Les choses se ressemblent, mais sont souvent différentes. On
ne se baigne jamais dans la même rivière dit le vieil adage chinois. La
décision maladroite et mal avisée de la députée de la Coalition avenir Québec d'Iberville,
Claire Samson, de devenir la première députée du Parti conservateur du Québec
d'Éric Duhaime n'est pas la plus édifiante pour la démocratie et pour le rôle
de député. Mais au fond, malgré le bruit médiatique entourant cette affaire,
cela demeure un fait divers de la politique et surtout une triste fin de
parcours politique pour madame Samson. Explications.
La députée Samson
Si l'on met les choses en perspectives, la députée Claire
Samson est loin de représenter un poids lourd de la politique québécoise.
Depuis son élection comme députée en 2014, on a peu de souvenirs d'elle si ce
n'est le rapport Samson sur la langue française. Rapport qui fut plutôt bien
accueilli à l'époque où la langue française menacée comptait peu de gestes de
bonne volonté pour la préserver. Sans quoi, on retiendra de la députée
d'Iberville qu'elle avait un chien qui l'accompagnait à l'Assemblée nationale,
Pepper, pour l'assister dans son état de santé afin d'aider madame Samson à
prévenir des crises d'épilepsie. Ah oui, j'oubliais, il y a aussi eu la crise
de madame Samson qui a très mal pris le fait de ne pas être nommée au Conseil
des ministres par monsieur Legault au lendemain de la dernière élection
générale. Les actions récentes de la députée d'Iberville prouvent que le
premier ministre Legault a bien fait de ne pas la faire accéder au Conseil des
ministres. La faiblesse de son argumentaire pour justifier son geste est
indicateur de son sens politique et de la profondeur de son engagement.
En fait, madame Samson qui a un curriculum vitae fort
impressionnant dans le monde de la télévision en ferait une candidate vedette
d'un parti politique si elle n'avait jamais fait de politique. Elle ne sera pas
la première ni la dernière de ce profil de candidature à avoir de la difficulté
avec les règles et les us et coutumes de la vie politique. À une autre époque,
dans un contexte fort différent, j'ai connu de grandes personnalités du monde
des affaires qui trouvaient difficiles les règles du jeu parlementaire et
l'inaction relative du monde politique eu égard à celui de l'entreprise privée.
La défection de madame Samson ne peut que réjouir les membres de la Coalition
avenir Québec. Bon débarras, doivent-ils se dire en chœur.
La discipline de parti et la démocratie
Bien sûr, il se trouvera des gens qui salueront le courage
de la députée d'Iberville de dénoncer haut et fort les travers de la vie de
parti avec ses obligations de solidarité au caucus et la loyauté indéfectible
qui doit être témoignée au pouvoir exécutif dans notre système parlementaire.
Dans la vision idyllique sous-jacente à cette façon de voir les choses, on
s'imagine des députés-législateurs votant des lois selon leur conscience et
sans se rapporter au pouvoir exécutif ou à la discipline de parti. Cela est de
l'ordre de l'utopie. Un tel fonctionnement d'une vie politique sans parti, sans
idéologie, sans valeurs communes autre que le bien commun est une hérésie.
C'est refuser de reconnaître que nos sociétés sont le lieu de luttes sociales
incessantes et que le gouvernement doit arbitrer de puissants conflits entre
divers groupes d'intérêts. Malheureusement, nous ne vivons pas dans une société
exempte d'intérêts en lutte les uns contre les autres. Le Québec, comme toutes
les sociétés industrielles avancées et même en voie d'émergence, est une
société de classes sociales et de groupes en lutte les uns contre les autres.
La députée Samson peut bien se réclamer du bien commun et souhaiter une plus
grande diversité des voix, mais le Parti conservateur d'Éric Duhaime n'est pas
le représentant du bien commun. À titre d'exemple, c'est ce même monsieur
Duhaime qui s'est fait le complice des gens qui auraient voulu une politique de
laissez-faire complet des gouvernements en matière de pandémie. Si on en croit
ces voix conservatrices, les gouvernements auraient dû ne rien faire et laisser
la nature ou Dieu faire son œuvre. Pas de restrictions de libertés, mais des
milliers de morts supplémentaires. Les forts auraient survécu et les faibles
auraient disparu. Du darwinisme à l'état pur, « The survival of the fittest ».
Jusqu'à preuve du contraire, je crois que l'État est un
puissant outil de développement et c'est d'ailleurs la vigueur de cet État au
Québec qui lui a permis de résister aux forces d'assimilation mises en place
par le pouvoir britannique et l'État canadien. Madame Samson peut bien décrier
le régime des béni-oui-oui, mais même si ce système est imparfait, la preuve
n'est pas faite qu'il en existe des meilleurs.
L'avenir de Duhaime et du parti conservateur
Madame Samson a rompu avec les béni-oui-oui, mais elle est
devenue un simple pion dans l'échiquier d'Éric Duhaime. Ce dernier cherche à
faire une place au soleil à sa nouvelle formation politique qui enregistre
d'intéressants résultats dans les sondages tout particulièrement dans la
mystérieuse région de la Capitale-Nationale où les idées de droite semblent
jouir d'une faveur plus grande qu'ailleurs au Québec. L'avenir nous dira si
cela n'est que le résultat de la déformation temporaire d'une opinion publique
qui en a marre, comme nous tous, de la pandémie. Il doit y avoir un peu plus,
car les partis de droite comme le Parti conservateur du Canada et l'ADQ de
Mario Dumont à une autre époque ont toujours connu d'excellents résultats dans
ces terres québécoises où est établie notre capitale.
Ainsi donc, le chef du Parti conservateur du Québec
nouvellement élu a réussi son coup d'attirer dans ses griffes une députée qui
siège à l'Assemblée nationale du Québec. Cela lui permettra d'avoir accès par
l'entremise de madame Samson aux journalistes de la tribune parlementaire et au
parquet des débats de l'Assemblée nationale du Québec. Joli coup pour monsieur
Duhaime. C'est ce qui explique qu'hier, il avait le sourire du chat qui a avalé
le canari lors du point de presse formalisant le passage de la députée
d'Iberville au Parti conservateur de Duhaime. L'effet de toge étant chose du
passé, la réalité ne tardera pas à rattraper les protagonistes de cette
mauvaise pièce de théâtre d'été. Du burlesque sans grand effet sur les
spectateurs. Deux personnes qui ont fait la preuve qu'ils ne se connaissaient
pas tant que cela et qui avaient de la difficulté à répondre aux questions
pourtant simples de la presse parlementaire sur leurs valeurs et convictions.
Monsieur Legault, madame Anglade, monsieur Nadeau-Dubois et monsieur St-Pierre
Plamondon peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Une nouvelle force politique
ne risque pas d'ébranler les résultats de la prochaine élection si ce n'est
peut-être qu'à la marge pour la CAQ dans la région de Québec. Cela est
rassurant au fond, car cela fera la preuve que la politique ne peut pas être
bâtie sur la rancœur des transfuges...