Ces derniers temps, le chef du Parti québécois, Paul
St-Pierre Plamondon a fait parler de lui pour les mauvaises raisons.
Ces moments d'impatience, son caractère « soupe au lait »
ses visions particulières de l'histoire du Québec sont autant d'éléments qui
peuvent aider à mieux comprendre ce personnage politique qui a su jusqu'à
présent capter l'attention des Québécoises et des Québécois et gagner leur
adhésion. Il ne faut pas s'y méprendre, le sauvetage du Parti québécois par le
bellâtre soupe au lait est rien de moins qu'un exploit politique. La question
qui se pose aujourd'hui est la suivante : trônant désormais en tête des
sondages, Paul St-Pierre Plamondon devra maintenant faire face à la chaleur de
la cuisine. Cela sera-t-il un révélateur de sa véritable valeur ? Examinons
donc certains aspects du discours de Paul St-Pierre Plamondon.
Une vision
étroitement nationaliste de l'histoire
Lors du Conseil national du PQ tenu à Drummondville les 13
et 14 avril derniers, le chef Paul St-Pierre Plamondon y est allé d'une
déclaration-choc qui a fait beaucoup réagir. Il a affirmé que : « L'histoire du Canada est une histoire d'assimilation. Il ne
faut pas oublier ce que les francophones ont vécu dans les déportations, les
exécutions, l'interdiction d'avoir de l'éducation en français. Ce régime-là a
été constant durant toute son histoire. »
À sa face même, cette déclaration
n'est pas totalement fausse. Il faut dire que l'on pourrait affirmer la même
chose de plusieurs autres pays occidentaux. Aux États-Unis, l'extermination des
autochtones et la mise en servage de la population noire africaine en
témoignent éloquemment. Que dire du comportement du Royaume-Uni en Afrique du
Sud, de la France en Algérie ?
La question de la faute des colonisateurs est entendue avant d'en
faire le procès. Justement ce dont il est question c'est de colonialisme.
Ainsi, dans l'affirmation du bellâtre péquiste en chef, PSPP, ce dont il parle
ce n'est pas du Canada uniquement, mais de la Grande-Bretagne, la puissance
colonisatrice qui a conquis la Nouvelle France, qui a imposé le serment du
test, qui a combattu, pendu, tué et exilé les patriotes en 1837-1838. La même
force colonisatrice qui a imposé l'acte d'union à des colonies d'Amérique, qui
a favorisé l'union des colonies sous le parapluie Canada. Bien entendu, le
gouvernement du Canada a vécu des relations tendues avec les francophones du
pays surtout ceux vivant dans l'Ouest et dans l'Est canadien d'aujourd'hui. Par
ailleurs, le Canada a participé à l'assimilation les Premières Nations en les
excluant dans des réserves. S'il est vrai que le Canada a pu commettre des
gestes dans son histoire que nous pouvons aujourd'hui réprouver, il n'est pas clair
que le Québec pays n'aurait pas commis les mêmes gestes dans les mêmes
circonstances. Cela dit, cela n'est guère important puisque nous ne pouvons pas
réécrire l'histoire à rebours ni faire de l'histoire fiction.
Ce qu'il y a de plus outrageant dans les propos de Paul St-Pierre
Plamondon, c'est l'idée que le Canada contemporain est encore aujourd'hui une
machine à assimilation pour le Québec. Comme si les gens se levaient le matin
au Canada pour haïr les francophones du Québec. Un non-sens.
