S'il y a une conviction partagée par une majorité de
Québécoises et de Québécois, c'est bien celle qui fait de René Lévesque l'une
des personnalités les plus marquantes de l'histoire du Québec contemporain.
Lundi dernier, on a lancé officiellement l'année René Lévesque pour souligner
le fait qu'il aurait eu 100 ans le 24 août 2022 et mettre en évidence
son héritage politique. Mort prématurément à 65 ans le 1er novembre
1987, René Lévesque a été le ministre responsable de la nationalisation de
l'électricité, le fondateur du Parti québécois, et le premier ministre d'un
gouvernement qui a laissé un héritage marquant au Québec avec la Loi 101
sur la langue, la protection du territoire agricole, la création du régime
d'assurances automobile universel et tutti quanti...
René Lévesque a aussi défendu bec et ongle le Québec et
prôné pour ses habitants la voie de l'indépendance. Son gouvernement a tenu un
référendum en 1980 qui s'est soldé par une défaite et par le rapatriement
unilatéral de la constitution canadienne par le gouvernement de son adversaire
et ami de toujours, Pierre Elliott Trudeau. Pour notre grand chansonnier Félix
Leclerc, René Lévesque faisait partie de la courte liste de libérateurs des
peuples. Figure polarisante en son temps, René Lévesque n'en demeure pas moins
aux yeux de maints observateurs et d'une majorité de la population comme le
meilleur premier ministre qui a dirigé le Québec contemporain. Le bilan de ce
personnage est exemplaire à plusieurs égards. La mise en œuvre d'une année René
Lévesque est une bonne idée pour rappeler les réalisations de cette
personnalité marquante. Sa mémoire méritait mieux que les querelles stériles du
Parti québécois par anciens chefs interposés. Retour sur des péquisteries...
Bouchard hante son ancien parti...
Tout cela a commencé lors de l'inauguration d'un monument à
la mémoire de Jacques Parizeau, un autre premier ministre issu du Parti
québécois et fervent indépendantiste, alors que l'ancien premier ministre
Lucine Bouchard était interrogé par les médias sur l'état du parti québécois à
la veille de la campagne électorale québécoise. L'ancien premier ministre
Lucien Bouchard, fidèle à lui-même n'a pas été tendre envers son ancien parti
évoquant de façon sibylline que les partis politiques sont des véhicules et que
parfois il faut les changer pour s'adapter à son époque rappelant ainsi une
idée phare de l'ancien premier ministre René Lévesque qu'il a écrite dans ses
mémoires publiés en 1987 Attendez que je
me rappelle. Monsieur Bouchard en a remis en précisant sa pensée dans une
entrevue donnée au journaliste Patrice Roy sur les ondes de Radio-Canada.
Dans cette entrevue, Lucien Bouchard a rendu un hommage bien
senti à René Lévesque rappelant son courage, son pragmatisme et son lien
privilégié avec le Québec et ses habitants. Il a rappelé aussi les déchirements
vécus par René Lévesque. La coupe de 20 % du salaire des employés de
l'État québécois au plus fort de la crise économique de 1981-1982. La défaite
au référendum de 1980 et le rapatriement unilatéral de la constitution
canadienne par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau et surtout le choix du
beau risque par René Lévesque et sa rupture avec ses compagnons d'armes Jacques
Parizeau et Camille Laurin. Cela a fait de René Lévesque un être brisé à la fin
de sa carrière politique.
Ce qui a fait l'objet de controverses dans cette entrevue,
ce sont les propos de monsieur Bouchard sur l'importance du Parti libéral du
Québec. Il a par ailleurs dit du bien du PLQ en mentionnant qu'il faisait partie de l'histoire du Québec et a exprimé sa
conviction voulant que ce grand parti trouve les moyens de renouer avec son
illustre passé. Il a rappelé l'histoire de cette formation politique la
présentant comme une coalition de
francophones et d'anglophones ainsi que de membres des communautés culturelles
franchement fédéralistes et nationalistes. Il a eu des mots durs envers le Parti
québécois en affirmant qu'il n'allait pas bien et qu'il méritait de ne pas
aller bien. Il faut dire qu'il n'y a jamais eu d'amours perdus entre le Parti
québécois et son chef Lucien Bouchard. Entendre cet ancien premier ministre
répéter une idée souvent émise par René Lévesque n'a pas eu l'heur de plaire
aux apparatchiks actuels du Parti québécois. Au premier chef, son chef actuel
Paul Saint-Pierre Plamondon et l'ancien chef Jean-François Lisée. Si bien que
la controverse s'est vu amplifier par une lettre ouverte adressée à Lucien
Bouchard par la sœur de René Lévesque, Alice Lévesque. Incidemment, celle-ci
est aussi la mère de l'actuelle directrice de cabinet de Paul Saint-Pierre Plamondon,
madame France Amyot. Un petit monde tricoté serré qui s'est offusqué au sujet
de paroles disant des évidences et surtout reprenant mot pour mot la pensée de
René Lévesque sur les partis politiques.
René Lévesque et le Parti québécois
Ce n'est pas d'hier que l'on peut constater des relations
difficiles entre le Parti québécois et ses chefs. René Lévesque n'a pas fait
exception avec ses passes d'armes régulières avec les purs et durs de son parti
autour de l'enjeu concernant l'article 1 du programme du Parti québécois
qui voulait faire du Québec un État souverain. Il faut aussi rappeler les
colères de René Lévesque sur la préservation des droits des minorités et son
allergie à la gauche de son époque. René Lévesque était un homme politique
pragmatique et en communion avec son peuple. Loin de lui les aventures
utopiques. Il a aussi eu des relations tourmentées avec les partis politiques.
D'abord, avec le Parti libéral du Québec qu'il a quitté en 1966, incapable de
faire partager son idée de souveraineté-association. Une lecture des manchettes
politiques de 1970 à son départ de 1984 témoigne éloquemment des relations
difficiles entre René Lévesque et le parti québécois. Pas étonnant que le
principal intéressé ait un jour écrit et je cite dans le texte : « Pour moi, tout parti politique n'est au
fond qu'un mal nécessaire, un de ces instruments dont une société démocratique
a besoin lorsque vient le moment de déléguer à des élus la responsabilité de
ses intérêts collectifs. Mais les partis appelés à durer vieillissent
généralement assez mal. Ils ont tendance à se transformer en églises laïques
hors desquelles point de salut et peuvent se montrer franchement
insupportables. À la longue, les idées se sclérosent et c'est l'opportunisme
politicien qui les remplace. »
Ces propos
tirés de ses mémoires publiés en 1986 étaient plus durs encore que ceux tenus
par Lucien Bouchard dans son entrevue avec Patrick Roy. On ne peut pas
prétendre que monsieur Bouchard a exagéré la pensée de celui dont il veut
célébrer la mémoire. C'est pourquoi je suis d'avis que le Parti québécois par
ses anciens chefs ou par ses militants actuels a instrumentalisé la célébration
de ce personnage marquant de notre histoire à des fins de politiques
partisanes. Pour moi, cela est inacceptable. Le Parti québécois doit se
rappeler que René Lévesque appartient à l'histoire du Québec d'abord et avant
tout et pas au Parti québécois. Les sautes d'humeur des apparatchiks péquistes
ont en quelque sorte jeté un ombre sur les événements de l'année René Lévesque.
Le Québec a besoin de se rappeler René Lévesque, mais n'a rien à faire des
péquisteries mises en œuvre à des fins partisanes...