Le 8 mars dernier, c'était la journée internationale
des femmes. Cette année, le thème retenu est Écoutons-les. Je suis
d'avis qu'il ne faut pas juste écouter les femmes, il faut surtout agir. En
dépit des propos de notre premier ministre du Québec, François Legault, contre
les féminicides sur un ton quelque peu paternaliste, il faut s'y habituer c'est
le genre de la maison. En dépit aussi que nous avons, selon ses dires, un
premier ministre canadien féministe, foi de Justin Trudeau, la condition de vie
des femmes est toujours inférieure à celle des hommes et ce n'est pas la
pandémie qui vient arranger les choses. Regards sur la discrimination
systémique des femmes dans le Québec et le Canada d'aujourd'hui.
Les inégalités persistent toujours
Rappelons des chiffres et des faits. Sur le marché du
travail d'abord, une étude de 2018 confirme que les femmes gagnent 87 sous
contre 1 $ pour les hommes. Au cours des dix dernières années, l'écart
s'est rétréci, mais il demeure toujours. En
2018, les employées âgées de 25 à 54 ans gagnaient en moyenne 4,13 $
(ou 13,3 %) de moins l'heure que leurs homologues de sexe masculin. Dans
une chronique antérieure écrite le 5 juillet 2017, j'écrivais et cela est
toujours d'actualité : « Notre classe politique peut bien s'époumoner sur la
place publique. Les gens d'affaires et les élites médiatiques peuvent bien
jurer la main sur le cœur qu'ils sont pour l'égalité entre les femmes et les
hommes. Rien n'est plus implacable que la réalité des faits. Et les faits sont
que l'inégalité entre les hommes et les femmes persistent toujours au Québec en
2017. Combien y a-t-il de PDG de sexe féminin dans les cent plus grandes entreprises
canadiennes ? Combien de femmes sont-elles première ministre en Occident
libéral ? Combien de femmes sont-elles ministres dans des gouvernements ?
Lorsque l'on en retrouve, quelles fonctions occupent-elles ? Les femmes
sont-elles plus souvent ou non victimes d'actes violents de la part des hommes ?
Les femmes sont-elles encore l'objet de violence sexuelle ? Sont-elles
utilisées comme objet dans les publicités ? Qui dans nos familles s'occupe des
tâches ménagères ? De l'aide à une personne malade ou diminuée ? Qui, d'entre
les femmes et les hommes, sont les mieux payés pour leur travail ? Sont-ce les
femmes ou les hommes qui sont responsables de l'éducation des enfants ? Toutes
ces questions révèlent des réponses qui prouvent que l'inégalité persiste
toujours entre les hommes et les femmes. Vous trouvez que j'exagère ? Alors,
cherchons à vous convaincre avec des faits et quelques chiffres. »
Et ces faits
qui parlent
La
parité salariale n'est pas atteinte sur le marché du travail, les femmes sont
plus souvent chefs de famille monoparentale que les hommes ;
Les
mères se retirent du marché du travail pour s'occuper des enfants, la présence
de jeunes enfants est associée au taux d'emploi plus élevé des pères et moins
élevé des mères ;
Les
mères monoparentales participent plus faiblement au marché du travail ;
Les
femmes font moins d'heures que les hommes au travail et ce sont elles qui s'absentent
le plus pour les obligations personnelles ou familiales ;
Les
femmes occupent les emplois les plus précaires ;
Les
femmes travaillent plus souvent à temps partiel pour concilier vie familiale et
vie professionnelle ;
Les
emplois des femmes sont peu diversifiés et sont souvent liés à des fonctions d'aide,
les revenus moyens des femmes sont inférieurs à ceux des hommes ;
Les
femmes contribuent de plus en plus au revenu du couple, les femmes sont plus
nombreuses à gagner le salaire minimum ;
Les
femmes sont plus dépendantes des transferts gouvernementaux que les hommes ;
Les
revenus des femmes monoparentales, chefs de famille sont inférieurs à ceux des
hommes dans les mêmes circonstances ;
Les
hommes consacrent encore la majorité de leur temps productif aux activités
professionnelles alors que les femmes consacrent ce temps en plus grand nombre
aux activités domestiques ;
Les
mères consacrent plus de temps aux soins des enfants que les pères ;
Les
femmes accordent plus de temps au soin ou à l'aide des personnes âgées que les
hommes ;
Les
femmes fournissent 80 % des soins à domicile aux personnes âgées ;
Les
femmes sont plus souvent que les hommes victimes de violence conjugale et d'infractions
sexuelles déclarées ;
Les
inégalités entre les hommes et les femmes persistent dans les postes
décisionnels, les conseils d'administration, les conseils de ville et les
parlements.
