C'est Guy Ouellet qui m'a mis l'image en tête dans un courriel plus tôt cette semaine. « Si les islamistes peuvent imposer le port du voile, serions-nous taxés d'intégrisme si l'on exigeait le port du t-shirt pour les gars en bédaine sur la voie publique ? » Je vais plus loin, l'idée étant semée, et je me demande si l'on ne devrait pas imposer le port du tchador aux gars en bédaine qui déambulent en Speedo sur la plage.
On peut bien rire. Le port du voile est un élément culturel qui nous est externe. Pas menaçant.
Chez nous, on privilégie la transparence. C'est connu.
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Au moment d'écrire ces lignes, le gouvernement de Stephen Harper vient de décréter, par voie légale, le retour au travail des travailleurs de Postes Canada. Le débat a été long. Houleux. Parsemé de tout ce qui pouvait se faire, de la part de l'opposition officielle, pour allonger les travaux.
L'image du voile m'est revenue quand Harper a commenté la fin du long débat. Il a parlé du processus démocratique comme d'un « délai inutile ». Notre premier ministre s'est dit « heureux malgré tout que les Canadiens puissent avoir de nouveau accès à leur service postal, tout particulièrement les petites entreprises et les organismes caritatifs».
Le voile. Il est là. Pas visible, mais bien là.
Il est devenu inutile de débattre en Chambre puisque le gouvernement est majoritaire. Et, comme pour en remettre, Harper continue en disant : «Nous savons maintenant de quel côté la population penchait et je pense qu'aujourd'hui, les députés qui siègent de l'autre côté à la Chambre des communes ont compris le message.» Il parlait aussi d'un mandat fort reçu le 2 mai dernier.
Mandat fort... C'est un peu fort, mais bon...
Le voile est partout dans les propos de Harper : on répète les mots mandat fort pour créer la perception que le mandat est plus fort que celui reçu. Le voile est aussi dans ce bout de phrase : surtout les organismes caritatifs. Qui, en effet, peut être contre les organismes caritatifs? Le voile est là aussi, sous des airs de Papa a raison, alors qu'on connaît mieux les affinités de Harper avec les grandes entreprises. Mais c'est politiquement moins correct d'en parler. Mieux vaut se réfugier derrière les organismes caritatifs.
Fort de ce voile de vertus énoncées fièrement, Harper lève finalement le voile et dit croire que l'opposition a compris le message.
Quel message, monsieur Harper?
Que l'opposition en Chambre est inutile? Que les débats constituent une vulgaire perte de temps? Que vous êtes un ambassadeur humanitaire pour les organismes caritatifs? Que les syndicats des employés du secteur public peuvent aussi bien se dissoudre eux-mêmes, puisqu'une loi tombera automatiquement dès le premier refus?
Quel message, monsieur Harper?
On a le voile bien plus présent qu'on pense dans notre société. Le voile des paroles fabriquées par des équipes spécialisées pour enrober la vérité d'un sirop de vertus qui la rend facile à avaler. Le voile de l'image qui masque ou qui intimide.
Ce voile m'achale beaucoup plus que celui que je croise autour du visage d'une citoyenne culturellement différente.
Clin d'œil de la semaine
Il n'y a visiblement plus d'obstacle sur la route de Harper : « Toutes mes idées vont passer comme une lettre à la poste... »