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L’exil et le royaume

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Photo : Peu de gens s’en souviennent, surtout chez les plus jeunes, mais le Parti québécois a été un important outil de libération nationale et de transformation sociale pour le Québec contemporain. - Daniel Nadeau
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 24 janvier 2018

Le titre de cette chronique évoque un recueil de nouvelles écrit par le grand auteur franco-algérien, Albert Camus, en 1957. C'est la dernière œuvre littéraire de Camus publié de son vivant. Dans ce recueil de nouvelles, Albert Camus met en vedette un personnage central qui illustre un sentiment d'échec et sa difficulté à trouver le « royaume » c'est-à-dire « un sens à sa vie et le bonheur en dépassant l'opposition apparente des contraires comme solitaire-solidaire »

On ne peut trouver une meilleure inspiration pour commenter la situation actuelle du Parti québécois à la veille d'une élection générale au Québec. D'ailleurs, le prétendu sauveur attendu aujourd'hui, Jean-Martin Aussant, n'est-il pas celui qui a déclaré le jour des funérailles de monsieur Jacques Parizeau que cet événement marquait la fin des exils. Pourtant, il semble bien que les thèmes du royaume non atteint et des exils marquent profondément aujourd'hui les événements au Parti Québécois. Toute l'histoire se joue autour de ces deux thèmes.

On comprend que plus l'horizon de la terre promise s'estompe, plus les exils temporaires ou non se multiplient. Réflexion sur l'avenir du Parti québécois.

Le PQ, un outil de libération nationale et de transformation sociale

Peu de gens s'en souviennent, surtout chez les plus jeunes, mais le Parti québécois a été un important outil de libération nationale et de transformation sociale pour le Québec contemporain. J'ai toujours été un adversaire politique de cette formation politique dans ma vie adulte. Cela n'empêche que j'ai toujours reconnu l'importance de ce parti politique dans la dynamique politique québécoise. L'affaiblissement de cette formation politique et du mouvement souverainiste ne peut à terme qu'affaiblir la position de la nation québécoise au sein de l'État fédéral canadien. La présence dans nos débats politiques de cette alternative, de cette possibilité de rupture, a représenté et représente toujours un élément important pour le Québec de se voir reconnu et traité comme une nation par nos compatriotes canadiens. Cela même un fédéraliste aussi pur que Claude Ryan le reconnaissait. Il ne saurait en être autrement aujourd'hui.

La publication récente par l'historien Jean-Charles Panneton des deux premiers tomes de son histoire du gouvernement Lévesque ne peut que nous convaincre du rôle crucial joué par le Parti québécois dans l'histoire du Québec contemporain.

Les gouvernements Lévesque

Le Parti québécois a transformé le combat pour l'indépendance en devenant le premier parti de masse de l'histoire du Québec. Il a aussi réussi à rallier plusieurs mouvances indépendantistes dans un grand mouvement composé de courants idéologiques fort différents tout en créant une solide organisation électorale. Avec la tenue d'un premier référendum en 1980, il a affirmé dans les faits le droit à l'autodétermination du peuple québécois. Ce qui n'est pas rien lorsque l'on observe les événements qui se sont déroulés en Espagne avec le mouvement indépendantiste catalan.

On ne peut non plus oublier la formidable victoire du Parti québécois en 1976 qui avait semé beaucoup d'espoir. Ni nier les réformes importantes mises de l'avant par le gouvernement Lévesque en matière de langue (loi 101), de protection du territoire agricole, d'assurance automobile, d'aménagement du territoire, de développement économique des PME, de la nationalisation de l'amiante et de la réforme des lois et des mœurs électorales. L'œuvre du premier gouvernement Lévesque s'est inscrite dans la poursuite des réformes de la Révolution tranquille réalisées par le gouvernement libéral de Jean Lesage de 1960 à 1966 notamment avec la nationalisation d'Hydro-Québec et la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

L'héritage du Parti québécois au Québec moderne et contemporain est important et mérite le respect de tous. Il faut néanmoins que la situation actuelle résulte de l'abandon progressif de sa raison d'être, la souveraineté, au nom d'un pragmatisme électoral lui permettant d'exercer le pouvoir et de devenir un parti comme les autres.

