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Gens d’ici, gens d’ailleurs

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Photo : Une réalité s’impose. Les citoyennes et les citoyens du Québec n’ont pas tous la même religion.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 5 avril 2017

« Il vient d'où lui? » Voilà la question qui dérange Akos Verboczy de son propre aveu lorsqu'il est confronté à sa condition d'immigrants au Québec.

Même s'il convient que la même question qui lui est adressée directement l'indiffère totalement : « D'où je viens? Je savais que vous alliez me poser la question, c'est tellement votre genre. Remarquez, ça fait longtemps qu'elle ne me dérange plus. Quand on arrive dans un pays étranger, avec un accent étranger, il est assez normal qu'on devienne un objet de curiosité. Vous auriez pu attendre qu'on soit assis, par contre, qu'on ait au moins les menus devant nous, mais franchement ça va me faire plaisir de vous répondre. » (Akos Verboczy, Rhapsodie québécoise. Itinéraire d'un enfant de la loi 101. Récit, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2016, p. 1-2)

Ce récit de Verboczy, enfant de la loi 101, est criant d'une intégration réussie à la société d'accueil. N'empêche qu'un tel récit d'intégration réussie ne fait pas le poids avec la peine que l'on peut ressentir si l'on prend la mesure des propos tenus publiquement par certains citoyens du Québec, la semaine dernière, en marge de la consultation publique de la municipalité de Saint-Apollinaire quant à l'établissement d'un cimetière musulman. Retour du refoulé.

Le projet d'un cimetière musulman dans la région de Québec

Une réalité s'impose. Les citoyennes et les citoyens du Québec n'ont pas tous la même religion. La majorité francophone est de religion catholique romaine, mais, je l'ai déjà évoqué dans d'autres chroniques ici dans EstriePlus, le taux d'assiduité aux rites et pratiques religieuses est très faible et continue de fléchir surtout pour les cohortes de populations de moins de 55 ans. Il n'en demeure pas moins que les catholiques romains que nous sommes continuent de fréquenter l'Église pour les baptêmes, les mariages, même si on se marie de moins en moins et pour les funérailles. C'est donc dire que si les funérailles demeurent importantes pour nous même dans un moment de grande désaffection du religieux, il devrait nous être facile de comprendre que c'est important pour d'autres. C'est pourquoi le désir de la communauté musulmane d'avoir accès à des cimetières devrait rencontrer chez nous un préjugé favorable. Tout au moins, une écoute attentive.

Les rites des funérailles musulmanes sont différents de ceux que nous retrouvons chez les catholiques ou les protestants. Un rite de quatre étapes s'impose pour les musulmans, la toilette funéraire, le linceul, la prière funéraire et l'enterrement où la dépouille est orientée vers La Mecque. Cela nécessite une configuration géométrique particulière des fosses d'ensevelissement des corps qui peuvent rendre plus difficile sur le plan pratique la coexistence des dépouilles de catholiques et de musulmans dans un même lieu. Bien que cela ne soit pas nécessairement incontournable.

Au Québec, ces dernières années, l'incinération est à la vogue et les cérémonies funéraires sont bien souvent réduites à leur plus strict minimum. Dans certains cas, les dernières volontés de défunts comme par exemple de demander que leurs cendres soient jetées en avion dans le fleuve Saint-Laurent contreviennent aux lois existantes. Il y a souvent lorsque de tels débats émergent des voix qui se font entendre pour rappeler que l'important c'est de respecter les volontés du défunt et non pas des lois archaïques. Pourquoi ce raisonnement serait-il valable pour nous et pas pour les Autres?

Après tout, dans ce pays, il est parfaitement acceptable pour chaque citoyen de pratiquer la religion qu'il choisit en toute liberté. Pourquoi ce débat sur un cimetière musulman à Québec pour nos concitoyens d'obédience musulmane?

La peur de l'islam

Dit simplement. Le débat sur la pertinence d'autoriser un cimetière musulman à Saint-Apollinaire tient en une idée : la peur de l'Islam. Nous avons peur de l'Islam parce que nous identifions cette religion à des actes répréhensibles comme les actes terroristes commis par d'« affreux fous de l'Islam ». Nous assimilons tout ce qui est musulman au terrorisme. Les citoyens de confession musulmane sont les « juifs » de notre époque en faisant ici allusion à ces préjugés que nous avons longtemps eus au Québec à l'égard des juifs leur interdisant la porte de nos universités, l'accès à nos plages et le droit de commercer. Cela est le résultat de notre ignorance. Il faut combattre l'ignorance.

