Les événements qui nous dépassent commandent un coupable.
C'est comme ça. Quand une chose grave se produit, il faut minimalement trouver quelque chose qui l'expliquerait. Quelque chose qui servirait de réflecteur chargé de nous faire accepter la dure réalité. Puis, ça prend un coupable pour canaliser le déni, la colère et la peine que l'événement implique. On est comme ça. C'est humain. C'est tout. Pas grand-chose à dire de plus.
L'accident de Drummondville a été vécu comme une onde de choc sur le territoire du Québec. Une tragédie visiblement évitable, mais une tragédie survenue quand même. Quatre jeunes hommes périssent. Ils laissent des marques profondes, des crevasses dans la vie des gens de leur entourage que le temps ne remplira jamais complètement.
Dès que l'accident est devenu une manchette médiatique, on s'est attardé à trouver, minimalement, quelque chose pour expliquer ce qui est arrivé. La boisson, la témérité, l'état mécanique du bolide, l'état de la route, etc. Dans ce cas-ci, la réponse n'est pas évidente. Sauf pour la vitesse. Peu importe le reste, on sait que le véhicule allait trop vite.
Voilà donc qu'une porte s'entrouvre pour attaquer le deuxième aspect : trouver un coupable pour canaliser la colère, la peine, le déni. Dans un cas comme ça, la valse des reportages n'en finit plus et à peu près tous les angles sont exploités. Du coroner au voisin, tout le monde témoigne à chaud et y va de son commentaire sur les événements. Les questions des journalistes se font assez pointues pour solliciter un état d'âme qui fera que tel reportage sera plus percutant que l'autre. On fait donc dans la surenchère des sentiments.
J'ai tout entendu cette semaine. Le couvre-feu que devraient respecter les jeunes de moins de 25 ans. A-t-on idée de rouler, à cet âge, à 3 h 30 du matin? Ou bien, on fait comme ailleurs et on interdit à un jeune chauffeur d'avoir des passagers. Personne pour challenger le jeune homme, ce qui diminue le danger. Les voitures plus âgées devraient aussi être retirées de la route automatiquement. Et pourquoi pas un dispositif qui coupe la vitesse de lui-même pour les jeunes de mois de 25 ans.
J'ai entendu ou lu tout ça. Et bien d'autres choses encore. Mais je cherchais toujours le vrai coupable.
Le hasard m'a mené au commentaire de Claude Poirier. Je crois que c'était mardi. Juste après une publicité qui répétait que TVA, c'est vrai, Poirier se déchaîne et raconte que des gens, sur sa boîte vocale, dénoncent l'accident et trouvent épouvantable que rien ne soit fait. Au moment où je me demandais qui pouvait bien quoi dans pareille situation, voilà qu'il se met à japper la fin de son commentaire disant qu'« il est grandement temps que le gouvernement mette ses culottes pour que ça arrête ». J'avoue que j'étais sans voix. J'étais dépassé par la nullité du commentaire.
Le gouvernement ne peut rien faire au fait que chacun, à sa manière, fait ses expériences, ses erreurs. Presque toujours, elles sont sans conséquence. Parfois, celles-ci sont énormes. Mais la multiplication des règlements pour tout régler ne réglera, justement, rien à ça. Je ne souhaite pas qu'on impose le port d'une armure pour faire du vélo parce des jeunes se font frapper. Je ne souhaite pas qu'on impose le port du casque et de la ceinture de sauvetage pour se baigner dans la piscine familiale parce qu'un jeune s'est cassé le cou en plongeant. Et ainsi de suite...
On ne peut régir le cours de la vie. Il n'y a pas de solutions à ça. Il faut se contenter d'avoir de l'empathie et de penser aux parents et amis. Et leur souhaiter bonne chance.
Moi, je retiens trois choses de cette affaire : d'abord, qu'il s'agit d'une tragédie et que notre seule utilité réside dans le réconfort qu'on peut apporter aux proches. Puis, que certaines façons de faire ses expériences comportent effectivement des risques dont il faut continuer de parler. Et, finalement, que certains commentateurs ont beaucoup trop de temps d'antenne en période de grande écoute pour ce qu'ils sont capables de livrer de façon intelligente et intelligible.
10-4.
Clin d'œil de la semaine
Je rentre à peine des Maritimes en voiture. Je repense aux détails du trajet, et je me dis que la devise du Canada devrait être changée pour « D'un Tim à l'autre »