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Réinventer le Québec par nos villes…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 18 mai 2022

J'écrivais le 4 mai dernier au sujet du mandat du conseil municipal de la mairesse Évelyne Beaudin que : « le problème avec l'approche et les politiques défendues par le nouveau conseil de ville que dirige madame Beaudin, si l'on peut qualifier cela de problème, c'est que de nombreuses personnes n'ont pas saisis en apposant leur vote à côté de son nom que madame Beaudin désirait une rupture avec le monde tel que nous le connaissons ». À la suite des assises annuelles de l'Union des municipalités du Québec (UMQ), nous devons constater que la mairesse de Sherbrooke n'est pas seule. Ils sont nombreux les maires et mairesses de villes et de municipalités à vouloir rompre avec le passé d'étalement urbain, de développement économique résidentiel tous azimuts au détriment des espaces boisés et des milieux humides et d'une course au développement à tout prix.

Et c'est bien tant mieux ! L'urgence climatique, la pénurie de la main-d'œuvre et la crise du logement pour ne nommer que ces problèmes les plus criants exigent des politiques nouvelles. C'est un peu cela que nous propose la nouvelle génération d'élus issue des scrutins municipaux de l'année dernière. Le point sur les enjeux du monde municipal à l'ère de transformations structurelles profondes du Québec.

Être de bonne foi

Si l'on veut vivre paisiblement ces changements annoncés, il faut d'abord et avant tout faire preuve de bonne foi. Il ne sert à rien, surtout pas à la qualité du débat public, de se lancer des invectives et de ridiculiser la position de celles et ceux qui veulent du changement. Il faut éviter, comme l'a fait le ministre des Transports, François, d'assimiler le concept de densification urbaine à une mode. Pire encore, le comportement de l'ineffable ministre de la cybersécurité et du numérique, Éric Caire, qui s'est attaqué aux positions du maire de Québec, Bruno Marchand en l'accusant de pourrir la vie des automobilistes.

Le premier ministre Legault peut bien se préparer une carrière d'humoriste en se livrant à de l'humour lors du congrès de l'UMQ, le fait est que l'époque actuelle exige de nos élus de tous les paliers des solutions innovantes et pérennes à nos milieux de vie urbains. Cela passera inévitablement par des changements à nos modes de vie. Il serait important que ce fait soit reconnu plus tôt que tard et que tous celles et ceux qui ont un mandat des citoyens et des citoyennes que nous sommes s'évertuent à l'expliquer et à le faire comprendre. La planète Terre n'a que faire de nos petites intrigues politiques, ce qu'il faut ce n'est rien de moins que de prêter main forte pour sauver l'espèce humaine. Le temps n'est plus à la rigolade, mais à l'action.

Le diable est dans les détails

Par ailleurs, agir dans l'urgence ne dispense pas de vivre cela en démocratie et dans le cadre d'un dialogue civique relevé. Les solutions magiques à courte vue ne sont pas les plus porteuses pour l'avenir. Discutons des revendications précises proposées par le monde municipal pour contrer l'étalement urbain et pour contrer la double crise climatique et de logement dans les villes. L'une d'elles est le droit de préemption que le premier ministre Legault a promis de donner aux villes d'ici la fin juin de cette année. Ce droit de préemption donne en quelque sorte le premier choix à une ville pour se porter acquéreur d'un terrain jugé d'intérêt stratégique. Cela constituerait un outil supplémentaire dans le coffre d'outils des villes. Cela n'est cependant pas magique. L'exemple de l'ancien bunker des Hells Angels à Lennoxville est un exemple probant.

Dans ce dossier, le DPCP a bel et bien offert à la Ville de Sherbrooke une sorte de droit de préemption lui permettant de se porter acquéreur du terrain au prix de sa valeur marchande. La Ville de Sherbrooke a décliné l'offre demandant plutôt au DPCP de donner le terrain à un OSBL. Pourtant, ce terrain est un enjeu stratégique de la mairesse actuelle et de sa formation politique qui souhaitent en faire un boisé public. D'ailleurs, devant l'impasse de la non-acquisition de ce terrain par Sherbrooke, le conseil municipal de Sherbrooke s'est servi de son pouvoir réglementaire pour interdire tout développement futur de ce site en le zonant zone de conservation. Une drôle de façon de faire. Il aurait mieux valu que la Ville de Sherbrooke en fasse l'acquisition plutôt que de se servir de ses pouvoirs pour en empêcher le développement. Avec cet exemple, le droit de préemption ne semble pas une solution.

