Le génie de Steven Spielberg est toujours en nous lorsque
nous avons été imprégnés de son art. Je n'ai pu m'empêcher de me rappeler son
film Retour vers le futur quand j'ai pris connaissance de la déclaration
de Paul St-Pierre Plamondon qui demandait au gouvernement Legault de refaire
une commission sur l'avenir du Québec comme au temps de l'après-crise de Meech
sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa. En fait, derrière une façade
tout empreinte de gentillesse et d'amabilité, Paul St-Pierre Plamondon veut
ramener le Québec en arrière. En fait, le vieux rêve d'un Québec souverain,
libre de ses choix est à mon sens révolu depuis le refus de l'accord du lac
Meech par le Canada anglais et par le non que nous nous sommes dit à nous-mêmes
lors du référendum de 1995. Chercher à faire un retour en arrière m'apparaît
comme un choix détonant par rapport à l'avenir. Réflexions libres sur l'avenir
des francophones de souche du Québec au 21e siècle.
Sortir
des sentiers balisés
On a souvent opposé les anciens aux modernes dans
l'histoire. Défendre le monde ancien était réputé un mauvais choix eu égard aux
forces de changement qui s'imposaient dans la société. La modernité était
garante de progrès, d'avancement. Il ne faut pas à mon sens concevoir
nécessairement la volonté de plusieurs d'entre nous de se donner un pays comme
une défense du monde ancien, mais les termes actuels du débat sur la question
nationale au Canada empruntent des chemins anciens et balisés, du moins dans la
rhétorique de Paul St-Pierre Plamondon.
Il est incontestable que le Québec est un territoire où
réside une nation francophone. Cette petite nation d'où nous tirons tous nos
origines a été conquise par les Britanniques au 18e siècle. Les
parlants français, une façon de nommer les habitants du territoire en excluant
les Britanniques ont été discriminés de façon systématique. Il y a eu un long
combat des membres du peuple de ressortissants français pour défendre
l'existence de la langue française, de ses coutumes et de ses traditions. Grâce
à l'Église catholique qui a joué le rôle d'une Église-nation, que Dieu ait son
âme, nous avons pu nous réfugier dans une idéologie de survivance pour ne pas
disparaître. Au-delà des mots durs de certains de nos historiens sur cette
époque, il faut convenir que l'Église catholique romaine a joué un rôle majeur
dans la préservation et la perpétuation de notre langue et de nos traditions.
Puis, le reste de l'histoire est largement connu et reconnu,
il y a eu la Deuxième Guerre mondiale, le keynésianisme et l'activisme étatique
qui ont mené à la construction au Canada de deux logiques étatiques qui
s'opposent, l'État canadien et l'État québécois. Cette lutte entre ces deux
solitudes, ces deux états perdurent depuis la conquête et s'est amplifié après
la Deuxième Guerre mondiale et a pris son essor avec la montée du nationalisme
québécois et la Révolution tranquille. Sous la forme de négociations
constitutionnelles, les relations Québec-Canada ont occupé beaucoup d'espace
politique et pour l'essentiel cela a exacerbé les passions et mené à l'élection
du Parti québécois et à la tenue du référendum de 1980, à l'échec de l'accord
du lac Meech et à la cruelle défaite référendaire de 1995. Avec ce Non à eux-mêmes,
les Québécois et les Québécoises ont tourné le dos à cette idée d'un pays du
Québec et ont choisi le Canada, pour le meilleur et pour le pire. Et, il ne
faut pas se le cacher, il y a beaucoup de pires dans ce pays depuis de
nombreuses années. À commencer par cet incessant Québec Bashing
et ce déni de nos compatriotes canadiens à reconnaître le caractère distinct de
la société québécoise et à respecter ses choix collectifs comme nation unique
en Amérique du Nord. La vulgate nationaliste oppose binairement le
multiculturalisme au nationalisme québécois sans prendre note que la société
québécoise elle aussi a changée et change encore. D'où cette opposition entre
les anciens et les modernes.
Le Canada
est-il soluble dans la reconnaissance du caractère distinct du Québec
Les questions d'aujourd'hui quant à l'avenir du Québec en
Amérique du Nord sont les mêmes que celles d'hier. Comment assurer la pérennité
de la nation québécoise, sa langue, ses coutumes et ses traditions dans un
monde largement anglophone ? Comment renouveler le discours politique à ce
sujet dans un monde en profondes mutations tant sur le plan des valeurs que de
sa composition démographique ?
Les réponses à ces questions ne sont pas simples. Elles sont
au cœur des débats politiques contemporains au Québec et au Canada. Tous les
dossiers qui émergent dans l'actualité en sont en quelque sorte liés. La
question de la lutte aux changements climatiques révèle de profondes divisions
entre l'ouest producteur de pétrole et le Québec, producteur d'énergie
hydro-électrique. Qui a oublié la déclaration de François Legault au sujet du
pétrole sale de l'Alberta ? Les questions liées au seuil d'immigration sont
aussi de la partie. Le discours nationaliste s'apparente à la volonté
canadienne de devenir un grand pays plus puissant et à sa volonté de provoquer
la noyade démographique du Québec. Les questions liées à nos rapports avec les
différentes communautés sont teintées de ce débat inachevé entre le Québec et
le Canada où le Québec est soupçonné par le Rest of Canada de repli sur
soi si ce n'est de racisme. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce
pays. Le fédéralisme, lui-même est mis au banc des accusés sous le motif d'être
un rouleau compresseur de l'identité québécoise. Le fédéralisme est une forme
de gouvernement hautement recommandable, mais pas dans sa formule canadienne
largement centralisée. Un temps, j'avais cru que Justin Trudeau changerait le
cours des choses, mais force est d'admettre qu'il a échoué à refonder le pays
que son père Pierre Elliott Trudeau nous a légué en 1982 faisant fi des droits
historiques du Québec avec le rapatriement de la constitution.
Le Canada est dû pour une grande conversation démocratique
sur l'avenir de ce pays et je suis d'avis que le Québec devrait y jouer un rôle
de premier plan afin de faire naître un fédéralisme plus efficace et surtout
respectueux des nations qui le composent comme celles du Québec, des Acadiens
et des Premiers Peuples.
Des
scorpions emprisonnés dans une bouteille
Le Québec et le Canada sont comme deux scorpions emprisonnés
dans une bouteille. Cela ne peut que mener à la mort de chacun d'eux. Pour se
sortir de cette bouteille et pour assurer l'avenir, nous devons tant Québécois
et Canadiens nous engager dans une conversation démocratique dans le but de
refonder ce pays sur de nouvelles bases et pour faire naître ici un fédéralisme
multinational qui sera garant d'assurer un avenir à chacune des nations qui
composent ce pays. Je sais que les adeptes du fruit n'est pas mûr s'opposeront
à de nouvelles négociations constitutionnelles, mais c'est la seule voie qui
s'offre à nous pour progresser vers l'avenir et ne pas faire un retour vers le
futur avec les discours d'un Paul St-Pierre Plamondon et de ses semblables.
Nous devons troquer notre histoire de frères ennemis pour celle de scorpions
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