L'entrée en scène fracassante de Pierre
Karl Péladeau à titre de candidat du Parti québécois dans la circonscription de
Saint-Jérôme constitue de l'avis de tous, le fait marquant de la campagne
électorale québécoise lors de la dernière semaine.
Son arrivée, le poing levé
et son cri de ralliement pour faire un pays pour ses enfants ont placé à
l'avant-scène l'enjeu de l'avenir du Québec au sein du Canada. Depuis, Pauline
Marois et les stratèges du PQ peinent pour remettre à l'agenda le thème plus
porteur de la Charte. Ce qu'a vainement tenté le candidat-ministre Bernard
Drainville en annonçant que sa formation politique laissait le champ libre à la
candidate indépendante libérale Fatima Houda Pépin, la nouvelle martyre
identitaire du récit péquiste de notre narration politique. Histoire d'une
stratégie improvisée...
La
mise en scène
Dans le quotidien Le Devoir de samedi dernier, le professeur de philosophie du collège
Garneau, Patrick Daneau nous instruit sur les sophistes de la Grèce antique
qu'il oppose aux sages de l'époque. Dans cette intéressante réflexion, il nous
piste sur le fait que déjà à cette époque ancienne, les faiseurs d'image
étaient actifs et s'affairaient à aider les citoyens à devenir des hommes
politiques en leur fabricant une rhétorique et des discours susceptibles de
rallier les gens derrière eux. Ce n'est donc pas d'hier que des stratèges
s'activent derrière les rideaux de la scène pour créer des réalités gagnantes
pour celles et ceux qui les emploient.
Je connais bien le sujet puisque longtemps
j'ai joué ce rôle. S'il y a une conviction que j'ai acquise pendant toutes ces
années où j'ai agi comme stratège politique c'est que les stratèges péquistes
sont redoutables et d'une habileté sans pareille. C'est pourquoi j'ai beaucoup
de difficultés à décoder l'apparente désorganisation de la campagne Marois à la
suite de l'entrée de Pierre Karl Péladeau dans l'arène électorale. Croyez-vous
possible que des gens aussi habiles et aussi perspicaces n'aient pas prévu que
l'annonce de Pierre Karl Péladeau ne susciterait pas de nombreuses questions?
Ils répètent pourtant en privé et en public que l'arrivée de PKP est un coup de
tonnerre. L'un des meilleurs coups politiques depuis les trente dernières
années. Il est donc difficile de croire que le Parti québécois a été surpris
par le tollé qu'a provoqué la mise en scène de l'arrivée de Pierre Karl
Péladeau en politique. S'il est difficile de croire à la théorie de l'accident,
c'est donc dire que tout cela avait été soigneusement préparé et pensé. Est-ce
possible?
Concocter
la stratégie du fou du roi
Si le questionnement vient de moi, la
réponse m'a été fournie par Isabelle Maréchal dans sa chronique du 17 mars dernier
dans Le Journal de Montréal intitulé
le fou du roi. Lisons ce qu'elle dit de l'arrivée de Pierre Karl
Péladeau :
« Si j'étais cynique, je dirais que
Pauline Marois est en train de nous flouer tous en jouant celle qui commence à
trouver que Pierre Karl Péladeau prend trop de place à ses côtés. Si j'étais
très cynique même, je supposerais que la chef du PQ avait au contraire tout
prévu et que cette arrivée fort remarquée de l'ex-patron de Québécor fait
partie d'un plan de match bien articulée pour remettre à l'agenda par personne
interposée la question référendaire. Rien de mieux que de faire dire par autrui
ce qu'on n'ose pas dire soi-même n'est-ce pas? Pauline Marois s'est donc
trouvée un émissaire puissant, qui ne craint ni les médias, ni l'opinion publique,
et qui le cas échéant saura prendre les coups à sa place. Machiavélique? Plutôt
brillant, non? »
C'est la carte du Fou du roi. Isabelle
Maréchal, tout comme moi, doute que les stratèges péquistes se soient fait
prendre les culottes à terre et que la sortie de PKP le poing levé fut un
accident qui a fait déraper la campagne si bien orchestrée depuis des mois du
PQ de Pauline Marois.
Comment imaginez alors que la déclaration
de PKP, sa mise en scène ne fut pas une stratégie brillamment orchestrée pour
manipuler l'opinion publique avec un cynisme sans égal dans l'histoire
politique du Québec.
Le
rôle des médias
Soyons de bonne composition et imaginons
ensemble la thèse adverse à celle d'Isabelle Maréchal. L'arrivée de Pierre Karl
Péladeau était perçue par les stratèges péquistes comme un moyen de renforcer
l'équipe économique du PQ. Comme le répète si souvent, Madame Marois, elle ne
veut qu'un mandat de bon gouvernement et à peine parlerons-nous de souveraineté
dans le cadre d'un livre blanc aux contours fort imprécis. Il est peu probable
que l'on tienne un référendum au cours du prochain mandat du Parti québécois à
moins que la population descende dans la rue avec ses casseroles pour en
réclamer un. C'est donc une chose fort improbable que l'on ait un troisième
référendum. Si cela est vrai, pourquoi madame Marois ne s'engage-t-elle pas
formellement à ne pas tenir de référendum durant son prochain mandat? On
pourrait alors passer à autre chose.
Mais Mme Marois ne le fera pas, car elle
veut tenir un référendum. Elle veut faire un pays du Québec envers et contre
tous. En attendant, pour rallier les nationalistes mous, elle et son équipe
feignent que si l'on parle de souveraineté et de référendum c'est la faute de
Philippe Couillard, des journalistes, mais surtout pas de Jacques Parizeau et des
ténors souverainistes qui n'en finissent plus de saluer l'arrivée de PKP comme
le moment du début de la nouvelle quête du Québec vers son destin national.
Au fond, rien de ce que j'ai écrit ne tient la
route, la souveraineté, le référendum tout cela n'est que pure invention des
libéraux et des larbins fédéralistes. Ces faux québécois qui, trop colonisés,
ne comprennent pas l'appel de la liberté. Faudrait bien penser les rééduquer ceux-là!
Mais pire encore, c'est la faute des médias de Power Corporation et de la
méchante Société Radio-Canada, heureusement qu'avec
l'empire média à Péladeau on pourra enfin rétablir l'équilibre...