Grenouille, la rainette faux-grillon vit des jours sombres.
Elle fait partie de l'une des espèces les plus menacées de disparaître. Elle
est avec de nombreuses espèces au cœur des débats des gouvernements du monde
entier qui sont tous réunis à Montréal du 7 au 19 décembre 2022 dans le
cadre de la 15e Conférence des parties (COP 15) à la
Convention sur la diversité biologique.
Les participants chercheront alors à s'entendre sur de
nouveaux objectifs et mettre en œuvre un plan d'action pour la nature qui vise
à sauver les espèces vivantes menacées par l'action des femmes et des hommes
qui menace la diversité de la vie sur cette planète. On peut bien hausser les
épaules devant le sort de la grenouille, notre petite rainette faux-grillon,
qui peine à survivre parce que nous détruisons allégement son habitat naturel
par nos projets de développement, il n'empêche que l'heure est grave pour Gaia
et ses habitants de toutes espèces. La jeunesse du monde entier crie son
indignation et les gouvernements tardent à agir. Chronique sur une catastrophe
annoncée.
Les défis :
Un
million d'espèces est menacé d'extinction et 75 % des espaces naturels
altérés par des activités humaines. En 40 ans, nous avons perdu 60 %
des animaux sauvages sur la terre et 40 % des insectes sont en déclin mondialement. Les activités humaines sont en cause : expansion des
terres agricoles et urbanisées, pêche, chasse, récolte de bois, réchauffement
climatique, pollutions, espèces invasives, etc. Les
pesticides ont tué 70 % des insectes pollinisateurs dans certaines zones.
Cela met directement en péril l'agriculture. La déforestation détruit les
habitats naturels et participe au réchauffement du climat. Cela ne semble pas suffire à convaincre les gouvernements
d'agir.
Nous
sommes embourbés dans des considérations de croissance économique et de
sauvegarde des emplois alors que nous les citoyennes et les citoyens sommes
dubitatifs devant ces débats qui nous semblent surréalistes, entre autres vus
du Québec, où la nature est omniprésente et abondante dans nos vies. Ce sont
des considérations économiques et d'emplois qui empêchent les gouvernements de
prendre le taureau par les cornes et de faire ce qui doit être fait pour préserver
cette planète et les espèces vivantes. Le Québec et le Canada ne sont
malheureusement pas des gouvernements exemplaires.
Demeurer immobile
En dépit
des annonces de plans se chiffrant à plusieurs millions de dollars des premiers
ministres Justin Trudeau et François Legault, il se dégage un sentiment
d'impuissance et d'inaction de nos gouvernements devant le défi de la
préservation de notre planète et des diverses espèces qui y vivent. On ne peut
s'étonner de l'impatience de la jeunesse qui manifeste dans les rues de
Montréal. Les grandes messes comme celle de la COP 15 ne récoltent plus
autant d'attention qu'avant et pourtant nous devons réussir à atteindre les
objectifs mis de l'avant par les Nations-Unis : mise en place de zones protégées sur 30 % du globe,
restauration de 20 % des espaces dégradés et diminution des subventions
néfastes à la biodiversité comme celles qui financent le recours aux pesticides
dans l'agriculture ou la pêche industrielle. Nous n'avons pas le droit
d'échouer. Nous le devons à nos enfants et nos à petits-enfants. L'ancien
président de la France, Jacques Chirac avait raison lorsqu'il a dit que « Dans un environnement qui
change, il n'y a pas de plus grand risque que de rester immobile. »
Il faut cesser d'imiter le
chevreuil devant les phares d'une automobile et bouger ensemble pour poser des
gestes significatifs afin d'amoindrir les effets dévastateurs de nos modes de
vie et de nos modes de produire sur les autres espèces vivantes de cette
planète.
Aux sources de
la problématique : le capitalisme
Jadis, j'ai lu
avec attention et avidité les philosophes du 19e siècle Karl
Marx et Friedrich Engels. Plus de 40 ans plus tard, je ne peux nier
retrouver une certaine actualité dans leur propos si l'on se donne la peine de
les lire avec intelligence. La contribution d'Engels à notre compréhension du
problème écologique d'aujourd'hui demeure indispensable.
