L'expression consacrée « cadeau de Grec » signifie
un cadeau empoisonné. Tiré de l'histoire du Cheval de Troie employé par les Grecs
lors de la guerre de Troie lorsqu'Ulysse et Achille voulaient délivrer la belle
Hélène. Le subterfuge employé par Ulysse et ses compagnons pour rentrer dans
Troie a été de cacher des guerriers dans un grand cheval de bois offert aux
Troyens.
On ne sait si cette histoire est vraie, nous sommes
cependant convaincus que le peuple grec a une grande histoire et que c'est à
eux que nous devons la démocratie telle que nous la connaissons aujourd'hui
dans la plupart des pays occidentaux. Nous leur devons aussi de grands
philosophes qui sont à la base encore aujourd'hui de nos sciences et de notre
compréhension du monde.
Aujourd'hui encore, le peuple grec se rappelle à nos bons
souvenirs en ayant rejeté massivement la proposition des créanciers par plus de
60 % des voix lors d'un référendum tenu sur cette question dimanche
dernier. Par ce vote massif contre la proposition de l'Europe sous le
leadership agressif de l'Allemagne, les Grecs font le pari de refuser
l'austérité qu'on voulait lui imposer quitte à sortir de l'Union européenne.
Les Grecs nous donnent-ils encore aujourd'hui une grande leçon d'histoire à
nous les Occidentaux?
La crise
financière de 2008 et les ennuis de l'Europe
La crise des finances de la Grèce tient à un mensonge. Celui
d'une grande Europe qui en échange du fantasme d'États de droits régis par les
droits et libertés des individus et aux comptes publics équilibrés selon des
règles édictées par l'Allemagne. Ainsi, tous les pays qui ont adhéré à l'Euro
doivent avoir des budgets équilibrés autant que possible, les déficits ne
doivent pas dépasser un certain pourcentage. En échange, les Grecs comme les
autres partenaires ont le bonheur de vivre dans la zone euro et peuvent faire
affaire partout à l'intérieur de cette zone sans contraintes de mouvements des
personnes, des biens et sans frais de douanes. L'Europe est maintenant une
immense zone de libre-échange où on a promis à tous les membres signataires que
cela fera de leurs citoyens des gens plus riches.
Si pendant un temps, cela a semblé donner de bons résultats,
la crise financière de 2008 est venue rappeler les gens à l'ordre. L'insécurité
des marchés financiers s'est étendue à l'Europe. La crise financière mondiale a
révélé des économies plus fragiles dans ce grand ensemble. L'un de ces pays fragilisés
est la Grèce.
L'austérité
allemande...
Devant cette situation, les grands financiers de la planète
se sont réunis et l'Europe sous le leadership de la chancelière allemande,
Angela Merkel, a imposé à la Grèce un programme d'austérité qui a eu des
résultats très mitigés et qui a mis la Grèce sens dessus dessous avec en prime
une hausse effarante de l'inflation et du chômage. La population grecque en a
beaucoup souffert et elle en souffre encore.
En échange de cette austérité imposée, les partenaires de la
Grèce l'ont sauvé de la faillite et lui ont prêté beaucoup d'argent. Malgré la
volonté de la classe politique, les mesures d'austérité n'ont pas obtenu la
faveur de la population grecque. Les Grecs se sont mobilisés et cela a mené à
une grave crise politique.
Cette crise politique a été en quelque sorte résolue par
l'élection d'un gouvernement de gauche. Le chef de la gauche radicale Aléxis
Tsipras avait alors promis de mettre fin à cinq années d'austérité. Cinq ans
d'humiliation et de souffrances imposées par les créanciers internationaux de
la Grèce.
Une fois élu, le nouveau premier ministre Aléxis Tsipras a
eu beaucoup de difficultés à tenir parole. Il a négocié et fait des compromis
avec les créanciers internationaux de la Grèce, mais ceux-ci en ont trop exigé.
Ils n'ont pas laissé d'oxygène à Aléxis Tsipras et à son gouvernement qui commençait
à subir les foudres de la critique à sa gauche tout en étant conspué à droite.
Tsipras a mis fin aux négociations et a décidé que c'est au peuple grec de dire
oui ou non aux créanciers internationaux de la Grèce. C'est ce qu'on fait les
Grecs et ils ont rejeté à 61 % la proposition des créanciers de la Grèce.
C'est une grande victoire pour la démocratie grecque et une dure défaite pour
l'Europe des bureaucrates et des financiers. Le peuple grec vient de sonner la
fin de la récréation des programmes d'austérité budgétaire néo-libéraux.
Quel avenir
pour la Grèce et l'Europe?
Au moment où j'écris cette chronique (dimanche en fin
d'après-midi), il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences du résultat
du référendum perdu par l'Europe et gagné par les Grecs. Certains prédisent
l'exclusion de la Grèce de la zone euro, d'autres prédisent des jours sombres pour
l'économie grecque, mais tous conviennent que cette crise doit trouver une
solution négociée avec les Grecs.
Cette volonté courageuse des Grecs de prendre part au débat
vient aussi rappeler que l'idée, généreuse a priori, de construire une grande
Europe où s'effaceraient les coutumes et les traditions nationales au nom de
promesses d'un bien-être pour tous, a du plomb dans l'aile.
Les Grecs par la force de leur vote dans un geste
démocratique sacré ont dit non à l'austérité. Ils ont aussi résisté aux menaces
d'être exclus de l'Europe s'ils refusaient de consentir aux mesures proposées
par les créanciers internationaux. Le peuple grec rappelle à tous qu'au-delà
des enjeux financiers importants, il y a des humains et que ceux-ci doivent
être pris en compte dans toute solution proposée pour sortir de la crise. On ne
peut pas impunément sacrifier la vie de milliers d'êtres humains sur l'autel du
néo-libéralisme financier. Les Grecs ont raison de choisir leurs vies plutôt
que la zone euro. C'est pourquoi le résultat du référendum de dimanche en Grèce
n'est pas à proprement parler un cadeau de Grec, mais plutôt un cadeau des
Grecs à l'Humanité. Un cadeau de Grec pour que l'on puisse tous se rappeler
qu'outre l'argent il y aussi la dignité...