De l'emprisonnement de Meng
Wanzhou, fille du fondateur de l'entreprise chinoise Huawei à la séquestration
des deux Michael en passant par l'épisode des mystérieux ballons chinois et
l'interdiction du réseau social TikTok, les relations entre la Chine et le
Canada sont pour le moins tendues. D'autant que des accusations sérieuses
planent au-dessus de la Chine pour des interventions dans des élections
canadiennes et pour maintenir des postes de police chinois pour intervenir dans
la vie de ressortissants de son pays en sol canadien. N'en jetez plus, la cour
est pleine. La problématique chinoise est révélatrice de l'absence de politique
étrangère canadienne et en fait de la faiblesse de ce pays. Le Canada de
Pearson n'existe plus. On se retrouve devant un État Eunuque sans réelle
capacité d'intervention et d'influence dans le monde. Un État postnational du
21e siècle. Réflexions libres sur la Chine et le Canada.
La Chine, les Chinois et le Canada
Les Canadiens d'origine
chinoise constituent l'un des plus grands groupes ethniques au pays. Lors du
recensement de 2016, 1,8 million de personnes ont déclaré une ascendance
ethnique chinoise. Malgré le rôle important des Sino-Canadiens dans l'économie
canadienne, notamment dans la construction du chemin de fer du Canadien
Pacifique nous avons fait preuve d'une vive hostilité à l'immigration chinoise.
De 1885 à 1923, l'immigration chinoise au Canada a été limitée par une taxe
d'entrée prohibitive et, entre 1923 et 1947, elle est tout à fait interdite.
Celles et ceux qui veulent en savoir plus sur cette communauté dans l'histoire
canadienne pourraient à profit lire le livre de Denise Helly sur les Chinois à
Montréal publié en 1987 intitulé Les Chinois à Montréal, 1877-1951. Dans
ce livre, vous pourrez prendre toute la mesure des discriminations vécues par
ces ressortissants chinois à Montréal. (Denise
Helly, Les Chinois à Montréal, 1877-1951,
Québec : Institut québécois de recherche sur
la culture, 1987, 315 p.)
Pourtant, les
Sino-Canadiens qui se sont essentiellement installés dans les zones urbaines,
en particulier à Vancouver et Toronto et dans une moindre mesure à Montréal
comme en témoigne le quartier chinois de Montréal. Ils ont apporté une
contribution à chacun des domaines de la société canadienne, de la littérature
à la religion, en passant par les sports, la politique, les droits civiques, la
musique, le cinéma, l'économie, la philanthropie et l'éducation. Ce rappel pour
indiquer qu'il ne faut pas confondre nos compatriotes sino-canadiens et le
gouvernement chinois dans notre appréciation de la situation actuelle. Ce qui
est en cause c'est le comportement inacceptable d'un pays à l'égard du nôtre.
Un pays qui foule aux pieds toutes les règles élémentaires de diplomatie et qui
n'hésite pas à manifester envers notre gouvernement du mépris et cela requiert
une riposte énergique. Ce qui semble être une impossibilité pour le Canada
d'avoir une politique étrangère digne de ce nom.
C'est quoi le problème ?
Il est mis en examen le
fait que la Chine soit intervenue directement dans la politique intérieure canadienne
en voulant favoriser des candidats lors de nos élections. Je comprends que ce
fait est troublant, mais ce n'est pas une grande nouveauté que des États
étrangers interviennent dans la politique intérieure d'autres pays pour
favoriser ses intérêts. Le gouvernement américain a pratiqué régulièrement
cette politique allant même à renverser des gouvernements étrangers par des
coups d'État pour protéger les intérêts des entreprises américaines. Faut-il
rappeler le renversement du gouvernement démocratiquement élu du Chili de
Salvatore Allende pour nous en convaincre. La Russie de Poutine a aussi donné
dans ce genre de politiques en appuyant ou cherchant à appuyer la candidature
de Donald Trump lors de son élection contre la candidate démocrate Hillary
Clinton. Je veux donc proposer l'idée que des gouvernements étrangers qui
cherchent à influencer des démocraties pour défendre leurs intérêts n'est pas
nouvelle ni originale. Ce qui ne signifie pas que nous ne devons pas réagir
énergiquement à ces tentatives de détournement de nos démocraties. Il faudrait
aussi dans un même mouvement éviter de nous ingérer nous-mêmes dans la vie
politique des autres pays au nom de grands principes valeureux, mais qui sont
tout de même des ingérences dans la vie politique de pays étrangers. Notre
défense des Ouïghours en constitue un exemple. Défendre les droits de la
personne, bien que méritoire, n'en constitue pas moins une intervention
étrangère dans les affaires politiques d'un pays étranger. Faut-il alors cesser
de défendre nos valeurs et les Ouïghours ? Ce n'est pas ce que je dis. Il faut
cependant être conséquent et rompre nos relations économiques et diplomatiques
avec des pays qui ont des comportements et des attitudes que nous jugeons
incompatibles avec nos valeurs et nos politiques. Ainsi, il faut cesser toutes
relations avec l'Arabie saoudite, la Chine, la Turquie et bien d'autres pays qui
ont des dictatures à leur tête et qui foulent aux pieds les valeurs que nous
défendons.
Rompre avec la Chine
Je ne crois pas que la
Chine soit subitement devenue une menace à nos vies. Je ne crois pas que les
représentants du gouvernement chinois sont plus dangereux pour nous aujourd'hui
qu'ils ne l'étaient hier alors que nous vantions les mérites de Mao Tsé Toung,
célébrions le Dr Normand Béthune ou organisions des missions économiques avec
nos premiers ministres pour vendre nos entreprises aux Chinois. Malgré tous les
discours, les universités canadiennes continuent d'accueillir des
ressortissants chinois dans nos universités, nos échanges économiques
demeurent, les Chinois se portent acquéreurs de nos terres et de nos centres-villes.
Une politique conséquente sera donc d'interdire toute relation avec la Chine et
le Canada tant économique que diplomatique. La Chine a démontré qu'elle n'avait
rien à cirer de notre pays et de notre premier ministre. Elle fait ce qu'elle
entend, car elle se sait la plus forte, la plus riche et la plus puissante.
C'est évident que nous ne pouvons pas déclarer la guerre à la Chine ni à aucun
pays d'ailleurs, mais nous pourrions tout au moins faire preuve d'un minimum de
fierté et assumer pleinement notre souveraineté en rompant toute relation avec
ce pays qui ne nous respecte pas. Je sais que cette position est peu réaliste
dans le monde d'aujourd'hui. D'ailleurs, le Canada n'a pas cette marge de
manœuvre. Il devra en parler avec son défenseur et mentor, les États-Unis
d'Amérique. La réalité c'est que la politique étrangère du Canada est un
sous-produit de la politique étrangère américaine et que ce sont les Américains
qui dictent nos politiques. La Chine ne fait pas exception, loin de là. Il n'y
a pas de politique étrangère canadienne autonome de celle de notre voisin
américain. Il faudrait avoir l'honnêteté de le reconnaître et cesser de faire
semblant que le Canada est un vrai pays, puissant et respecté dans le monde.
Cela c'était hier. Aujourd'hui, c'est une autre affaire. Nous sommes des
faiblards sans colonne vertébrale et ce n'est pas l'identité du premier
ministre qui en est responsable, mais les rapports de force réels dans le
monde. En ce qui me concerne, ce constat de notre impuissance est bien plus
grave que le péril chinois...