À son dernier Conseil général, les membres du Parti libéral
du Québec se sont donné rendez-vous pour débattre à livre ouvert sans avoir de
questions à débattre. Le sujet de l'heure chez les libéraux c'est de
reconnaître que leur parti est déconnecté de la population francophone, à cet
égard les résultats des sondages sont limpides, et de mettre en œuvre les
moyens pour se reconnecter avec l'électorat francophone pour être autre chose
qu'un Parti égalité 2.0.
Au chapitre des solutions à utiliser pour reconnecter avec
les francophones, les libéraux sont plutôt devant un désert d'idées qu'à un
trop-plein. Certains pensent qu'il faut réactualiser les valeurs libérales
écrites et synthétisées par l'ex-chef Claude Ryan. D'autres pensent que cela se
fera par un virage nationaliste prononcé afin de se brancher sur l'héritage de
Robert Bourassa et Jean Lesage en passant par Jean Charest, évitant avec soin
le multiculturaliste Philippe Couillard et sa façon d'être Canadien au Québec.
Enfin, la plupart pensent que c'est l'arrivée d'un ou d'une nouvelle chef qui
viendra relancer la marque libérale auprès de la population francophone. Autant
d'idées que des gens qui y réfléchissent. Ayant fréquenté le Parti libéral du
Québec pendant plus de 25 ans, permettez-moi d'apporter ma modeste pierre
à l'édifice de cette réflexion collective sur la relance de la marque libérale
sur la scène québécoise. Réflexions libres sur un sujet galvaudé.
D'abord, le contexte...
Le nombre
C'est une vérité de la palisse, la politique a beaucoup
changée depuis les vingt dernières années. Les enjeux sont les mêmes en
apparence : bien-être économique, justice sociale, ouverture aux autres,
prospérité collective, respect de notre milieu, services gouvernementaux
gratuits et universels, protection de notre langue et de notre identité. Ce qui
a changé profondément c'est la population qui compose notre Québec
d'aujourd'hui. D'abord, le nombre : en 1980, lors du premier référendum
sur la souveraineté-association proposée par le gouvernement péquiste de René
Lévesque, nous étions 6 505 997 habitants alors qu'en 2023, nous sommes 8 787 554 personnes.
Cette population s'est largement diversifiée eu égard à l'immigration.
La diversité
En 1980, on retrouve 80 % de la population d'origine
française, 8 % d'origine britannique et 12 % d'autres provenances
principalement des Italiens, des juifs et des Irlandais. Alors qu'après 1980,
on retrouve de nouveaux ressortissants parmi des pays comme le Liban, Haïti, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et le
Viêt Nam. Ce qui n'a pas changé entre ces décennies c'est que la très forte
majorité des immigrants s'installent dans les grandes villes, surtout à
Montréal.
Aujourd'hui, les nouveaux arrivants s'installent toujours à
Montréal, mais on commence à en retrouver ailleurs au Québec dans les régions
même si cela représente un très faible pourcentage. La proportion d'immigrants
au Québec eu égard à la population totale est passée de 12 % en 1980 à 15 %
aujourd'hui dont un très fort contingent de Français n'en déplaise à la vulgate
nationaliste qui sert aujourd'hui de toile de fond au débat sur l'immigration
au Québec. Cette population est de plus en plus vieille et le nombre de
personnes actives atteindra une proportion d'une personne active pour trois
personnes inactives d'ici peu.
Les
nouvelles valeurs
Outre ces phénomènes de nombre, il y a aussi la transformation du
monde dans lequel nous vivons où le progrès, la justice ne sont plus jugés avec
les mêmes yeux que ceux que nous avions jadis. De nouveaux enjeux tels, les
enjeux climatiques ou la gestion quotidienne de la diversité et les
manifestations présumées de politiques racistes et discriminatoires sont
devenus cruciaux dans l'espace public. Les discours de nos poètes d'hier sur un
narratif de la longue résistance et du combat des francophones contre les
méchants Anglais ne mobilisent plus l'âme de la jeunesse contemporaine. On a
beau mener des batailles pour faire de l'identité le centre de tous les
combats, l'appétence de la jeunesse pour ces débats n'est pas au rendez-vous.