Dans son ouvrage
sur La dialectique de la nature, Engels permet d'appréhender, grâce à ses
enquêtes approfondies sur le métabolisme universel de la nature, que les crises
écologiques soient enracinées dans la nature aliénée des relations sociales
capitalistes. Il est clair que le travail d'Engels permet de mieux comprendre
et de clarifier les défis majeurs auxquels l'humanité est confrontée à l'époque
de l'anthropocène et de l'actuelle crise écologique.
Dans son grand
ouvrage, La Condition de la classe
ouvrière en Angleterre, Engels,
alors qu'il avait tout juste la vingtaine, s'est concentré sur les conditions
environnementales et épidémiologiques destructrices de la révolution
industrielle dans les grandes villes manufacturières, en particulier
Manchester. Il a souligné les conditions écologiques horribles imposées aux
travailleurs par le nouveau système industriel : pollution, contamination
toxique, détérioration physique, épidémies périodiques, mauvaise nutrition et
mortalité élevée de la classe ouvrière, toutes associées à une exploitation
économique extrême.
La condition de
la classe ouvrière en Angleterre reste unique étant donné sa puissante mise en
accusation du « meurtre social » infligé par le capitalisme à la population au
moment de la révolution industrielle. Vous direz, c'était au 19e siècle.
C'est vrai, mais aujourd'hui, sous des habits différents, nous assistons aux
mêmes dynamiques. Ce qu'il faut retenir de la contribution de Friedrich Engels
c'est sa contribution critique de la notion de la conquête humaine absolue de
la nature. Engels avait puissamment diagnostiqué l'incapacité de la société
humaine, et en particulier du mode de production capitaliste, à prévoir les
conséquences écologiques de ses actions, traçant « les effets des conséquences
physiques indésirables de l'interférence humaine avec la nature, telles que la
coupe des forêts et la propagation des déserts. » L'écologisme n'est pas
soluble dans le capitalisme à moins d'en transformer profondément la nature. On
s'entend, ce n'est pas demain la veille...
L'espoir
Faut-il
désespérer de ne plus pouvoir espérer ? À quoi s'attendre de cette COP 15
sur la diversité climatique ? Peu de choses je me sens obligé d'écrire, car les
forces en présence sont inégales et notre impuissance relative devant les
grands détenteurs de pouvoir de ce monde semble se vérifier quotidiennement
dans divers aspects de nos vies. Pourtant comme l'a dit Sénèque : « Il faut cesser d'espérer (et de
désespérer) pour atteindre la tranquillité de l'âme ! Telle est la
recommandation de Sénèque, pour qui l'espérance et la crainte sont toutes deux
filles de l'incertitude, toutes
deux en attente, en souci de ce qui adviendra ». L'espoir n'a rien à perdre
quand nous n'avons plus d'espoir.
Il faut croire qu'un sursaut de lucidité parviendra jusqu'à nos
dirigeants pour qu'ils puissent non seulement s'entendre sur un plan d'action
concret et surtout, pour que des actions énergiques soient prises dès demain. Au
Québec, nous avons des gestes phares qui pourraient être posés sans tarder. À
tout hasard, je vous en cite deux : la préservation et la sauvegarde des
Caribous en dépit de ses effets délétères sur l'industrie forestière au
Saguenay et la désignation comme sanctuaire le joyau de la Côte-Nord que
constitue la rivière Magpie malgré nos appétences pour le développement hydro-électrique
et nos ambitions de devenir la batterie verte de l'Amérique du Nord.
Notre petite Grenouille, la rainette faux-grillon, pourra ainsi
espérer vivre pleinement des deux ou trois ans de vie sans craindre de voir ses
habitats détruits par les activités humaines. Le sauvetage de la rainette de
faux-grillon est un symbole puissant pour celles et ceux qui souhaitent que
l'on préserve le faux-grillon tout en repérant les discours des faux jetons...