Le rythme
s'impose. Il entraîne. Il sème des images, des émotions.
Le
rythme est contagieux.
On le
constate dans les pièces musicales qu'on écoute. Mais le rythme est aussi un
hypnotiseur. S'il est vrai qu'il fait naître un état d'esprit, un sentiment, il
est aussi vrai qu'il fait toujours naître le même état d'esprit, le même
sentiment, au fil des écoutes d'une pièce qu'on aime. Aussi endiablé soit-il,
le rythme a un côté abrutissant. Il prend tellement de place, parfois, qu'il
faut le casser pour voir ce qu'il y a derrière.
Ça m'a
frappé la première fois quand Jacques Michel a proposé une version revisitée de
sa chanson Amène-toi chez nous. La chanson au rythme enjoué et
accrocheur porte, sur l'album Migration de 1975, un vêtement plus solennel,
plus triste. L'album a été écrit au décès de celle qui était son épouse et la
maman toute neuve d'une petite fille tout aussi neuve. La maladie qui faisait
une jambette à la vie. Une tristesse absolue.
Dégarnie
de son rythme originel, la chanson prenait un sens plus profond. Plus
personnel. L'accueil de la maison dans l'Amène-toi chez nous original en
était un collectif, heureux. Là, il devenait plus personnel. D'une personne à l'autre.
Un même texte qui dévoile un sens différent.
Spécial,
quand même.
C'est
que le rythme différent entraîne un ton différent. Une proposition nouvelle qui
dévoile un sens nouveau.
J'ai entendu
Willie Lamothe chanter Mille après mille des dizaines de fois. Ce n'est
que quand Fred Pellerin l'a revue que j'ai apprécié la valeur des mots.
Louis-Jean
Cormier a proposé une version toute douce de Ce soir l'amour est dans tes
yeux de Martine St-Clair. Des bouts de phrase comme « il y a même dans
tes silences, des mots d'amour en transparence » se sont révélés. Si je
les entendais bien avant, voilà qu'ils se révélaient dans la nouvelle mouture
chantée.
Dans le En
direct de l'univers de Paul Arcand, Ian Kelly, en version piano voix,
reprend Suspicious minds qu'avait, entre autres, popularisé Elvis. Le
rythme de la version Presley était endiablé et spectaculaire, mais mettait moins
en lumière les difficultés vécues par un couple qui tente de bâtir sa relation
sur des fondations de jalousie.
Changer
le rythme change tout
Depuis
des années, notre rythme est accéléré. De plus en plus.
Depuis
la restauration rapide jusqu'au « speed dating », en passant les
comptoirs au volant et les suppléments à payer pour briser les files d'attente
dans les parcs d'attractions, tout, mais vraiment tout est fait pour qu'on
aille plus vite.
L'objectif
initial était d'éviter des pertes de temps inutiles pour nous procurer plus de
temps pour les activités qui nous tiennent à coeur. Mais le rythme étant roi
dans nos vies, voilà que plutôt que de prendre plus de temps de qualité à faire
une chose, on s'est dit qu'on pourrait dorénavant remplir ce temps par
plusieurs choses!
Le
piège, toi! Ironique, l'expression sauver du temps, quand même :
vouloir sauver du temps alors que le temps, lui, n'est pas en danger...
Fonction
rythme aléatoire
Est-ce
qu'on ne pourrait pas télécharger une application qui viendrait modifier le
rythme de nos vies de façon aléatoire? Ce serait chouette, non?
Non.
Si on
convient qu'on peut ressentir une chanson différemment par le fait qu'on brise
son rythme, on devrait revisiter certains aspects de nos vies et enlever des
éléments de choses à faire pour donner plus de temps à celles qu'on juge
prioritaires.
Le mode
aléatoire viendrait choisir pour nous, ce qui ne serait pas chouette!
C'est
comme un tour de vélo. Je peux, en roulant, apprécier le reflet du soleil
couchant sur l'eau. Je peux aussi m'arrêter 5 minutes pour le contempler
pleinement. Forcément, je ne ressentirai pas la même chose.
Reste
juste à revisiter mon quotidien...
Clin
d'œil de la semaine
Toute chanson ne gagne pas
à être revisitée. Agadou est un exemple probant...