Ce n'est pas une tâche facile de choisir son sujet de chronique. Cette semaine, mon cœur penchait pour vous entretenir de la fin du trip à trois de l'ALENA ou encore de la transformation de Philippe avec son remaniement ministériel. J'avais aussi envie de vous écrire quelque chose sur les conséquences terribles des incendies en Californie pour l'industrie du vin américaine. Finalement, c'est l'affaire Harvey Weinstein qui a retenu mon attention.
Le New York Times et le New Yorker ont publié, à quelques jours d'intervalle, deux enquêtes faisant état que le producteur de films Harvey Weinstein avait harcelé et agressé sexuellement de nombreuses actrices au cours des vingt dernières années.Weinstein, le « dernier magnat » d'Hollywood a été licencié de sa propre société de production le 8 octobre à la suite d'accusations de harcèlement sexuel révélées par le New York Times. Deux jours après, le New Yorker publiait une seconde enquête, dans laquelle d'autres femmes témoignaient, dont trois accusent M. Weinstein de viol. Dans l'ensemble des témoignages émanant désormais d'une vingtaine de femmes, les faits remontent parfois au début des années 1990.
Une belle occasion pour faire le procès des hommes, de la masculinité toxique et de la présence de la culture du viol dans de bien nombreuses sociétés dont la nôtre. S'il est aisé de comprendre qu'une telle chose que « les hommes » ou « les femmes » n'existe pas, on peut convenir qu'il existe bel et bien à l'endroit des femmes une discrimination systémique et que celle-ci se traduit par l'omniprésence d'une culture du viol. Il est temps que tous nous prenions la parole pour faire cesser cette situation inacceptable. Voyage dans le refoulé masculin.
Au nom des femmes que nous aimons
J'ai aimé plus d'une femme dans ma vie. Passionnément. Ma mère a été au centre de mon développement affectif. J'aime aussi mes enfants et mes petits-enfants. Rien de plus normal me direz-vous? J'en suis. Mais je veux vous faire un aveu. J'ai un petit faible protecteur pour ma fille et mes petites-filles. Pas parce que je les privilégie parmi les autres, mais parce qu'au fond de moi je sais pertinemment que la vie est plus ardue pour une fille que pour un gars. C'est plus difficile d'être reconnue à sa juste valeur sur le marché du travail. Souvent, les femmes sont moins bien payées que leurs congénères masculins et surtout elles sont moins en sécurité que nous les gars dans nos rues. C'est cela qui justifie que nous employons à bon droit l'expression de discrimination systémique des femmes. Si certains pensent que j'exagère sur la condition de vie des femmes. Je vous renvoie à ma chronique publiée ici en juillet.
Si nous aimons vraiment les femmes qui partagent nos vies professionnelles et personnelles, dites-moi comment nous pouvons accepter par exemple qu'elles se sentent obligées de faire une marche dans les rues pour dénoncer le fait qu'elles ne se sentent pas en sécurité dans notre ville de Sherbrooke. Combien de fois nous taisons-nous devant l'expression de préjugés grossiers à l'endroit des femmes sur la place publique? Est-il normal qu'une femme comme Hillary Clinton ait été obligée de cacher qu'elle faisait une pneumonie durant la dernière campagne électorale présidentielle pour ne pas faire aveu de faiblesse?
La masculinité toxique et la culture du viol
Nul n'est à l'abri d'une blague de vieux « mononcle ». Que des hommes hétérosexuels, c'est important de préciser, se sentent attirés ou séduits par une femme, rien de plus normal. Ce qui l'est moins, et cela appartient au registre de la masculinité toxique, c'est la façon dont on perçoit la chose, la manière de porter un regard sur cette situation. Il faut se rappeler qu'une femme est d'abord et avant tout un être humain pas un objet sexuel. Elle ne sert pas qu'à assouvir les besoins de séduction des hommes ou des femmes d'ailleurs. Or, si les blagues sexistes existent, si certains se permettent de dire des choses à la limite du bon goût à une femme c'est que l'on croit que nos amis masculins présents vont nous trouver spirituels et virils. Tout se passe dans le regard de l'Autre.
À un niveau plus préoccupant encore c'est lorsque l'on se sent en situation de pouvoir et que l'on exige des femmes qu'elles cèdent à toutes nos pulsions si elles veulent obtenir ce qu'elles veulent. C'est là que commence le harcèlement et où débutent les agressions à caractère sexuel. C'est ce qu'a fait Harvey Weinstein auprès de nombreuses actrices pendant plus de vingt ans. J'entends déjà certains affirmer que si de telles choses se produisent c'est que les femmes en cause y consentent en quelque sorte. Et là débute le procès des femmes. Les femmes légères, les femmes provocantes, les femmes imprudentes. Quelque part, c'est un peu de leurs fautes pensent certains sans oser le dire tout haut. Vous avez tout faux, messieurs. Les femmes sont des victimes dans l'affaire pas des accusés. Est-ce à dire que jamais on ne pourra citer de cas de femmes qui ont menti pour de mauvaises raisons? Non, on ne peut pas affirmer une telle chose. Néanmoins, cela, si une telle chose existe, est vraiment un élément négligeable au débat.
Est-ce que quelqu'un a déjà lu un récit de guerre où le butin pour les victorieux était les hommes? Je sais cependant pour avoir fréquenté de nombreux bouquins d'histoire que l'utilisation des femmes comme butin est une tradition guerrière bien ancrée.
Quelques arguments pour vous convaincre qu'il existe quelque chose comme une masculinité toxique et une culture du viol. Il faut d'abord le reconnaître si l'on veut y mettre fin.
Aimons les femmes et combattons la culture du viol
Moi je ne m'en cache pas, j'aime les femmes. J'aime leur façon de voir le monde. J'aime leur sensibilité aux éléments du quotidien. J'aime leur capacité d'écoute et d'empathie. Je les trouve toutes belles et pleines de charisme et d'humanité. Je ne suis pas objectif, je les sais! J'ai rencontré des femmes qui ne ressemblaient pas à cela!
Plus sérieusement, reconnaître qu'il existe quelque chose comme une discrimination systémique envers les femmes et que cette discrimination s'appuie sur une masculinité toxique dans laquelle prend racine une culture du viol. Reconnaître une telle chose serait un bien début pour y apporter des solutions.
C'est la professeure Micheline Dumont, historienne féministe engagée, qui a reçu récemment le prix « personne » du gouverneur général du Canada qui à mes 19 ans m'a sensibilisé à la question de l'inégalité des femmes et des hommes alors que j'étais jeune étudiant au département d'histoire de l'Université de Sherbrooke. Mes compagnes et mes amies ont poursuivi son œuvre même si je n'ai pas toujours eu un comportement exemplaire. J'ai été éduqué au Québec dans la culture catholique chrétienne et les femmes n'y avaient pas le premier rôle. Cela ne constitue pas une excuse, mais une explication.
Quoi qu'il en soit, l'affaire Harvey Weinstein est une belle occasion pour ouvrir le dialogue sur les questions de la discrimination systémique, de la masculinité toxique et de la culture du viol. Et surtout messieurs, gardez l'esprit ouvert. Cette discussion vise à comprendre où nous en sommes au Québec sur ces questions. Chercher à trouver des solutions ensemble à cette situation inacceptable est une façon concrète de dire aux femmes que nous les aimons et ce n'est surtout pas, quoi qu'en pensent certains, le procès des hommes...