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Le tabou ultime !

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Photo : (fournie).
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 21 août 2024

Après une période de dormance estivale, la vie politique québécoise reprendra peu à peu de ses galons au cours des prochaines semaines.

Tous les partis et chefs de parti chercheront à commencer la nouvelle année politique sur un bon pied. Aux grands malheurs du gouvernement et du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, l'état de notre réseau de santé demeurera un enjeu au cœur de tous nos débats. Ce matin, cette chronique veut aborder la question de notre réseau de la santé.

En juillet dernier, j'ai été malade, j'ai dû être hospitalisé d'urgence et avant mon admission à l'hôpital, je n'ai eu accès à aucun service de santé, si ce n'est le support téléphonique du GAP qui me suggérait d'aller voir une infirmière en Montérégie. Heureusement que j'ai pu profiter des services de médecine privée de la clinique Continuum. J'ai pu voir un médecin dans l'heure et c'est ce qui m'a permis d'être admis d'urgence à l'hôpital où j'ai reçu d'excellents soins. À vrai dire, le recours à cette clinique privée et à mon séjour à l'Hôtel-Dieu m'ont littéralement sorti d'un très mauvais pas aux circonstances imprévisibles. C'est dire que depuis cette expérience personnelle, mon opinion sur la place du privé dans notre système de santé a changé. Moi qui étais résolument contre, je suis maintenant plutôt favorable. Faisons le point sur ce totem de notre société.

La grande promesse de notre réseau : accessibilité et universalité

Dans le domaine de la santé, quatre principes fondamentaux sont souvent mis de l'avant : la gratuité, l'universalité et l'accessibilité des systèmes de soins, ainsi que le respect du caractère sacré de la vie. Ces grands principes soulèvent des débats et des enjeux majeurs, en particulier lorsqu'il s'agit de décider des vies à sauver en cas de ressources limitées. C'est le cas au Québec où le manque de ressources tant humaines que financières met à mal et l'universalité des services et surtout leur disponibilité. C'est ce que j'ai vécu en juillet dernier, le manque d'accessibilité.

Pourtant, la gratuité et l'accessibilité des systèmes de santé sont des valeurs essentielles dans toute société démocratique qui se veut équitable et solidaire. Garantir à chaque personne un accès aux soins, indépendamment de sa situation financière, participe à la préservation de la dignité humaine et à la réduction des inégalités de santé. Cependant, la réalité des contraintes budgétaires et des ressources limitées amène parfois les décideurs à faire des choix difficiles.

S'il est vrai que les grands principes de gratuité et de disponibilité du système de santé sont des valeurs essentielles qui doivent guider les politiques de santé publique. Il est impératif de garantir à chacun un accès équitable aux soins. Cependant, il peut arriver que ces principes entrent en tension lorsqu'il s'agit de prendre des décisions affectant la vie et la santé des individus. Il revient alors aux dirigeants et aux acteurs de la santé de trouver un équilibre entre ces différents impératifs, en veillant à ce que les choix effectués soient guidés par l'éthique, la justice et le respect de la dignité humaine. Dans un monde où les ressources médicales peuvent être limitées, il est essentiel de faire preuve de discernement et de responsabilité dans la prise de décisions touchant à la vie et à la santé de chacun. C'est dans ce cadre de réflexion qu'il faut envisager le recours au privé dans le domaine de la santé.

Le privé, pas le méchant de l'histoire

Dans l'état actuel des choses, le système de santé québécois est confronté à de nombreux défis, notamment en ce qui concerne l'accès des patients aux soins nécessaires. Devant ces enjeux, certaines voix s'élèvent en faveur de l'implication du secteur privé comme solution potentielle pour améliorer l'accessibilité et la qualité des services de santé au Québec. Cette proposition soulève des débats passionnés et des questions fondamentales sur le rôle du privé dans le domaine de la santé publique.

Le principal argument en faveur de l'implication du secteur privé dans le système de santé réside dans sa capacité à offrir une plus grande flexibilité et une plus grande diversité de services. En permettant aux patients de choisir entre des prestataires publics et privés, on peut potentiellement réduire les temps d'attente et offrir des options de traitement plus personnalisées. De plus, l'ouverture à la concurrence peut stimuler l'innovation et l'amélioration continue des pratiques médicales, bénéficiant ainsi à l'ensemble du système de santé.

Cependant, une telle approche soulève également des préoccupations légitimes. En introduisant des éléments de profit et de marché dans le domaine de la santé, on risque de compromettre les principes d'équité et d'universalité qui fondent notre système de santé public. L'inégalité d'accès aux soins, la sélection des patients selon leur capacité à payer et la dégradation des services offerts aux plus démunis sont autant de risques associés à la privatisation de la santé.

