaire qui fit tant de bruit. Sans Lise Payette, le Québec ne serait pas là où il est aujourd'hui et les femmes ne seraient pas au même point dans leur quête d'égalité. Nous devons multiplier les témoignages de reconnaissance et d'appui envers ces femmes d'honneur qui, comme Lise Payette, font ou feront avancer le Québec.
Cultiver les femmes d'honneur
Contrairement aux hommes d'honneur, les femmes d'honneur ne sont pas liées à ces activités criminelles. Elles sont celles qui font avancer non seulement la cause des femmes, mais celle aussi du Québec. Le combat pour l'égalité des femmes et des hommes est loin d'être terminé comme l'indique le raz de marée #MeToo. Nous en sommes encore à considérer les femmes comme des objets. En 2019, il faut faire un pas en avant et contribuer chacun à notre façon à changer les choses. Ce faisant, il y a de grandes probabilités que nous en devenions tous meilleurs, hommes comme femmes.
Pour 2019, il faut reconnaître les femmes d'honneur qui vivent parmi nous comme l'historienne Micheline Dumont qui se verra décerner l'Ordre du Canada dans les prochaines semaines. Une femme qui a passé sa vie à vouloir sortir les femmes de l'ombre de notre histoire trop masculine et trop guerrière. Il y a aussi toutes ces femmes comme ma fille, mère monoparentale de trois enfants, qui élève courageusement mes petits-enfants ou comme ma conjointe qui ne laisse jamais passer une blague qui ridiculise les femmes.
En 2019, il faut célébrer et reconnaître à leur juste valeur toutes ces femmes qui besognent courageusement à la quête d'une véritable égalité. Rendre hommage à la vie de madame Payette ne serait-ce pas de reconnaître toutes les femmes d'honneur...