Leurs combats sont ailleurs. C'est de cela que devront débattre les membres du
Parti libéral du Québec pour se donner de la pertinence auprès de l'électorat. Ce
n'est pas en faisant le choix des combats d'hier ou en rappelant ses mémorables
états de service que les libéraux réussiront à prouver leur valeur auprès de la
population québécoise et de proposer de véritables options pour devenir un
gouvernement en attente.
La
politique a changé
Le véhicule politique lui-même s'est profondément transformé. La
politique est devenue un lieu pour mener des opérations de marketing auprès de
l'électeur-consommateur d'engagements électoraux. Le Je Me Moi est triomphant.
Le Nous se fait tout petit. Nous sommes à l'ère des individus et des tribus.
Cela aussi le PLQ doit en tenir compte dans ses réflexions et ses débats.
Puis, les
pistes de solutions...
La partie de cette chronique sur les solutions possibles qui
peuvent s'offrir aux libéraux pour relancer la marque libérale sera brève. Je
n'ai pas de solutions miracles si ce n'est d'écrire que je trouve que les
libéraux méritent de se trouver et que le Québec retrouve ce grand parti qui
saura lui proposer à nouveau des pistes de solutions à ses problèmes et aux
enjeux qui confrontent son avenir. Les changements climatiques, le
développement du navire amiral Hydro-Québec, l'état pitoyable des réseaux de
santé et d'éducation, les failles béantes du système de justice, les conditions
de travail des employés de l'État, la gestion des taxes et des impôts, et la
protection de la langue française et de l'identité québécoise. Voilà autant de
sujets qui requièrent une attention urgente sur une base quotidienne. C'est le
rôle du PLQ comme opposition officielle de proposer et de critiquer les gestes
et les actions du gouvernement en ces matières. C'est incontournable pour
regagner la confiance des électeurs et des électrices du Québec.
Quant au débat à venir sur les valeurs libérales et la place du nationalisme
qu'ont lancé les interventions de Jérôme Turcotte dans une lettre ouverte et avec
ses interventions au dernier Conseil général, cela ne doit pas se faire par des
procès d'intention et par un concours d'étiquetage de ses adversaires idéologiques.
De tout temps, le PLQ dans l'opposition a toujours vécu une tension dynamique
entre les délégations des comtés anglophones et celles des comtés francophones.
La faiblesse actuelle de la députation francophone libérale à l'Assemblée
nationale ne peut qu'amplifier et actualiser cette tendance lourde au sein du
PLQ. Faut-il y voir la mainmise des libéraux fédéraux sur le PLQ, des
Trudeauiste sur leurs cousins québécois ? Je ne crois pas.
D'ailleurs, on peut très bien être un fier nationaliste québécois
et appuyer Justin Trudeau sur la scène fédérale. Quoi que l'on puisse en dire,
les libéraux de Justin Trudeau ne sont pas de vilains centralisateurs. Ils ont
bien des défauts, mais pas celui-là. Ils ne sont tout simplement pas assez
courageux pour adapter nos institutions et notre constitution aux réalités
exigeantes du 21e siècle. Personne sur la scène politique
fédérale n'a présenté cette vision courageuse de l'avenir du Canada. Cela
devrait être le point de ralliement des libéraux du Québec, défendre un Québec
fort dans un Canada transformé où le fédéralisme sera réactualisé sous les
phares de la reconnaissance des peuples autochtones, des peuples acadiens et
québécois et par la délivrance des symboles archaïques comme la monarchie
britannique et le renouvellement des institutions démocratiques. Les libéraux ont des valeurs solides
concernant les libertés individuelles, l'entreprise privée comme moteur de
développement, de justice sociale, d'ouverture aux autres et surtout une
indécrottable foi au Québec comme centre de ses préoccupations. Il s'agit de
traduire cela dans un discours cohérent comme celui qu'a tenu ces derniers
jours le fils aux talents prometteurs de Jean Charest, Antoine Dionne-Charest. Être
fédéraliste dans un Québec fort et prospère c'est la seule question. Tout le
reste ce sont de fausses questions...