L'Islam est une religion aussi légitime que la religion catholique ou protestante. Il est faux d'affirmer que cette religion contient en elle la haine et la persécution des incroyants ou des infidèles. Il faut relire l'Ancien Testament et les nombreux récits de la colère de Yahvé, comme les épisodes du Déluge, de Sodome et Gomorrhe pour se convaincre que l'on retrouve tout et son contraire dans les livres sacrés. Il est aussi exact de constater qu'une minorité radicale de militants politiques du Moyen-Orient, financé par l'Arabie saoudite, notre alliée et amie, se sert de la religion comme véhicule de ses agissements criminels contre les valeurs libérales et démocratiques de l'Occident. Savoir cela ne nous autorise pas à discriminer nos compatriotes de confession musulmane.

Au contraire, nous devrions leur ouvrir nos cœurs, car ils sont les premières victimes des assassinats odieux commis au nom d'Allah. Après tout, les musulmans au pays ne représentent que 2,8 % de la population canadienne, ils sont huit fois moins nombreux que ceux qui déclarent ne pas avoir de religions selon le recensement de 2011.

Honte aux propos délirants

Vous comprendrez que je ne peux qu'être attristé des propos délirants tenus par certains des nôtres lors de l'assemblée de consultation tenue le 29 mars dernier concernant le projet de cimetière de Saint-Apollinaire. Des propos comme ceux rapportés dans Le Devoir du 30 mars dernier, sous la signature d'Isabelle Porter : « J'ai beaucoup de clients qui sont d'autres pays. Ce que je n'aime pas, c'est que c'est nous qui sommes obligés de nous adapter à eux. C'est comme enlever des crucifix dans les églises, s'ils ne sont pas contents qu'ils restent chez eux, au Maroc ou en Chine. Moi si je m'en allais vivre à Acapulco, je n'aurais pas le choix de prendre leurs mœurs. » Un autre, « les musulmans devraient être prêts à se faire enterrer à côté des non-musulmans. Ce qui nous dérange c'est qu'il nous reste huit lots et qu'on va accorder une privatisation VIP pour vous les musulmans. » (Isabelle Porter, « Le projet de cimetière musulman divise Saint-Apollinaire » Le Devoir, 30 mars 2017). Il y a de quoi avoir honte de la tenue de tels propos. On mélange tout. Au bénéfice des lecteurs de cette chronique Acapulco est une ville mexicaine où les rites religieux puissants sont catholiques comme nous.

Heureusement, de nombreuses voix se sont fait entendre ce soir-là beaucoup plus en phase avec l'idée d'un Québec inclusif qui est la mienne.

Accueillir l'Autre
Je veux terminer cette chronique en citant à nouveau l'auteur Akos Verboczy qui écrit dans son livre rafraîchissant : « Je suis donc un de ces Sauveurs envoyés au Québec pour régler vos problèmes : votre économie, votre poids politique, votre endettement, votre vieillissement, votre pénurie de main-d'œuvre et, bien sûr, votre fermeture sur le monde. Ça fait beaucoup de poids sur mes épaules (et sur celles de mes semblables) et beaucoup de promesses pour le Québécois de souche. Il y a de quoi avoir, avec le temps, de part et d'autre, des déceptions légitimes. Ce n'est certainement pas de ma faute! Je crois avoir jusqu'ici fait ma part pour l'intégration des immigrants en général et pour la mienne en particulier. Et je trouve que, très franchement, vous aussi. Mais ça commence à faire du monde à la shop du rêve américain et il n'est pas surprenant que les questions identitaires et interculturelles occupent tant les uns et préoccupent les autres. » (Akos Verboczy, op.cit. p. 4).

Là est vraiment la question. Il faut discuter de tout cela à tête reposée. Mieux se comprendre. Entreprendre un dialogue afin que les gens d'ici comprennent mieux les gens d'ailleurs...


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