Facebook est entré dans nos vies. Par la petite porte de
côté. Il s'est ensuite faufilé vers la grande porte avant et l'a ouverte, de
l'intérieur, toute grande. Ce qui fait que n'importe qui qui regarde dans ma
direction peut voir tout ce qui se passe dans ma maison. En fait, il peut voir
tout ce que je décide de laisser voir par la porte d'entrée maintenant ouverte
de la maison.
C'est ainsi qu'on se retrouve avec des crevettes en très
plan pour que tout le monde sache bien que nous sommes à tel resto.
Facebook fait partie de nos vies. Et il canalise nos
humeurs. Pas à peu près!
Vendredi dernier la tempête de neige nous frappe. À 5 h 45,
la commission scolaire de la région de Sherbrooke décide qu'il y aura de
l'école. Je suis dehors à ce moment-là et je me dis. « Ben oui, pourquoi
pas... » L'heure qui suit démontrera que la décision n'était pas la bonne.
Je vous propose un gros plan d'une fricassée de trucs vus et
lus sur Facebook vendredi dernier...et un peu avant! Il s'agit de trucs réels qui tendent à
démontrer que nous sommes un tantinet émotifs dans nos propos. Pour l'exercice,
je regrouperai tous les intervenants de Facebook sous le nom "Jos
Facebook". Avec un « s » à « Jos », parce qu'il y en a
plusieurs...
Quand Jos Facebook a le goût d'aller en ski, il écrit :
« Maudit hiver de marde... Pis la météo qui annonce toujours 10 centimètres
alors qu'il en tombe juste 2! Méchante gang d'incompétents! »
Et les « J'aime » affluent. Maudit que ça fait du
bien quand quelqu'un dit les vraies affaires!
Vendredi dernier, le même Jos Facebook affirme :
« Ils l'ont dit à la météo qu'il y aurait 40 centimètres de neige! C'est
quoi qu'y comprennent pas à la commission scolaire? »
Je souris.
Puis Jos Facebook revient à la charge.
« Il y a pas d'école? Y sont malades? De la folie pure!
Ils mettent la vie des enfants en danger! »
Ce commentaire est revenu des dizaines de fois. Probablement
des centaines de "J'aime". Une fois ou deux, un autre Jos Facebook
disait : « Si les enfants sont en danger de mort, il est de la
responsabilité ultime des parents de les garder à la maison. »
Pas beaucoup de « J'aime » cette fois. C'est quoi
ce raisonnement de marde-là où il n'y a aucun coupable externe? Ça prend un zouf sur qui frapper!
Vendredi dernier, je lisais tout cela et j'essayais de
comprendre le phénomène.
D'abord, comme ils annonçaient une tempête hivernale (ça, ça
me fait rire aussi. Une tempête en hiver, il me semble que ça doit être une
tempête hivernale, mais bon). Donc, comme on nous annonce une tempête, je me
disais qu'il était de notre responsabilité de prévoir un plan B dès le jeudi
soir. Et de se lever plus tôt pour constater la chose et arrimer nos actions le
matin de la catastrophe.
Jos Facebook n'a pas fait ça, je crois bien. « L'école
est ouverte, mais j'ai de quoi de très important au bureau ce matin. Je suis
dans la marde. Maudits imbéciles à la commission scolaire.» Bêtement, je me
dis : « Ben...Garde-les à la maison! ». Jos Facebook
s'explique : « Je ne peux pas et je dois quitter ». Je me dis
alors : « Ben... Si ta vie à toi (qui est parent, après tout), n'est
pas en danger et que le bureau fait en sorte que tu dois t'y rendre, dépose tes
enfants à l'école en passant. Elle est ouverte, ils vont s'en occuper,
non? »
Non. La logique ne tient plus, semble-t-il.
Jos Facebook devient sarcastique : « On est mieux
de prévoir leur pyjama dans leur sac d'école, ils vont devoir coucher
là! »
Je me dis... Si c'est si grave, garde les enfants à la maison
et fabrique le genre de journée pyjama-films-chocolat chaud et popcorn» dont ils
vont parler plus tard. La DPJ ne débarquera pas pour t'enlever tes enfants
parce que tu considérais qu'il était périlleux de les faire prendre l'autobus...
Oui, je sais, en disant cela, je me fais une cible parfaite
pour recevoir un char de marde blanche!
Dans tout cela, une chose me fait sourire et une autre me
désole.
Je souris quand j'imagine la situation suivante: je me
retrouve dans le trouble, un matin. Peu importe le trouble. Je suis ado et mon
réflexe, en lien avec la situation que je vis, c'est de vomir ma frustration
sur Facebook. Je ne peux imaginer cette situation sans avoir l'image de ma mère
qui me regarde, l'air sévère : « lâche ton Facebook, pis trouve une
solution »
Mais ce petit sourire amène une désolation immédiate.
Jos Facebook n'a jamais (en tous les cas dans les centaines
de commentaires que j'ai lus), proposé un geste de solidarité, si petit
soit-il.
Jos Facebook n'a jamais dit : « Si ça peut te
dépanner, j'ai un 4X4 et je peux amener les enfants à l'école » ou un
« Si ça peut t'aider, amène-moi les enfants, on habite proches, je vais
m'en occuper. »
Non, rien de cela.
Après tout, les voisins, on ne les connaît pas. Ou ils ne
sont pas nos amis sur Facebook.
Et je risque un sarcasme à un mon tour : nous sommes à
une époque où dire les vraies affaires (comme « gang d'imbéciles à la
commission scolaire ») est bien plus important que de s'aider mutuellement.
Facebook, c'est un paquet de petites solitudes qui ont l'impression
de socialiser.
Je prédis ceci, en terminant : nous serons encore
déjoués par Dame Nature. Ça fait partie de notre climat. En hiver, il y a des
tempêtes hivernales. Autant essayer de s'y faire.
La commission scolaire n'a, au final, pas pris la bonne
décision. Souhaitons-leur seulement que l'extraordinaire sagesse des
communautés Facebook et lignes ouvertes les éclairent dans leurs décisions!
Clin d'œil de la semaine
Heureusement, il y avait les bulletins de nouvelles, le
soir : « Bonjour monsieur, il a neigé beaucoup, non? »
« Oui, ça fait deux fois que j'ouvre ma cour ». Voilà, nous étions
vraiment en danger de mort.