C'est dans ce contexte qu'il faut s'intéresser à une autre demande des villes qu'est le pouvoir d'expropriation. Par ce pouvoir, on touche à l'essentiel soit le prix à payer pour faire l'acquisition de terrains convoités. Est-ce qu'une telle mesure permettrait à une ville d'acquérir des terrains stratégiques ? Quel sera le prix jugé juste dans un tel cas ? Est-ce le prix de l'évaluation municipale ? Le prix de la valeur marchande ou souhaite-t-on des expropriations sans compensation ? Que veulent les villes avec ce pouvoir ? Je présume que les villes ne pensent pas à des expropriations sans compensations. Après tout, nous vivons dans un monde de propriété privée. En ce sens, même si les villes peuvent se porter acquéreuses de terrains par un droit de préemption ou par l'expropriation, il faut quand même les payer ces terrains et les villes n'ont pas beaucoup de moyens financiers. Comment pense-t-on financer ces achats éventuels ?

C'est là que l'on peut observer la cohérence des revendications du monde municipal. Celles-ci revendiquent un nouveau pacte fiscal avec le gouvernement du Québec afin de diversifier leurs sources de revenus et de ne plus être des accros au développement immobilier. Ce dernier qui génère l'essentiel des revenus de l'assiette fiscale des municipalités et des villes. À Sherbrooke, nous pouvons aussi compter sur les revenus d'Hydro-Sherbrooke. Jusqu'à présent, les maires des villes ont été avares de commentaires sur le comment et le quoi. Quels nouveaux revenus sont envisagés : de nouvelles taxes, une part des taxes perçues par le gouvernement du Québec ? Cela aussi devrait faire l'objet d'un débat plus large que des pourparlers entre deux ordres de gouvernement, car à la fin c'est nous qui allons payer la facture. Ce dont il est question c'est de notre argent après tout. Cela doit faire partie des discussions de la prochaine campagne électorale québécoise.

Ouvert aux solutions

Nous devons demeurer ouverts à toutes les solutions. Nous ne sommes qu'au début de cette discussion dans laquelle nous devons trouver de nouvelles voies pour construire nos milieux de vie dans un monde en profonde mutation. Par exemple, la densification des milieux urbains est sans conteste une solution d'avenir, mais ce sont souvent les citoyennes et les citoyens qui s'opposent à la densification de leurs milieux. Je me rappelle à Sherbrooke le projet au Champ de mars bloqué par les citoyennes et les citoyens, celui de l'agrandissement de la Résidence Murray réalisé de haute lutte grâce à la ténacité de son propriétaire. Plus récemment, le conseil municipal s'est opposé au projet fortement densifié du promoteur Robert Côté sur la rue Pacifique. Par ailleurs, le conseil de ville actuel a manifesté son agacement à des projets d'investissements privés au centre-ville s'inquiétant de l'embourgeoisement. Pire encore, l'administration municipale fait obstacle contre la loi à des projets de développement de projets de logement dans le quartier nord de la ville. Les convictions et les orientations du présent conseil municipal semblent être variables selon les projets, densification ou pas.

C'est pourquoi nous devons être attentifs aux changements demandés par les villes aux règles actuelles, car derrière les beaux principes auxquels nous adhérons majoritairement il se cache parfois des agendas pour lesquels il n'y a pas de débats. Par exemple, les villes sont-elles favorables à la densification du territoire si les projets sont issus de promoteurs privés ? Privilégie-t-on plutôt certains modes de propriété collective comme les coopératives ou les OSBL par exemple ? Ces villes sont-elles favorables au développement économique ou visent-elles la croissance zéro ? Quel avenir pour les villes du Québec ? C'est là, la question la plus importante. Nous devons bâtir un avenir à nos villes. La seule certitude que nous devions avoir c'est que nous devons changer, nos modes de vie aussi. Ce que nous ne savons pas encore c'est le comment. Nous aurons l'occasion de discuter de cela collectivement lors de la prochaine campagne électorale québécoise. N'en faisons pas l'économie si nous voulons réinventer le Québec par nos villes...


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