Le
malaise est là. Pas encore si bruyant, mais il est là. Il le sera probablement
lors de la fête des Pères. Un malaise qui exprime une incompréhension par
rapport à la façon avec laquelle on devrait réagir.
Dans un
environnement où les genres des personnes et les modèles de parentalité se
redéfinissent, est-il encore éthique de parler de la fête des Mères et la fête
des Pères?
Est-ce
que le fait qu'une école primaire ait pris la décision de combiner les mères et
des pères dans un concept de fête des Parents est une aberration en soi? Une
bonne idée? Est-ce que c'est un signe de l'évolution d'une société ou bien le
signe que tout fout le camp autour de nous?
Le genre
de questions qui a tout pour polariser les opinions!
Je sais,
je marche sur des oeufs en parlant de ce sujet. Et je sais aussi que plein
d'yeux fixent les oeufs sur lesquels je marche! J'entends déjà des
« issshhhhhh! Tu vas vraiment là, aujourd'hui? »
Bien
oui.
C'est
que la question est intéressante et, surtout, qu'elle ouvre une panoplie de
réflexions. Exactement le genre d'affaire qu'on ne fait plus à l'ère des médias
sociaux qui commandent une opinion sur le champ!
D'abord,
disons que si la redéfinition (ou la précision) des genres se fait parfois de
façon harmonieuse, il faut bien admettre que, socialement, ça vient ébranler
les colonnes d'un temple bien installé. Si une personne peut demander de façon
légitime qu'on la considère d'un genre différent que celui qu'elle avait à la
naissance, il faut accepter que le malaise potentiel d'un ou des membres de
l'entourage est tout aussi légitime.
Différents
volets à une même question
Je me
dis, à la base, qu'une personne équilibrée et outillée pour évoluer sur la
route de sa vie doit être confortable avec ce qu'elle est. Avec son identité
propre. Je peux comprendre qu'on soit mal à l'aise avec le genre qu'on a. Et ce
n'est pas une affaire de 2023! J'ai grandi en entendant des expressions comme
« il fait tellement fille! » ou encore « elle, c'est un gars
manqué! »
Je
comprends donc qu'on cherche à préciser le genre (ou le non-genre) auquel on
veut s'identifier et être identifié. Mais je me dis, du même souffle, que
lorsque des anthropologues et des archéologues retrouveront l'ossature des gens
de notre époque, ils retrouveront essentiellement des mâles et des femelles.
Donc, pour
moi, la notion de précision du genre ou du non-genre est une question de place et
de statut dans cette société qui est la nôtre.
Oui,
mais la fête des Mères, on en fait quoi?
Quand on
décrète une fête du type de la fête des Mères, on fait des inclus et des
exclus. Forcément. Est-ce que c'est injuste pour celles qui ne sont pas mères
de ne pas avoir une journée pour elles? Et si une mère redéfinit le genre dans
lequel elle espère mieux s'accomplir, devient-elle une victime de la fête
décrétée?
Pour
certains, oui. De mon point de vue, c'est plus nuancé pas mal!
D'abord,
si je choisis d'être une victime par rapport à ces repères sociaux que sont les
fêtes et que je cultive le malaise au nom de ma cause, je crée un fossé encore
plus grand avec mes l'autre. Le mode « passif-agressif » s'impose et
est généralement passablement stérile. L'isolement n'est pas un agent
d'évolution sociale.
Abandonner
un événement pour ne pas déplaire à un groupe de personnes peut être un piège. Il
y a des milliers de mamans, au Québec, qui reçoivent des visiteurs uniquement
lors des événements spéciaux. La fête des Mères elle rapproche bien des gens,
au moins de façon ponctuelle.
Et la
fête des Mères et la fête des Pères ont l'avantage de souligner des apports
différents à une parentalité.
Une route
sinueuse
La route
de l'évolution de notre vie en société n'est pas un petit sentier droit qui
constitue le chemin le plus court entre deux points précis!
Je me
souviens très bien avoir vu l'évolution de la signature de ma mère sur les chèques
qu'elle émettait pour les dépenses courantes de la famille. Après tout, c'est
elle qui s'occupait des finances, à la maison! Au départ, elle signait le nom
de mon père en ajoutant Mme devant. Après, elle est a pu mettre son
prénom, mais le nom de famille de mon père par la suite. Puis, son prénom, son nom
de famille et celui de mon père. Maintenant, elle signe son nom
de fille, comme elle le dit!
Ça peut
sembler banal, mais tout ça se faisait avec des réactions souvent épidermiques!
Les femmes prenaient trop de place, ne renonçaient plus à leur identité,
pouvaient maintenant voter et s'acheter une maison, et tout...
« Où
est-ce que ça va nous mener? », s'égosillaient les plus conservateurs.
La même
rhétorique s'applique aujourd'hui quand il est question des genres en société.
Alors, fête
des Mères? C'est oui ou c'est non?
Je sais
très bien que ces fêtes sont d'abord une affaire commerciale. Elles risquent de
devenir un levier politique aussi.
J'ai d'abord
été surpris de l'idée de l'école de modifier la fête des Mères et des Pères
pour les joindre dans un concept de fête des Parents. Normal, j'ai grandi avec
l'autre concept. Mais une fois la surprise passée, je me mets dans la peau de
l'enfant qui a à grandir dans des situations nouvelles et je me dis que l'idée
n'est quand même pas si épouvantable.
Pour
l'heure, je vis très bien avec le concept de fête des Mères et des Pères. J'y
vois encore plus d'avantages que d'inconvénients. Le fait d'abolir ou de
renommer la fête des Mères ou des Pères pour éviter tout imbroglio va en causer
d'autres. L'unanimité est difficile à obtenir et n'est pas souhaitable pour
l'évolution des choses.
J'ai
aussi grandi avec des voix qui décriaient ces fêtes commerciales en disant que
c'est plutôt chaque jour qu'on devrait reconnaître l'apport des mamans et des
papas!
Pour l'heure,
donc, bonne fête des Mères un peu en retard! Et merci de nous avoir donné la
vie.
À nous
de la faire évoluer!
Clin
d'œil de la semaine
Entendu
des milliers de fois : « Maman, je suis parfaitement capable de
prendre mes responsabilités! Mais là, y est où mon chandail bleu? »