Si on essayait un instant d'oublier un peu le spectacle du clown
américain pour se rappeler qu'il y aura des élections municipales à Sherbrooke
en novembre prochain. La lutte semble bien engagée. Déjà, quatre personnes ont
annoncé leur intention de se présenter au poste de maire soit le nouveau chef
de Sherbrooke citoyen, Raïs Kibonge, l'ancien conseiller municipal Vincent
Boutin, le chef du nouveau parti Vision action Sherbrooke, Guillaume Brien et
la députée libérale actuelle de Compton-Stanstead, Marie-Claude Bibeau. On
s'attend à quelques autres candidatures, au moins à une autre. Ce qui fera une
élection où au minimum cinq candidates et candidats chercheront à obtenir
l'aval des citoyennes et des citoyennes de la ville de Sherbrooke pour devenir
notre premier magistrat. Il est tôt encore pour avoir une idée des chances des
unes et des autres. Plutôt que de chercher à prédire qui gagnera en fonction du
taux de notoriété, je suis plutôt enclin à vouloir juger le mérite de chacune
des candidatures en lien avec les enjeux que devra affronter Sherbrooke dans
l'avenir tant sur le plan économique, social que culturel. Tentons d'y voir
plus clair.
Le corridor
américain...
Un sujet est imposé à toutes les candidates et à tous les candidats
par notre voisin américain. Avec la guerre commerciale qui s'annonce,
Sherbrooke est à risque notamment à cause des liens étroits de nos PME avec
l'économie américaine. Aussi cette guerre vient de frapper de plein fouet notre
zone d'innovation quantique avec IBM Bromont qui sera durement touchée par les
lubies du président Trump sur le Canada.
Cette guerre commerciale entraînera des répercussions significatives
sur l'économie mondiale. Sherbrooke, en tant que capitale régionale des Cantons
de l'Est, ne sera pas épargnée par ces développements. Beaucoup de nos PME
dépendent de matériaux importés et nous exportons une grande part de notre
production aux États-Unis. Nos entrepreneurs sont intégrés dans des chaînes
d'approvisionnement complexes et ils feront face à des augmentations de coûts
significatifs qui affecteront leur marge bénéficiaire. Il est même plausible
que certains entrepreneurs songent à délocaliser leurs activités aux
États-Unis, le but de Trump.
Cette curieuse guerre avec notre voisin, hier ami et aujourd'hui
adversaire redoutable, pourra aussi entraîner des conséquences sur le plan
social. Il pourrait y avoir des pertes d'emploi, une réduction de la
consommation parce que le pouvoir d'achat va diminuer.
Dans ce contexte imprévisible, la future personne qui sera élue doit
nous faire part de sa vision du développement économique pour Sherbrooke. Le
corridor d'exportation vers les États-Unis n'est plus une option. Que
proposera-t-on comme alternative ? Le marché européen ? Le marché mexicain ? Ou
le marché canadien ? Ne serait-ce pas une occasion privilégiée pour se tourner
vers une économie résolument verte ? Quoi que puisse en dire notre voisin,
l'avenir n'est pas dans les énergies fossiles.
Le défi démographique et le logement abordable
Sherbrooke a connu une croissance fulgurante de sa population au cours
des 20 dernières années. Cette croissance démographique rapide pose un
double défi. Le premier est la coexistence harmonieuse d'une population jeune,
25 % de la population sont des étudiants à Sherbrooke, avec une population
plus âgée. Les besoins sont différents et les projets ne sont pas toujours au
diapason entre ces clientèles. Outre cela, le principal défi lié à cette
croissance démographique rapide concerne les infrastructures urbaines, le
logement et les services publics. Il est urgent à Sherbrooke d'adapter les
infrastructures, notamment le transport, l'approvisionnement en eau et les
systèmes d'égouts et pluviaux. On peut d'ailleurs féliciter la mairesse actuelle
Évelyne Beaudin pour sa clairvoyance sur ce sujet. Il sera intéressant de voir
quelles solutions seront proposées par les candidates et les candidats à la
mairie.
Il y a aussi toute la question du logement abordable pour s'assurer
que toutes les citoyennes et tous les citoyens, y compris les jeunes familles
et les étudiants, ont accès à un logement de qualité. Nous devons nous attendre
à ce que les personnes en présence proposent des plans de développement urbain
efficaces et durables qui intègrent des logements sociaux et écoresponsables.
Le transport
durable
S'il y a un sujet tabou en politique municipale à Sherbrooke, c'est
bien la question du transport en commun. Les Sherbrookois, comme bien des Québécoises
et Québécois, sont très attachés à leurs deux voitures, que dis-je à leurs deux
automobiles. À cet égard, la mobilité durable est un défi politique majeur pour
tout candidat à la mairie. L'augmentation du nombre de véhicules et la
congestion résultante exigent des actions rapides et énergiques afin de
promouvoir des alternatives de transport durable. Sherbrooke a besoin d'un
projet majeur en matière de transport durable. Il n'y a pas à Sherbrooke un
service de transport en commun efficace et accessible. La ville est le royaume
des gros autobus vides malgré les efforts de planification des autorités de la
Société de transport de Sherbrooke. Il faut encourager les déplacements à pied,
à vélo et en transport en commun et décourager l'utilisation de l'automobile.
Pour réussir, il ne faut pas de demi-mesures comme a tenté de le faire
l'administration municipale actuelle, il faut plutôt des actions radicales et
décisives. Un tramway et une surtaxe sur les automobiles devraient être des
mesures envisagées. Le plus difficile sera de convaincre les citoyennes et les
citoyens de l'importance d'investir dans des solutions qui réduisent leur
empreinte carbone en dépit du choix passéiste des énergies fossiles par notre
voisin. Un défi majeur qui demandera à chaque prétendant de puiser dans sa
réserve de courage. Confidence, je suis le premier à ne pas vouloir me départir
de mes deux autos même si je sais que c'est destructeur pour la planète.
La transition
vers une économie verte
La lutte aux changements climatiques est à la fois une obligation
morale et une nécessité économique. Sherbrooke, comme toutes les autres villes,
doit développer des stratégies pour s'adapter aux impacts climatiques tout en
réduisant ses gaz à effet de serre. Cela inclut la promotion des énergies
renouvelables, la gestion durable des ressources naturelles et l'amélioration
des espaces verts. Les initiatives écologiques telles que l'augmentation de la
couverture végétale et le soutien aux projets de revitalisation
environnementale devraient faire partie intégrante des programmes des
différents candidats. Ici, il faut écrire que l'administration actuelle a
adopté beaucoup de politiques qui vont dans ce sens, mais c'est le leadership
et la manière qui faisait souvent défaut.
Une campagne sur
les enjeux
Ce dont notre ville a besoin lors de la prochaine campagne électorale
municipale c'est d'un véritable débat sur notre avenir en lien avec les sujets
évoqués dans cette chronique. Nous n'avons absolument pas besoin d'une foire
d'empoigne entre personnalités qui rivaliseront l'une avec l'autre pour
diminuer l'adversaire. La dernière fois où il y a eu une campagne à la mairie
avec de nombreuses personnes candidates c'est en 1990 où Jean-Yves Laflamme
avait livré une chaude lutte à Paul Gervais et Jean-Paul Pelletier, mais il a
perdu par un peu plus de 200 voix. Ce fut alors le règne de la
bureaucratie. On disait du maire Paul Gervais qu'il n'était pas le maire, mais
le directeur général de la ville. On doit espérer un meilleur résultat pour
2025. Il nous faut un vrai débat sur de vrais enjeux. Il nous faut quelqu'un
qui va nous rassembler pour vrai !