Il n'y a pas de doute possible. La campagne électorale fédérale s'est bel et bien amorcée avec l'ouverture de la nouvelle session parlementaire à Ottawa la semaine dernière. Cette semaine, ce sera aussi la reprise des travaux à l'Assemblée nationale du Québec. Ce qui s'y passera aura, à coup sûr, de l'influence sur l'actuelle campagne électorale canadienne. Que l'on pense à la revendication de la déclaration de revenus unique, à la modification des règles en matière d'immigration, à la demande de Québec pour une juste compensation pour les réfugiés illégaux ou encore à la question des signes religieux.
Tout est en place pour une collision entre la vision des libéraux de Justin Trudeau et celle des caquistes de François Legault. Le Québec constitue un terrain électoral fondamental pour la prochaine campagne électorale fédérale. C'est vraisemblablement dans les circonscriptions du Québec que sera décidée l'identité du prochain gouvernement canadien et de son statut minoritaire ou majoritaire. Pleins feux sur les balbutiements de la prochaine élection au Canada.
Bilan du gouvernement Trudeau
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau traverse présentement des moments troubles. Sa politique étrangère est mise à mal. Jamais nos relations n'auront été si mauvaises avec la Chine, l'Inde, l'Arabie saoudite, la Russie et même avec les États-Unis où l'imprévisible président Trump rend tous nos efforts de bons voisinages inutiles. Que ce soit la faute des politiques du gouvernement Trudeau ou d'un alignement particulier des planètes, le résultat est le même. Il se dégage une impression d'amateurisme du gouvernement Trudeau en matière de politique étrangère. Il est vrai que ce ne sont pas les questions de politiques étrangères qui deviendront les enjeux de la campagne électorale, bien que cette fois la situation offre un contraste marquant avec le Canada Is Back!, lancé par Justin Trudeau aux premiers jours de sa prise de pouvoir.
Si la politique étrangère canadienne n'est vraisemblablement pas l'enjeu de la prochaine élection, les promesses brisées de Justin Trudeau risquent-elles de l'être? La plus importante promesse brisée de ce gouvernement est celle concernant la réforme du mode de scrutin. Il y a aussi celle liée à l'environnement. Malgré la volonté du gouvernement Trudeau d'imposer une taxe sur le carbone partout au Canada où les provinces n'ont pas un système équivalent, le gouvernement de Justin Trudeau a, aux yeux de plusieurs, failli dans sa tâche de faire mieux que le gouvernement Harper en matière de luttes contre les changements climatiques. L'achat du pipeline Trans Mountain à la compagnie Kinder Morgan vient colorer les perceptions des Canadiennes et Canadiens sensibles aux questions environnementales. D'un côté, le gouvernement Trudeau a contre lui les opposants au pétrole et les gens de l'ouest qui ne carbure qu'à cette énergie fossile.
Sur la question du contrôle du déficit, là aussi le gouvernement de Justin Trudeau a failli à sa promesse de revenir à un budget équilibré, ce qui fera les choux gras des conservateurs d'Andrew Scheer qui se draperont dans les habits des champions de la responsabilité fiscale. Sur le fond, il n'y a pas de vrais problèmes avec les déficits puisque celui-ci diminue d'année en année par rapport au PIB et nous présentons une situation nettement avantageuse eu égard aux autres pays du G7 et du G20 en matière de dettes et de déficits.
Un paysage politique remodelé
Ce qui risque d'être plus problématique pour Justin Trudeau et ses candidats c'est l'effondrement du vote libéral dans l'Ouest canadien. Jamais depuis longtemps le sentiment anti-Québec n'aura été aussi présent chez nos compatriotes de l'Ouest canadien. Ce qui pourrait bien se traduire par un vote anti-Justin Trudeau parce qu'il est du Québec. Dans une moindre mesure, on retrouve aussi ce sentiment dans les provinces de l'est où la droite progresse et où le sentiment anti-francophone n'a jamais été aussi vivace. L'exemple du Nouveau-Brunswick ne pourrait mieux illustrer notre propos à cet égard. Le nouveau gouvernement conservateur, soutenu par une poignée d'orangistes anti-francophones, déteste tellement le fait français qu'il a annulé l'organisation des Jeux mondiaux de la Francophonie que cette province avait réussi à obtenir de justesse contre la candidature du Québec et de la Ville de Sherbrooke.
Outre ces phénomènes, il y a aussi toute la question de la renaissance du Bloc québécois sous le nouveau leadership d'Yves-François Blanchet. Sa bouille sympathique, son propos modéré, mais manifestement souverainiste pourrait séduire au moment où le Canada n'a jamais autant manifesté son désamour envers le Québec. Le gouvernement Trudeau perdra à coup sûr des sièges dans l'ouest et dans l'est du Canada et l'Ontario de Doug Ford sera moins généreux en sièges.
Reste le Québec...
Que disent les sondages récents ?
Le dernier sondage réalisé par Mainstreet du 12 au 17 janvier 2019 indique que l'avance du Parti libéral (PLC) dans les intentions de vote fédérales des Canadiens a fondu de quelques points depuis novembre dernier.
À près de neuf mois des élections générales, Mainstreet accorde 37 % de la faveur populaire au PLC, 35 % au Parti conservateur (PCC) et 11,5 % Nouveau parti démocratique (NPD). Au Québec, les libéraux sont en avance avec 42 % des appuis, comparativement à 19 % pour les conservateurs, 13,5 % pour le Bloc québécois (BQ) et 9 % pour le NPD. Le Parti vert (PV) a la faveur de 7,2 % de l'électorat comparativement à 4,2 % pour le Parti populaire du Canada (PPC).
Le résultat de ces sondages semblent indiquer que partout au Canada la lutte sera serrée entre les libéraux de Justin Trudeau et les conservateurs d'Andrew Scheer et que c'est au Québec que tout se décidera pour l'identité et le statut minoritaire ou majoritaire du prochain gouvernement du Canada.
Le Québec de François Legault
Or, le Québec a changé depuis la dernière élection. Les Québécoises et les Québécois se sont donné un nouveau gouvernement franchement nationaliste qui a des revendications auprès du gouvernement canadien. François Legault et son gouvernement sont encore en pleine lune de miel avec l'électorat du Québec. Ce qui vient favoriser un discours électoral libéral plus conciliant avec les revendications du Québec. Là où le bât blesse cependant c'est que le discours et les orientations idéologiques du gouvernement Legault sont aux antipodes des valeurs de Justin Trudeau et du gouvernement libéral. Pour Justin Trudeau, le Québec n'est pas une nation distincte et sa vision multiculturelle d'un Canada postnational viendra heurter de plein fouet l'électorat québécois de Legault et de la CAQ.
Pourtant, François Legault dans les circonstances politiques actuelles au Canada est le meilleur allié de Justin Trudeau. C'est un peu la quadrature du cercle. Quoi qu'il en soit, la prochaine élection fédérale sera palpitante. Il sera intéressant de voir comment Justin Trudeau et ses troupes libérales résoudront le cube de Rubik électoral québécois. Il demeure cependant que pour la prochaine élection, le Québec sera le champ de bataille de Justin...