Alors, dites-moi, croyez-vous que la crise sanitaire
actuelle contribue à améliorer la situation des femmes ?
Femme et pandémie
Au Québec et au Canada, ce sont les femmes « qui prennent
soin ». Ce sont les femmes qui majoritairement s'occupent de soigner, de
nourrir, de laver et d'éduquer. Cela tant dans la sphère privée de leur vie que
dans la sphère professionnelle de leurs activités pécuniaires. Tout cela n'est
pas sans conséquence pour elles dans un contexte de crise pandémique comme
celle que traverse le Québec depuis un an. Cette crise sanitaire a de lourdes
répercussions sur l'organisation du travail et sur la vie familiale de tous,
mais particulièrement pour celle des femmes. Les incidences sociales et
économiques de cette crise affectent notamment les femmes par des phénomènes
comme l'accroissement du taux de chômage dans des secteurs occupés
majoritairement par des femmes, par la montée de la violence conjugale comme
l'illustre les cinq féminicides récents au Québec, par l'accroissement des
charges familiales liées aux soins des enfants et des aînés abandonnés dans
cette crise, par les difficultés de concilier le télétravail avec les charges
de la domesticité et par l'épuisement au travail pour les nombreuses femmes qui
sont au front contre la COVID-19. Je dis cela, mais je ne parle même pas des
femmes autochtones, immigrantes ou racisées qui vivent la même condition que
les femmes globalement en y ajoutant une couche de racisme larvée que notre
gouvernement québécois refuse de reconnaître comme systémique. Je crois que
l'on ne peut nier les évidences et qu'il faut agir pour et avec les femmes dans
notre éventuel plan de relance qui ne saurait tarder.
L'invisibilité des
femmes
C'est un fait indéniable pour les historiennes
et les historiens, l'histoire des femmes est méconnue et passée sous silence.
L'historienne québécoise Micheline Dumont a écrit beaucoup là-dessus. Elle en a
fait la démonstration dans une série d'essais, où l'on sent sa colère, dans son
livre Pas d'histoire les femmes paru
aux Éditions Remue-Ménage en 2013. Dans ce livre, elle fait le constat que si
les recherches en histoire des femmes menées au cours des dernières décennies
ont contribué à faire émerger un nouveau champ de connaissance, celui-ci n'a
toujours pas été intégré dans l'histoire officielle. La tradition d'une
histoire univoque, qui confine les femmes à la marge, se perpétue. Notre
rapport à l'histoire est toujours « hémiplégique », amputé de toutes celles à
qui l'on nie la reconnaissance comme sujet historique et politique.
C'est le paradoxe, les femmes sont
ignorées de notre histoire, mais aux premières loges de nos drames. Il faut que
cela change, et vite. Dans un séminaire consacré à l'histoire des femmes et du
genre que j'ai suivi l'an dernier, j'écrivais dans mon essai de synthèse de mes
apprentissages ce qui suit : « Bref, le voyage de Daniel et de ses
amis au pays du genre fut pour moi une fabuleuse aventure qui marquera à jamais
ma mémoire. En prime, j'aurai approfondi mon désir et ma volonté d'être un
allié de tous les instants à une pleine et entière égalité entre les femmes et les
hommes. Je m'en réjouis pour les femmes de ma vie, ma mère, ma conjointe, mes
amies, mes collègues féminines, mes petites filles Phanie-Maude, Gaëlle,
Dahlia, Pénélope et Zoé. Des jeunes filles qui ne devraient jamais connaître
les affres du patriarcat et des violences multiples faites aux femmes
ouvertement ou insidieusement. »
Je n'ai pas changé d'avis aujourd'hui,
les femmes, il faut plus que les écouter, il faut agir et vite...