Il n'y a pas à dire, rien ne va plus au Conseil
municipal de la Ville de Sherbrooke. Les démissions s'accumulent tant parmi les
conseillers qu'au sein du cabinet de la mairie.
À en croire la mairesse de Sherbrooke, Évelyne
Beaudin, ce contexte inédit dans l'histoire de la ville de Sherbrooke est
attribuable à un climat d'hostilité politique. Nous voulons bien croire madame
Beaudin, mais cela semble un peu court comme analyse. Tentons d'y voir plus
clair.
Le climat de changement
Il faut commencer l'histoire au début. Évelyne
Beaudin a réussi le tour de force de se faire élire mairesse de Sherbrooke en
2021 avec sept candidates et candidats de Sherbrooke citoyen, presque un
conseil majoritaire. Une élection remportée dans l'enthousiasme par une jeune
équipe de femmes et d'hommes aux parcours professionnels variés et avec une
diversité qui pouvait nous rendre fiers de la démocratie sherbrookoise. Que
s'est-il passé depuis ? La magie s'est estompée aussi rapidement qu'elle
s'était imposée à nous. Il y avait un vent de changement qui faisait du bien
après la parenthèse du maire Lussier à l'hôtel de ville.
J'ai raison,
vous avez tort...
Au banc des accusés, il m'apparaît qu'il faut
d'abord convoquer l'attitude du nouveau leadership sherbrookois. Nous avions
l'impression que la ville de Sherbrooke tel un Phoenix renaissait de ses
cendres.
Tout avait été trop selon la nouvelle mairesse.
Trop de générosité envers les industriels et les investissements déficitaires
dans le parc industriel, trop de laxisme envers les promoteurs immobiliers
qu'il fallait désormais mettre au pas. Trop d'automobiles et pas assez de vélos
et de marcheurs. Trop de stationnements au centre-ville et pas assez d'espaces
verts. Trop d'organismes paramunicipaux de développement et pas assez de
contrôle de la Ville. Nous vivions un trop que le nouveau leadership municipal
incarné par cette jeune mairesse était pour juguler grâce à son plan et à ses
engagements.
Mesdames, messieurs, vous aviez erré toutes ces
années, il était désormais venu le temps du redressement. Sous le mot d'ordre,
j'ai raison et vous avez tort, madame Beaudin a cherché à infléchir le cours
des événements selon sa vision des choses. On doit admettre aujourd'hui que
cela n'est pas couronné de succès.
Additionner plutôt que soustraire
J'ai appris de Robert Bourassa, un ex-premier
ministre du Québec, qu'en politique l'art ultime, l'arme secrète d'un
politicien ou d'une politicienne c'était d'additionner des appuis au cours des
années. Une fois élu, tout politicien digne de ce nom doit chercher à agrandir
sa tente afin d'y accueillir de nouveaux appuis. C'est garant de son succès.
Madame Beaudin a eu à cet égard un début qui
semblait prometteur. Elle a, au moment de la formation des comités et de son
comité exécutif, réussi à y inclure des collègues indépendants expérimentés
tels Annie Godbout, Danielle Berthold et Marc Denault. Trois élus d'expérience
qui avait accepté de faire route avec Évelyne Beaudin. Ce n'était pas rien et
ici il faut reconnaître les habiletés stratégiques de son directeur de cabinet
d'alors, Claude Dostie. Malheureusement, tout cela s'est évanoui au fil du
temps. Annie Godbout a été congédiée du comité exécutif, puis Claude Dostie,
dans des circonstances encore méconnues, a été remercié de ses services. Marc
Denault, un gentilhomme de la politique, a quitté son poste à la STS pour son
refus de participer à des mensonges et finalement Danielle Berthold a quitté
cette dernière semaine sous les menaces de conséquences à ses choix quant au
vote sur la taxe piscine. J'allais oublier aussi le départ de deux membres
importants de son cabinet à la mairie, Steve Roy et Philippe Page. Et il y a
aussi la secrétaire à la participation citoyenne, madame Nénée Oularé. Ça fait
beaucoup de monde, ne trouvez-vous pas ?
La faute à l'hostilité politique
Devant tous ces faits s'ajoute des décisions
douteuses comme la taxe sur les piscines, le plan nature gonflé à l'hélium, le
congédiement sans explications claires de la secrétaire à la participation
citoyenne, la mairesse nous dit sans rire que tout cela est à cause de
l'hostilité politique des indépendants. Même ses proches collaborateurs
deviennent hostiles politiquement. Wow !
Madame Beaudin qui traîne depuis sa venue au
conseil municipal en 2017, la réputation d'être une personne difficile pour
travailler en équipe semble en faire la preuve depuis son élection à la mairie.
Il me semble que la mairesse Beaudin a un sérieux
travail d'introspection à faire. Ça suffit de jouer les Calimero.
Ce n'est pas vrai que nous vivons à Sherbrooke un climat
de crise. Le conseil municipal est en crise, mais pas ses citoyennes et ses
citoyens. D'ailleurs, ces derniers ne peuvent regarder ces événements qu'avec
un œil dubitatif. Madame Beaudin ne s'est pas illustrée par des politiques si
exceptionnelles pour que son bilan médiocre en relations humaines ne soit pas
un jour retenu contre elle. Il reste encore du temps pour chercher à tuer ces
perceptions qui tentent de s'enraciner, mais les mois qui viennent seront
cruciaux pour l'avenir de madame Beaudin non seulement en politique municipale,
mais en politique tout court. Ce n'est pas une voie à suivre que gouverner une
ville aussi paisible que Sherbrooke comme si nous étions en zone de guerre...