Pour évaluer l'impact potentiel de l'implication du secteur privé dans le système de santé québécois, il est essentiel de considérer les expériences d'autres pays qui ont adopté des modèles mixtes de financement et de prestation des soins. Par exemple, certains pays européens ont réussi à concilier un système public de santé majoritairement avec la présence d'acteurs privés, en veillant à préserver l'accès équitable aux soins pour l'ensemble de la population.

Dans le contexte québécois, où le défi de l'accessibilité des soins est particulièrement pressant, il est légitime d'explorer des solutions novatrices pour améliorer l'efficacité du système de santé. Plutôt que de voir le secteur privé comme une menace pour le système public, il pourrait être envisagé comme un partenaire complémentaire, capable d'apporter des ressources et des expertises supplémentaires pour répondre aux besoins croissants de la population.

Pour que l'implication du privé dans la santé soit bénéfique, il est impératif de mettre en place des mécanismes de régulation et de supervision robustes, afin de garantir le respect des normes de qualité et d'éthique dans la prestation des soins. De plus, il est essentiel de veiller à ce que l'accès aux services de santé demeure universel et non discriminatoire, en évitant la création de barrières financières pour les populations les plus vulnérables.

Le privé, un outil complémentaire plutôt qu'une menace

L'inaccessibilité des services de santé de première ligne est un problème complexe et pressant dans de nombreuses régions du monde. Les longues files d'attente, les délais prolongés pour obtenir des rendez-vous et la difficulté à accéder à des soins de qualité sont des réalités auxquelles de nombreuses personnes sont confrontées. Dans ce contexte, la question de savoir si le recours au secteur privé de santé est une solution viable pour pallier ces lacunes se pose. Certains soutiennent que le secteur privé peut offrir des services plus rapides et de meilleures qualités, tandis que d'autres soulignent les inégalités et les implications éthiques associées à une telle approche.

D'un côté, ceux qui soutiennent le recours au secteur privé mettent en avant plusieurs arguments. En effet, les établissements de santé privés sont souvent perçus comme offrant des soins plus rapides et plus efficaces, en raison de leur capacité à investir dans des équipements de pointe et à embaucher du personnel médical qualifié. De plus, le secteur privé est fréquemment considéré comme étant plus axé sur le service à la clientèle, ce qui peut se traduire par une meilleure expérience pour les patients. Dans les cas d'urgence où chaque minute compte, l'accès immédiat à des soins de santé de qualité peut faire la différence entre la vie et la mort.

D'un autre côté, ceux qui remettent en question le recours au secteur privé soulignent les risques d'accentuation des inégalités en matière de santé. En effet, les services de santé privés sont généralement plus coûteux que les services publics, ce qui peut exclure les personnes à faible revenu de l'accès à des soins essentiels. De plus, le profit étant souvent un moteur principal dans le secteur privé, il existe un risque que les décisions en matière de soins de santé soient motivées par des considérations financières plutôt que par le bien-être des patients. Cela soulève des questions éthiques importantes quant à la priorisation de certains patients au détriment d'autres en fonction de leur capacité à payer. À mon avis, il faut adopter une approche pragmatique devant l'apport du privé dans la santé plutôt que de le démoniser comme nous le faisons souvent au Québec.

Sauver des vies, le seul objectif

Au-delà de ces débats sur les principes, il est indéniable que l'objectif ultime du système de santé est de sauver des vies. Dans les situations où les services de santé publics de première ligne sont tout simplement inaccessibles en raison de contraintes de ressources ou de capacité, le recours au secteur privé peut offrir une solution avantageuse pour répondre aux besoins urgents des patients. Il est difficile de justifier le maintien d'un système qui ne parvient pas à fournir des soins essentiels en temps opportun au nom de principes idéologiques, lorsque des vies pourraient être sauvées en ayant recours à des ressources privées.

L'inaccessibilité des services de santé de première ligne soulève des défis importants qui nécessitent une réflexion approfondie sur les solutions à mettre en œuvre. Bien que le recours au secteur privé puisse offrir des avantages en matière d'efficacité et de rapidité, il est crucial de ne pas perdre de vue les implications éthiques et sociales d'une telle approche. En fin de compte, la priorité doit être de sauver des vies et d'assurer un accès équitable à des soins de santé de qualité pour tous, que ce soit par le secteur public, par le secteur privé ou par des partenariats innovants qui visent à combler les lacunes du système de santé existant.

La question de l'implication du secteur privé dans le système de santé québécois est complexe et soulève des enjeux majeurs en matière d'équité, d'efficacité et de qualité des soins. Bien que le privé puisse apporter des avantages en matière d'innovation et de diversification des services, il est crucial de trouver un équilibre entre les intérêts commerciaux et l'intérêt général de la santé publique. En définitive, l'objectif principal doit rester la garantie d'un accès équitable et de qualité aux soins pour l'ensemble de la population, quels que soient ses moyens financiers. Chose certaine, nous devons ensemble vaincre le tabou ultime ...


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