Je suis un peu troublé par toute cette grève étudiante.
Je vois des centaines de milliers d'étudiants qui marchent dans la rue, de façon posée et organisée. Il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître, qu'on soit d'accord ou non, que leurs arguments sont solides et qu'ils sont bien expliqués.
J'écoute la ministre Beauchamp qui infantilise les étudiants un peu plus à chacune de ses interventions. Gentille, elle leur fait prendre conscience qu'ils retardent leur session. Franchement, je crois qu'ils avaient remarqué, Madame...
Ce qui surprend, c'est que les partisans des hausses des frais sont hargneux et souvent, très impatients et colériques. Le camp adverse est plus calme et défend mieux ses arguments. Vraiment mieux.
Mais ce qui me trouble, ce n'est pas ça, en fait.
Mon trouble en est un que je n'avais pas vécu depuis longtemps. C'est comme si, en dedans de moi, quelque part, il y avait un petit début de bouillon d'espoir. D'espoir en demain. D'espoir que les choses peuvent changer.
Ce que je ressens, c'est que la grève des étudiants n'est pas que la grève des étudiants. C'est la grève qui matérialise un ras-le-bol envers un système qui est en train de faire faillite.
C'est la grève des gens qui croient que les choses peuvent se faire autrement.
C'est la grève de ceux qui ont le goût de mettre des valeurs en premier plan. Des valeurs de solidarité, d'équité des chances et de respect. Respect des gens. Et de l'environnement.
Faire autrement, ça ne veut pas dire tout défaire d'un coup. Ce serait un suicide collectif. Ça veut dire revoir les priorités selon des valeurs nouvelles.
L'argent n'est pas une valeur. C'est une unité de mesure. Essentielle, mais unité de mesure quand même. Quand on parle de la valeur de l'argent, on parle de la valeur marchande de l'unité. Pas de valeurs sociales.
Dire qu'il n'y aucun autre moyen de faire les choses que d'augmenter les frais de scolarité, affirmer que les étudiants n'ont qu'à boire moins de bière et de renoncer à leur téléphone cellulaire ou à leur ordinateur portable, c'est dire n'importe quoi, sans réfléchir.
Depuis une trentaine d'années, nous nous engouffrons dans une société de consommation jamais vue. Une quête de biens matériels qui a endetté personnellement et collectivement les citoyens de façon exponentielle. On a aussi pris une sérieuse hypothèque sur l'environnement, par le fait même.
Comme on va demander aux générations qui viennent de ramasser les pots cassés, il me semble qu'il serait sage de s'assurer qu'ils disposent de toutes les connaissances et de tous les moyens de se donner une conscience collective. L'éducation est donc une priorité.
La somme d'argent qu'on demande aux étudiants est une goutte d'eau dans l'océan du budget du Québec*. Mais c'est une vague déstabilisante dans l'étang de l'étudiant.
Clin d'œil de la semaine
Principe : quand on vous annonce votre noyade à l'avance, la moindre des choses est de s'assurer que le lifeguard est bien formé...
*.003% du budget annuel. (265 millions (à terme) sur 84,5 milliards (budget total 2011). (source IRIS - Institut de recherche et d'information socio-économique