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Plus qu’écouter, il faut agir et vite…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 10 mars 2021

Le 8 mars dernier, c'était la journée internationale des femmes. Cette année, le thème retenu est Écoutons-les. Je suis d'avis qu'il ne faut pas juste écouter les femmes, il faut surtout agir. En dépit des propos de notre premier ministre du Québec, François Legault, contre les féminicides sur un ton quelque peu paternaliste, il faut s'y habituer c'est le genre de la maison. En dépit aussi que nous avons, selon ses dires, un premier ministre canadien féministe, foi de Justin Trudeau, la condition de vie des femmes est toujours inférieure à celle des hommes et ce n'est pas la pandémie qui vient arranger les choses. Regards sur la discrimination systémique des femmes dans le Québec et le Canada d'aujourd'hui.

Les inégalités persistent toujours

Rappelons des chiffres et des faits. Sur le marché du travail d'abord, une étude de 2018 confirme que les femmes gagnent 87 sous contre 1 $ pour les hommes. Au cours des dix dernières années, l'écart s'est rétréci, mais il demeure toujours. En 2018, les employées âgées de 25 à 54 ans gagnaient en moyenne 4,13 $ (ou 13,3 %) de moins l'heure que leurs homologues de sexe masculin. Dans une chronique antérieure écrite le 5 juillet 2017, j'écrivais et cela est toujours d'actualité : « Notre classe politique peut bien s'époumoner sur la place publique. Les gens d'affaires et les élites médiatiques peuvent bien jurer la main sur le cœur qu'ils sont pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Rien n'est plus implacable que la réalité des faits. Et les faits sont que l'inégalité entre les hommes et les femmes persistent toujours au Québec en 2017. Combien y a-t-il de PDG de sexe féminin dans les cent plus grandes entreprises canadiennes ? Combien de femmes sont-elles première ministre en Occident libéral ? Combien de femmes sont-elles ministres dans des gouvernements ? Lorsque l'on en retrouve, quelles fonctions occupent-elles ? Les femmes sont-elles plus souvent ou non victimes d'actes violents de la part des hommes ? Les femmes sont-elles encore l'objet de violence sexuelle ? Sont-elles utilisées comme objet dans les publicités ? Qui dans nos familles s'occupe des tâches ménagères ? De l'aide à une personne malade ou diminuée ? Qui, d'entre les femmes et les hommes, sont les mieux payés pour leur travail ? Sont-ce les femmes ou les hommes qui sont responsables de l'éducation des enfants ? Toutes ces questions révèlent des réponses qui prouvent que l'inégalité persiste toujours entre les hommes et les femmes. Vous trouvez que j'exagère ? Alors, cherchons à vous convaincre avec des faits et quelques chiffres. »

Et ces faits qui parlent

La parité salariale n'est pas atteinte sur le marché du travail, les femmes sont plus souvent chefs de famille monoparentale que les hommes ;

Les mères se retirent du marché du travail pour s'occuper des enfants, la présence de jeunes enfants est associée au taux d'emploi plus élevé des pères et moins élevé des mères ;

Les mères monoparentales participent plus faiblement au marché du travail ;

Les femmes font moins d'heures que les hommes au travail et ce sont elles qui s'absentent le plus pour les obligations personnelles ou familiales ;

Les femmes occupent les emplois les plus précaires ;

Les femmes travaillent plus souvent à temps partiel pour concilier vie familiale et vie professionnelle ;

Les emplois des femmes sont peu diversifiés et sont souvent liés à des fonctions d'aide, les revenus moyens des femmes sont inférieurs à ceux des hommes ;

Les femmes contribuent de plus en plus au revenu du couple, les femmes sont plus nombreuses à gagner le salaire minimum ;

Les femmes sont plus dépendantes des transferts gouvernementaux que les hommes ;

Les revenus des femmes monoparentales, chefs de famille sont inférieurs à ceux des hommes dans les mêmes circonstances ;

Les hommes consacrent encore la majorité de leur temps productif aux activités professionnelles alors que les femmes consacrent ce temps en plus grand nombre aux activités domestiques ;

Les mères consacrent plus de temps aux soins des enfants que les pères ;

Les femmes accordent plus de temps au soin ou à l'aide des personnes âgées que les hommes ;

Les femmes fournissent 80 % des soins à domicile aux personnes âgées ;

Les femmes sont plus souvent que les hommes victimes de violence conjugale et d'infractions sexuelles déclarées ;

Les inégalités entre les hommes et les femmes persistent dans les postes décisionnels, les conseils d'administration, les conseils de ville et les parlements.

