Expression désignant à l'origine la déesse mère à la période antique, cette expression alma mater a aujourd'hui le sens que lui a donné l'Université de Bologne en 1088 en en faisant sa devise Alma mater studiorum. C'est Rabelais qui en a fixé l'usage dans ses écrits pour désigner l'université dans laquelle une personne a suivi ses études.
Je veux vous parler de mon alma mater, l'Université de Sherbrooke. Une institution qui est le cœur et les poumons de notre ville et de notre région, qui souffre des compressions budgétaires en éducation et des décisions des gouvernements de couper dans les budgets de recherche et des organismes subventionnaires.
Malgré cette situation, pas loin d'être intenable, ses administrateurs et ses représentants se font discrets et poursuivent avec résilience leur mission dans notre région. Ils investissent en nous alors que nous sommes plutôt négligents à lui faire sentir notre considération et notre reconnaissance. Réflexion sur l'avenir de notre université...
Importante annonce en entrepreneuriat et innovation
Encore ce lundi, l'Université de Sherbrooke a annoncé une importante initiative en matière d'innovation et d'entrepreneuriat. Si je me fie au communiqué de presse émis pour l'occasion, la rectrice, Luce Samoisette, a annoncé l'intention de l'Université de Sherbrooke de « tripler ses partenariats de recherche, doubler le nombre d'inventions en phase de commercialisation et doubler le nombre d'entreprises en essaimage dans l'Accélérateur de création d'entreprises technologiques (ACET). » Il faut dire que les résultats ont été au rendez-vous depuis 2011, l'ACET ayant accompagné plus de 50 entreprises dont la valeur est estimée à quelque 62 millions de dollars et qui ont généré près de 170 emplois. M. Samoisette veut ancrer sa nouvelle stratégie sur ce succès.
L'Université est aussi un puissant réservoir de soutien à notre milieu
L'Université de Sherbrooke n'est pas qu'un puissant outil de développement économique pour notre ville, notre région et le Québec, c'est aussi un allié de tous les instants pour aider les hôpitaux à vaincre la bactérie du C. difficile. L'Université a développé de nouveaux isotopes fabriqués à l'aide d'un cyclotron pour traiter diverses maladies et travaille au sein d'un Centre d'action en prévention et en réadaptation de l'incapacité au travail pour fournir un soutien à plus de 400 travailleurs. L'Université de Sherbrooke est aussi impliquée, avec les commissions scolaires, dans la recherche pour prévenir le décrochage scolaire et favoriser la persévérance aux études. Dans un esprit de justice sociale, l'Université est aussi très active en économie sociale et dans le soutien des communautés.
Bref, l'Université de Sherbrooke est partout dans nos vies et dans celle de notre communauté. Grâce à ses étudiants, ses professeurs et ses chercheurs, elle joue un rôle de moteur de notre développement économique, social et culturel. L'Université de Sherbrooke est au cœur de nos vies.
Avenir en péril
Malgré la résilience de ses administrateurs, la situation actuelle de l'Université est intenable. On demande à ses administrateurs et à ses cadres de gérer non pas l'austérité, mais l'absurdité. Il y a longtemps, malgré ce que l'on a pu raconter à ce sujet lors du printemps érable, que l'Université n'a plus de gras à couper. Aujourd'hui, devant l'irresponsabilité des gouvernements en matière de financement de l'enseignement supérieur et de la recherche, les universités doivent prendre des décisions qui viennent affecter ses prestations de services et la qualité de sa contribution dans notre milieu. Je ne prétends pas que les universités ne font pas l'impossible pour préserver ce qu'elles sont, mais elles ne peuvent pas inventer des ressources qu'elles n'ont pas.
Il est temps que les gouvernements prennent leurs responsabilités par rapport à nos universités et nous, citoyens, devons s'assurer qu'ils le fassent.
Financement insuffisant et crise de légitimité.
Je ne veux pas me lancer dans un long débat pour établir le sous-financement dont souffrent nos universités. En 2012-2013, les universités au Québec enregistraient un manque à gagner de plus de 600 millions de dollars eu égard aux universités ontariennes. Depuis, la situation s'est détériorée avec le programme d'austérité.
Les universités ont été au cœur du printemps érable, mais elles en furent les plus grandes victimes. Devant l'incapacité du gouvernement libéral de l'époque à trouver une solution avec les étudiants et devant la crise sociale sans précédent qui en a résulté, les universités ont été traduites devant le tribunal de l'opinion publique sans avoir la possibilité de défendre leurs points de vue. Les apprentis sorciers étudiants, qui rêvaient alors au grand soir de la libération des forces sociales, ont réussi à semer le doute sur la qualité de la gestion des universités. Tout un chacun s'est alors improvisé administrateur universitaire et avait la solution à tout. Selon eux, trop de dépenses en publicité pour faire valoir leurs programmes dans une concurrence malsaine entre universités. Trop de développement immobilier. Trop d'investissements en recherche en lien avec les entreprises.
La crise du sous-financement des universités est devenue une crise de légitimité. Les universités ont été les dindons de la farce de cette crise sociale et aujourd'hui, plus personne ne veut parler du sous-financement, craignant la résurgence d'un nouveau printemps érable. La belle affaire...
L'Université de Sherbrooke a besoin de nous
N'en déplaise à certains chantres de la go-gauche ou encore aux incultes qui ne jurent que par les sciences dures en les opposant aux sciences molles, l'Université est bien plus que les discours que l'on entend sur son compte. Oui, l'Université est un moteur de notre développement économique, mais c'est aussi un lieu de formation des esprits de notre jeunesse. Esprits que l'on souhaite les plus critiques possible. L'Université peut contribuer par ses recherches et ses innovations à améliorer nos vies et favoriser le démarrage d'entreprises, mais elle doit aussi s'assurer de rayonner dans nos communautés pour favoriser le développement de nouvelles solidarités et de perpétuer la justice sociale. L'Université doit former des gens pour le marché du travail, mais elle doit aussi permettre l'acquisition de connaissances et favoriser la créativité.
Les universités ne sont pas des usines à fabriquer des diplômés. Elles sont des milieux de vie. Des milieux de vie qui doivent avoir le financement nécessaire pour la réalisation des ambitions que nous avons pour notre jeunesse et nos enfants. Il est temps que le milieu se lève et se mobilise pour son université. Il faut que nos gouvernants entendent notre message clair : notre « mère nourricière », l'Université de Sherbrooke, a besoin de nous. Faisons du prosélytisme pour elle. Donnons de l'amour à notre université. Elle en a bien besoin! Prenons parti pour mon Alma mater...