Parfois, lorsque je dois m'arrêter au feu rouge d'une intersection achalandée, je regarde un peu autour. Et je divise ce que je vois en deux : les gens et les véhicules. Je le divise comme cela pour faire une distinction majeure : il y a l'humain derrière le volant. Et il y a son parcours, représenté ici par son véhicule.
Et je me dis ensuite qu'une intersection est tellement représentative de nos vies! Chacune de ces personnes a un parcours bien à elle. Une destination du moment. Elle signale son intention de tourner en activant les clignotants ou elle décide de continuer tout droit en choisissant la voie appropriée. Parfois, elle tourne sans annoncer la chose. Parfois même, elle effectue un virage en U plus ou moins dangereux pour les autres qui, elles aussi, vont leur chemin.
Notre route est influencée par les autres aussi. On ne fait pas toujours comme on veut! Et l'intersection vient nous rappeler que nous sommes tous dans le même bain, nous partageons la même eau! Et la proximité est parfois dérangeante.
Il est étonnant de constater qu'une personne qui sera à nos côtés, disons, deux minutes trente secondes, puisse nous exaspérer au point de nous faire sortir de nos gonds! Disons que la personne écoute sa musique à tue-tête. Tant qu'à y être, il y a des néons bleus sous la voiture! Ça nous énerve. Pour les purs et durs, une rage au volant s'installe. Pourtant, on sait que nos chemins vont se séparer dans deux minutes trente secondes! Mais c'est comme si ce laps de temps était, subitement, le plus important de notre vie. On « pèterait des yeules » au nom de cette rage soudaine!
Eh, puis, si on pense que la musique c'est grave, imaginez si le conducteur de cette même voiture se rend compte qu'il doit changer de voie et qu'il cherche à prendre place devant vous ! Isssshhhhhh !!!
Quand on y pense, c'est ridicule. Mais sur le coup, c'est visiblement très grave!
Je sais, je sais, nous sommes tendus comme des cordes de violon par un quotidien fou qui semble soutirer la patience qui était en nous, jadis! Mais, au-delà de cela, une autre chose me turlupine.
En fait, chaque fois que j'ai cette réflexion sur les intersections, les personnes et leurs parcours respectifs, je finis par me dire ceci : une personne est une personne, ça, ça va; mais, dans mon exemple, je dis que la voiture représente le parcours. L'exemple boite à ce niveau. S'il est vrai que le conducteur doit toujours contrôler sa voiture, il est aussi vrai qu'on ne contrôle pas toujours son parcours de vie.
Plein de choses viennent nous hanter. Des problèmes d'argent, de famille, de boulot. Des soucis par rapport à la santé des proches. Par rapport à la gestion de cette multitude de rendez-vous nécessaires à boucler la boucle de semaines surchargées.
Ce matin, Alex avait décidé de tourner à gauche à l'intersection, mais voilà qu'un appel téléphonique (en mode mains libres, ne craignez pas!) lui annonce qu'un proche ne va pas bien. Il doit changer de voie. Là. Maintenant. Mais l'autre ne veut pas le laisser passer parce que ça le gosse au plus haut point qu'Alex écoute sa musique fort... Et ces esties de néons bleus, en plus!
À ce moment de la réflexion, je me dis que bien des hasards et des éléments inattendus modifient ce qu'on croyait être notre parcours du moment. S'il en est ainsi pour l'intersection, il en est ici pour toutes nos vies. L'idée est de garder le contrôle du véhicule le mieux possible en cours de route.
Et, peut-être, soigner minimalement notre comportement pour ne pas trop gosser celui qui concentre toute son agressivité sur le deux minutes trente secondes que dure notre rencontre!
Et là, dans ma voiture, magie, Christophe Maé chante « Il est où le bonheur, il est où ? ». Le temps de sourire de bonheur, la lumière tourne au vert.
Je reprendrai la réflexion quand j'aurai un autre deux minutes trente secondes à écouler...
Clin d'oeil de la semaine
C'est depuis qu'on a décidé que « le temps, c'est de l'argent » que ça va moins bien...