Alors, dites-moi, croyez-vous que la crise sanitaire actuelle contribue à améliorer la situation des femmes ?

Femme et pandémie

Au Québec et au Canada, ce sont les femmes « qui prennent soin ». Ce sont les femmes qui majoritairement s'occupent de soigner, de nourrir, de laver et d'éduquer. Cela tant dans la sphère privée de leur vie que dans la sphère professionnelle de leurs activités pécuniaires. Tout cela n'est pas sans conséquence pour elles dans un contexte de crise pandémique comme celle que traverse le Québec depuis un an. Cette crise sanitaire a de lourdes répercussions sur l'organisation du travail et sur la vie familiale de tous, mais particulièrement pour celle des femmes. Les incidences sociales et économiques de cette crise affectent notamment les femmes par des phénomènes comme l'accroissement du taux de chômage dans des secteurs occupés majoritairement par des femmes, par la montée de la violence conjugale comme l'illustre les cinq féminicides récents au Québec, par l'accroissement des charges familiales liées aux soins des enfants et des aînés abandonnés dans cette crise, par les difficultés de concilier le télétravail avec les charges de la domesticité et par l'épuisement au travail pour les nombreuses femmes qui sont au front contre la COVID-19. Je dis cela, mais je ne parle même pas des femmes autochtones, immigrantes ou racisées qui vivent la même condition que les femmes globalement en y ajoutant une couche de racisme larvée que notre gouvernement québécois refuse de reconnaître comme systémique. Je crois que l'on ne peut nier les évidences et qu'il faut agir pour et avec les femmes dans notre éventuel plan de relance qui ne saurait tarder.

L'invisibilité des femmes

Pas d'histoire, les femmesC'est un fait indéniable pour les historiennes et les historiens, l'histoire des femmes est méconnue et passée sous silence. L'historienne québécoise Micheline Dumont a écrit beaucoup là-dessus. Elle en a fait la démonstration dans une série d'essais, où l'on sent sa colère, dans son livre Pas d'histoire les femmes paru aux Éditions Remue-Ménage en 2013. Dans ce livre, elle fait le constat que si les recherches en histoire des femmes menées au cours des dernières décennies ont contribué à faire émerger un nouveau champ de connaissance, celui-ci n'a toujours pas été intégré dans l'histoire officielle. La tradition d'une histoire univoque, qui confine les femmes à la marge, se perpétue. Notre rapport à l'histoire est toujours « hémiplégique », amputé de toutes celles à qui l'on nie la reconnaissance comme sujet historique et politique.

C'est le paradoxe, les femmes sont ignorées de notre histoire, mais aux premières loges de nos drames. Il faut que cela change, et vite. Dans un séminaire consacré à l'histoire des femmes et du genre que j'ai suivi l'an dernier, j'écrivais dans mon essai de synthèse de mes apprentissages ce qui suit : « Bref, le voyage de Daniel et de ses amis au pays du genre fut pour moi une fabuleuse aventure qui marquera à jamais ma mémoire. En prime, j'aurai approfondi mon désir et ma volonté d'être un allié de tous les instants à une pleine et entière égalité entre les femmes et les hommes. Je m'en réjouis pour les femmes de ma vie, ma mère, ma conjointe, mes amies, mes collègues féminines, mes petites filles Phanie-Maude, Gaëlle, Dahlia, Pénélope et Zoé. Des jeunes filles qui ne devraient jamais connaître les affres du patriarcat et des violences multiples faites aux femmes ouvertement ou insidieusement. »

Je n'ai pas changé d'avis aujourd'hui, les femmes, il faut plus que les écouter, il faut agir et vite...



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