Un parti politique à la recherche du pouvoir

Très tôt après la prise de pouvoir en 1976, les tensions sont apparues au sein du parti québécois notamment autour de l'enjeu du référendum de 1980 et du sens qu'il fallait donner à l'événement. C'est alors qu'il y'a eu de nombreux débats autour de la souveraineté avec ou sans trait d'union avec l'association économique. Après la défaite référendaire de 1980, ce fut la déprime au sein du parti québécois et de larges pans de la société québécoise favorables à la souveraineté du Québec. Cela a mené au beau risque proposé par René Lévesque à la suite de l'élection du gouvernement conservateur de Brian Mulroney et de son engagement à réintégrer le Québec dans la fédération canadienne dans « l'honneur et l'enthousiasme ».

Par la suite, ce fut la lutte du PQ contre l'accord du lac Meech qui était jugé trop timide à ses yeux, le départ de Pierre-Marc Johnson de la présidence du parti après sa défaite aux mains des libéraux de Robert Bourassa, les longues tergiversations du Canada anglais à reconnaître les conditions du Québec et l'échec de l'accord en 1990. Cela a mené à la victoire électorale du PQ dirigé par Jacques Parizeau et à l'échec au référendum en 1995. Un échec dur à avaler pour les partisans de la souveraineté du Québec puisque c'est par une poignée de voix que le référendum a été battu. Depuis, le Québec et le PQ ne se sont jamais remis de cet échec. Même les libéraux hésitent à parler de réformer la constitution au Québec et les partis fédéraux de même que le Canada anglais ne veulent plus en entendre parler. La situation semble bloquée et les droits de la nation québécoise relégués aux oubliettes. C'est le contexte, me semble-t-il, qui aujourd'hui explique la désaffection au PQ et qui mène à l'hémorragie actuelle dans ses rangs.

L'hémorragie

La semaine dernière, plusieurs figures marquantes du Parti québécois ont annoncé leur départ de la scène politique. La députée de Pointe-aux-Trembles, Nicole Léger, une institution au PQ, le jeune prétendant déçu deux fois plutôt qu'une à la chefferie du PQ, Alexandre Cloutier au Lac-Saint-Jean et Agnès Maltais du comté de Taschereau à Québec, le dernier comté péquiste dans la région de Québec. Jean-François Lisée n'est pas au bout de ses peines puisque l'ancien ministre des Finances, Nicolas Marceau et le vétéran François Gendron vont aussi annoncer, semble-t-il, leur départ de la vie politique.

Si dans ces départs, certains s'expliquent facilement comme ceux de François Gendron et de Nicole Léger, ceux d'Agnès Maltais et surtout d'Alexandre Cloutier dénotent des tensions au sein des orientations du Parti québécois notamment sur la question de la laïcité, de la diversité et de l'identité. Ces tensions sont vécues intensément aussi dans la société québécoise et dans les autres formations politiques. On a beau dire que la question nationale n'est plus d'actualité au Québec, elle continue de modeler la dynamique de la vie politique québécoise. Celui qui perdra le plus aujourd'hui semble être le Parti québécois qui a déjà fort à faire pour combattre à gauche les nouveaux porte-parole de la souveraineté incarnés par le jeune et talentueux Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire.

Ce serait triste que le Parti québécois disparaisse de notre vie démocratique. C'est néanmoins une hypothèse plausible quand on songe que les sauveurs envisagés sont l'ancien chef Pierre Karl Péladeau et celui qui a fait défection à Pauline Marois, Jean-Martin Aussant. Oui, c'est peut-être la fin des exils pour certains, mais c'est surtout la déception de ne pas atteindre le royaume du nouveau pays. D'où la pertinence du choix pour décrire la situation actuelle du Parti québécois du titre du dernier recueil de nouvelles d'Albert Camus : L'Exil ou le royaume...


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