Le nationalisme de Paul Saint-Pierre Plamondon
Ces derniers mois, nous avons pu grâce à des livres récemment
publiés nous rappeler les événements récents en politique. Pensons aux livres
de Pascal Mailhot et Éric Montigny et à celui d'Étienne-Alexis Beauregard. Dans
le premier livre, celui de Mailhot et Montigny, intitulé : À la conquête d'une troisième voie. Comment
une troisième voie politique s'est imposée au Québec, les auteurs nous racontent que l'échec de l'accord du lac Meech, en 1990,
marque le point de départ d'une profonde reconfiguration des forces politiques
au Québec. De ses cendres allait naître une nouvelle forme d'expression du
nationalisme, ouvrant un chemin entre les deux grandes options traditionnelles,
soit le désir de faire du Québec un pays et celui de maintenir le statu quo au
sein du Canada. Après avoir germé dans les terreaux fertiles du Parti libéral,
cette « troisième voie », comme on l'appellera, sera portée par Mario Dumont et
les fondateurs de l'ADQ, avant que le flambeau soit repris par la CAQ de
François Legault, issu, quant à lui, du Parti québécois. Du référendum de 1995
jusqu'à la victoire de la CAQ aux élections de 2018, qui met fin à cinq
décennies d'alternance entre les deux vieux partis à la tête de l'État, ce
livre reconstitue pour la première fois le récit des grands événements
politiques qui ont marqué le Québec depuis une trentaine d'années. (Pascal
Mailhot et Éric Montigny, À
la conquête d'une troisième voie. Comment une troisième voie politique s'est
imposée au Québec, Montréal,
Boréal, 2024)
Pour sa part, Etienne-Alexis Beauregard dans son essai paru
chez Liber intitulé : Le retour des
Bleues. Les racines intellectuelles du nationalisme québécois, poursuit son exploration de la question de l'identité et du
nationalisme.
Ce livre pose une question fondamentale : « La nation
est-elle une source de repères indispensables et une manière légitime d'accéder
à la modernité, ou bien sa politisation constitue-t-elle plutôt une cause
d'enfermement et d'aliénation ? » C'est à la faveur d'une tentative de
réponse à cette question que se fonde la thèse de l'auteur à l'effet que :
« Deux familles idéologiques, les Rouges et les Bleus, émergent dès
lors, et leur désaccord s'incarne dans un rapport opposé à la nation québécoise :
est-elle une source de repères indispensables à tout individu et une manière
légitime d'accéder à la modernité, ou bien sa politisation constitue-t-elle
plutôt une cause d'enfermement et d'aliénation ? » Cet ouvrage décrit cette
longue opposition des Rouges et des Bleus. « Notre perspective n'est cependant
pas strictement politique ou partisane : ce n'est pas l'opposition entre
formations politiques qu'elle entend détailler, mais le conflit entre familles
idéologiques, parfois disséminées dans des partis différents. Notre attention
est tournée vers l'affrontement sur le devenir de la nation québécoise et sur
le rôle identitaire de l'État, entre progressisme libéral et nationalisme
conservateur. » (Etienne-Alexis Beauregard, Le retour des Bleues. Les racines intellectuelles
du nationalisme québécois, Montréal, Liber, 2024)
Que conclure à propos de PSPP ?
La lecture de ces deux ouvrages permet de mieux comprendre où
en sont les acteurs politiques au Québec dans un Québec en recomposition
politique. Cela pose aussi la vieille et éternelle question sur le fondement du
nationalisme et de sa pertinence dans le 21e siècle. Le
nationalisme est fondé sur une appartenance commune d'une population à une
culture commune. Le lien étroit que fait Paul St-Pierre Plamondon, et des
intellectuels comme Mathieu Bock-Côté, entre nationalisme et identité vient
rendre possible des discours comme celui qu'a tenu PSPP à Drummondville à la
mi-avril.
Les théories du nationalisme distinguent entre le
nationalisme ethnique qui lie l'identité nationale à une ethnie spécifique et le
nationalisme civique qui repose sur des principes politiques et sociaux
partagés. Au Québec, Paul St-Pierre Plamondon fait la promotion du nationalisme
ethnique tout comme l'avait fait l'ancien premier ministre, Jacques Parizeau
lors de son discours de défaite référendaire en évoquant comme cause de la
défaite des souverainistes, « l'argent et des votes ethniques ». Paul St-Pierre
Plamondon par son discours de Drummondville tend à fabriquer de toute pièce un
ennemi à la nation, le Canada. Mais ce que ne dit pas pour le bellâtre c'est
qui sont les Québécois pour lui. Des Canadiens français exclusivement ? En résumé, le
nationalisme au 21e siècle reste un phénomène dynamique et
contesté, qui continue d'influencer les dynamiques politiques et sociales à l'échelle
mondiale.
Bref, Paul
St-Pierre Plamondon aurait avantage à mieux comprendre l'histoire, le discours
historiographique est un lieu de débats et d'échanges entre historiens et
historiennes. Ne s'aventure pas qui veut dans les dédales de la compréhension
du passé en enfourchant le cheval de quelqu'un qui plutôt que de jouer son rôle
de faire l'histoire préfère la posture de celui qui nous raconte des histoires...