C’est indéniable, le monde dans lequel nous vivons n’est plus celui de nos grands-parents. Nous vivons à une époque où tout va vite. Une époque où les artifices et le superficiel prennent souvent le pas sur la réalité. Cette impression que nous avons d’un monde qui meurt et d’un monde qui naît est particulièrement illustrée par les changements structurels dans nos modes de produire et de consommer. Notre rapport à la culture, à nos institutions et notre attachement à nos traditions en sont largement affectées. J’écris souvent dans cette chronique que nous vivons dans une époque où la course effrénée aux biens de consommation, où la fragmentation de nos identités et la perte de nos principaux repères communautaires sont les caractéristiques dominantes de notre monde vécu.
Manifestement, cela ne peut pas se vivre sans de graves bouleversements perceptibles dans nos vies. Il faut en parler aux propriétaires de taxis, aux gens des services hôteliers, aux musiciens et aussi aux gens des médias. La crise qui afflige la presse quotidienne en occident est aujourd’hui rendue dans nos salons. La nouvelle de la semaine c’est la crise des médias du Groupe Capitales Médias dont fait partie le quotidien régional La Tribune. Sans minimiser la crise des quotidiens imprimés, il faut constater que nous vivons plus globalement une crise de la presse régionale et plus globalement une crise d’un monde objectivé au profit d’un monde d’opinions et de perceptions. La crise des médias c’est l’omniprésence de la culture du tout est gratuit et du toutes les opinions se valent. Le point sur la crise des médias.
Notre vie numérique
Dans les rapports du Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations mieux connues sous l’appellation CEFRIO, on peut voir dans diverses études toute la place qu’occupe aujourd’hui le numérique dans nos vies. Ainsi, on observe d’abord qu’en 2018, 91 % des adultes québécois disposaient d’une connexion Internet résidentielle avec un fournisseur de télécommunications. Pour l’ensemble du Québec, on observe que 82 % des adultes disposaient d’une connexion Internet à la maison grâce à un partage de connexion à partir d’un appareil mobile. En 2018, 92 % des adultes québécois ont utilisé Internet au moins une fois par semaine, une hausse de trois points de pourcentage comparativement à 2017. Toutes les régions sont au-dessus de la barre des 90 %, sauf une à 86 %. Il s’agit de la région du Bas-Saint-Laurent.
En 2017, deux adultes québécois sur trois (66 %) possédaient un téléphone intelligent ; en 2018, ce sont les trois quarts d’entre eux (76 %) qui détenaient ce type d’appareil. Il s’agit d’une augmentation de dix points de pourcentage, assez bien répartie dans les régions administratives, certaines comme l’Estrie (60 % à 77 %) et Laval (69 % à 84 %), enregistrant des hausses appréciables. L’attrait pour les tablettes électroniques est resté stable en 2018 : plus de la moitié (55 %) des Québécois de 18 ans et plus en possédait une et, fait inusité, c’est la Côte-Nord, suivie de près par Laval, qui menaient la marche, avec un taux d’usage de 62 %, un écart positif de 12 points de pourcentage avec la moyenne québécoise.
Enfin, le commerce électronique fait de plus en plus d’adeptes au Québec : de 39 % de cyberacheteurs (calculé sur une base mensuelle) pour l’ensemble du Québec en 2017, le taux est passé à 47 % en 2018, un bond de huit points de pourcentage, qui s’ajoute à un accroissement constant depuis 2015. La Capitale-Nationale (52 %), l’Estrie (52 %), l’Abitibi-Témiscamingue (55 %) et l’Outaouais (55 %) ont franchi la barre des 50 % de cyberacheteurs, toutes les autres régions se situant entre 35 % et 49 %.
La valeur moyenne provinciale du panier d’achats mensuel est passée de 280 $ à 293 $ pour l’ensemble du Québec. Quatre régions affichaient une valeur de 300 $ et plus, avec une pointe de 610 $ pour la Côte-Nord. Il s’agit des régions de la Capitale-Nationale (361 $), de Montréal (320 $) et de l’Abitibi-Témiscamingue (318 $). (Source : divers rapports de 2018 et 2010 du CEFRIO)
Les données les plus récentes indiquent que le taux d’adoption du téléphone intelligent a bondi chez les adultes québécois ayant un revenu familial de moins de 40 000 $ par an, passant de 32 % à 55 % entre 2017 et 2018 pour ceux ayant un revenu familial inférieur à 20 000 $, et de 46 % à 60 % pour ceux dont le revenu familial se situe entre 20 000 $ et 39 999 $, selon les données du Portrait numérique des foyers québécois de l’enquête NETendances 2018 du CEFRIO. L’ordinateur (portable ou de table) demeure toutefois l’appareil principalement détenu par les adultes québécois ayant un revenu familial inférieur à 20 000 $, alors que 69 % en détiennent au moins un, ainsi que 85 % de ceux ayant un revenu familial situé entre 20 000 $ et 39 999 $.
Les adultes québécois, tous âges confondus, sont de plus en plus connectés à Internet, et une majorité d’entre eux l’utilise quotidiennement. Mais l’usage qu’ils font de leur temps de connexion, et leur habileté à se servir de cet outil selon les générations, un écart qui se rétrécit toutefois avec le temps : la fameuse « fracture numérique » se situe maintenant autour de 55 ans, soit 10 ans de plus qu’il y a à peine quelques années. (loc. cit.)
Bref, les données indiquent que le numérique est là pour de bon et qu’il envahit de plus en plus nos vies. Sommes-nous prêts cependant à faire la part des choses et à comprendre que les outils à notre disposition ne doivent pas conduire nos vies, mais que nous devons faire en sorte que le numérique soit à notre botte plutôt que cela soit nous qui soyons à sa merci ?
La crise de l’information régionale
Bien sûr que nous devons nous mobiliser autour de la campagne pour préserver nos quotidiens et être favorables aux mesures gouvernementales de tous les paliers pour venir aider à la présence de médias d’information dans les régions du Québec. Nous devons aussi nous préoccuper de la bonne santé financière de nos télévisions et de nos radios qui vivent eux-aussi de graves conséquences financières de cette irruption de l’économie numérique et surtout de la présence de ces monstres capitalistes sans foi ni loi que sont les GAFA. Les gouvernements tardent trop à agir d’ailleurs pour les civiliser. Néanmoins, nous avons un grand mot à dire dans cela comme citoyen et comme consommateur. Rompre avec la culture du tout au gratuit, se rappeler que l’information juste et traitée professionnellement a un prix et qu’elle est essentielle à la vitalité démocratique à nos communautés et surtout encourager les gens de chez nous dans nos pratiques culturelles et d’achat de biens de consommation.
Il faut aussi se dire que la vie n’est pas que numérique. Elle est partie prenante d’une communauté vivante qui doit entretenir un dialogue et vivre des débats au quotidien pour demeurer forte et pour que ses appartenances suscitent le goût d’en être. Il faut en fait rompre dans nos têtes avec la culture du tout au numérique…