Le dernier discours du budget du gouvernement de Justin
Trudeau, présenté à la Chambre des communes mardi dernier, a comme prévu, été
plutôt mal accueilli par les experts et les adversaires politiques de Justin
Trudeau. Il faut dire que la myriade d'annonces prébudgétaires laissait peu de
place à des commentaires novateurs. Le dernier retranchement des experts était
de critiquer le niveau de déficit faisant suite aux annonces de Justin des
semaines précédentes. Ils auront été déçus puisque le déficit était pile ce qui
avait été prévu lors de la mise à jour budgétaire de l'automne dernier. Il ne
reste plus qu'à critiquer l'orientation générale du gouvernement qui privilégie
les gens plutôt que les colonnes de chiffres alignés pour le bon plaisir des
adeptes inconditionnels du néo-libéralisme. C'est ce qu'on fait analystes,
experts et adversaires de Justin Trudeau en le clouant au pilori pour son
virage à gauche toute. Quel virage en fait ? Réflexion libre sur la gauche et
la droite au Canada.
Trudeau, le vil gauchiste
Dès son arrivée à la tête du Parti libéral du Québec, Justin
Trudeau a voulu que son leadership soit tout entier dévoué aux gens. Il disait
alors qu'il voulait travailler à améliorer les conditions de vie et les chances
de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens de la classe moyenne qui
travaillent fort. Plus que tout autre chef avant lui, Justin Trudeau a voulu se
faire un leader transformationnel pour aider les Canadiennes et les Canadiens.
La crise de la pandémie n'a qu'accentué cette tendance de Justin Trudeau à se
faire l'avocat des conditions de vie des personnes de la classe moyenne.
D'ailleurs, n'a-t-il pas en pleine campagne électorale promis de faire des
déficits ?
On ne peut pas aujourd'hui s'étonner que le gouvernement
Trudeau ne fasse pas de boutons sur les fesses avec la question du déficit.
Dans cette perspective, le dernier budget du gouvernement Trudeau s'inscrit
pleinement dans le registre habituel de ses actions en matière budgétaire. Bien
sûr, de nombreuses voix se font entendre pour réclamer un plan de retour à
l'équilibre budgétaire. Elles notent que le paiement des intérêts de la
prochaine année sera équivalent aux revenus de la TPS. Par ailleurs, dans le
dernier budget, le gouvernement Trudeau emprunte au programme du NPD et décide
de taxer davantage les plus riches et le capital. Cette taxation des
ultra-riches comme ils le disent touche peu de gens en fait, mais elle touche
des gens puissants qui ont des moyens disproportionnés pour se faire entendre.
Cela ne peut pas passer comme une lettre à la poste. Le néo-libéralisme a
encore de nombreux adeptes chez nous comme ailleurs dans le monde.
Un bon ou un mauvais budget ?
Pour ma part, je considère le dernier discours du budget
comme un budget conjoncturel qui prend en compte à la fois les besoins de la
population canadienne, se positionne dans la lutte à venir avec les
conservateurs de Pierre, - mini-Trump, - Poilievre et qui tient compte de la
nécessaire adhésion du NPD pour se maintenir en poste comme gouvernement. C'est
un budget dépensier qui fait une large place à la satisfaction des besoins de
la population canadienne avec des dépenses structurelles qui ne vont
qu'augmenter dans le temps et qui de façon responsable vient taxer davantage
les plus riches notamment par la hausse de 16 % de l'imposition du gain en
capital pour les montants supérieurs à 250 000 $. Les entreprises
casqueront aussi. Pour ce qui des autres mesures, il est à noter que des sommes
sont prévues pour l'innovation, l'intelligence artificielle, le logement et
l'accès à la propriété. Il est vrai que l'utilisation du pouvoir de dépenser
fédéral dans des champs de compétences des provinces vient alourdir les
déficits. Cet aspect des choses est un frein au retour à l'équilibre budgétaire
et est une menace pour l'avenir du fédéralisme canadien. Justin Trudeau a beau
dire que les gens ne s'intéressent pas aux querelles de juridiction, mais il
sous-estime l'importance de l'équilibre des pouvoirs entre les divers
gouvernements dans le cadre d'un régime fédéral en santé. Qui plus est, les
dépenses dans les champs de juridiction des provinces pavent la voie à
l'élection de Pierre - mini-Trump - Poilievre. Comment me direz-vous ? La
stratégie des libéraux est de créer un climat politique de campagne qui va
obliger Poilievre à dire quels services il va couper pour réduire le déficit et
les taxes. C'est du moins le plan de match libéral. Or, Poilievre peut très
bien se délester du problème en décidant de hausser substantiellement les
transferts fédéraux en santé et services sociaux et laisser aux provinces
l'odieux de décider ce qu'elles conserveront comme services. Ainsi, Poilièvre
réduira à néant la stratégie électorale que lui ont concoctée Justin Trudeau et
ses sbires.
Le budget et ses suites
Une chose est certaine c'est que le dernier budget Trudeau
ne passera pas à l'histoire. Je l'ai écrit plus tôt, c'est un budget
situationnel qui répond aux exigences du temps politique actuel. Certes, ce
budget sera la matière première principale des discours de positionnement
électoraux de chacune des formations politiques. Le NPD est à cet égard le moins
bien positionné puisque les libéraux lui ont ravi sa place à la gauche de
l'échiquier politique. La prochaine campagne électorale aura donc des thèmes
qui s'opposeront, les centralisateurs versus les provincialismes, les
néo-libéraux versus les progressistes. Le budget du gouvernement Trudeau sera
l'amplificateur de son discours progressiste pour aider les citoyennes et les
citoyens du Canada.
J'ai déjà écrit dans cette chronique l'idée que les budgets
des États ne sont pas l'équivalent des budgets personnels. Il ne faut pas voir
les déficits d'un État comme les personnes regardent leurs passifs personnels
dans leurs bilans financiers. Ce qui importe c'est de mesurer si les dépenses
qui mènent à un déficit sont de bonnes ou de mauvaises dépenses. Dans le
dernier budget Trudeau, qu'importe ce que peuvent en dire certains experts, les
dépenses sont de bonnes dépenses et elles visent à améliorer les conditions de
vie des gens au Canada. Les discours néo-libéraux que nous sert l'ex-chef du
NPD, Thomas Mulcair, sont indignes d'un ancien leader de gauche. A-t-il déjà
été à gauche ? C'est la question à se poser en écoutant ses commentaires à la
radio et à la télévision.
Venir en aide aux Canadiennes et aux Canadiens en ce temps
de crise et chercher à aider l'accès à la propriété pour les plus jeunes est
une cause noble qu'enfourche le gouvernement libéral de Justin Trudeau. Celles
et ceux qui ne croient pas que les classes sociales et la pauvreté existent au
Canada n'ont qu'à lire le récit coup de poing de Jean-Philippe Pleau sur son
enfance Rue Duplessis, ma petite noirceur, publié chez Lux tout
récemment. Ils constateront que la pauvreté et la culture de la pauvreté existent
bel et bien chez nous même en 2024. Ils seront moins virulents contre les maudits
gauchistes...