Dans la bouche de Juvénal, le propos était sarcastique un brin. Au fond (et c'est mon interprétation bien libre de la chose), Juvénal dénonçait le cynisme des Romains en déclarant que tant que le peuple avait de quoi manger et se divertir, il ne s'occuperait pas trop de la chose publique. Ajoutez la notion de luxe personnel, et vous avez pas mal la même chose de nos jours.
Évolution, quand tu nous tiens !
La satire m'a pourtant interpellé sur l'autoroute 20, samedi matin, en passant tout près du camping Ste-Madeleine. Peut-être suis-je hautain ou trop satirique, mais toujours est-il que je n'arrive pas à me convaincre qu'on puisse ressentir le besoin de se coller, roulotte à roulotte, à quelques centaines de mètres du bitume, dans un espace bercé par le bruit incessant des véhicules circulant à vive allure.
Mais bon, comme un mauvais souvenir, la vue du camping s'est éloignée de ma vue et de ma tête alors que l'asphalte se déroulait devant nous avec un objectif précis : le stade olympique de Montréal. Le baseball nous invitait. Nous faisions partie des plus de 52 000 personnes ayant entendu le même appel.
Le baseball. Doux souvenirs des Expos
Je me suis demandé si je devais faire un lien avec la phrase de Juvénal. Du pain et des jeux?
Le sarcasme a fait bien vite place au bien-être. Pas le bien-être social, le bien-être personnel !
Plus jeune, au volant de ma rutilante Honda Civic 1976 (laissez-moi enjoliver mes souvenirs !), je me rendais au stade olympique avec des amis. On voyageait à 4 dans une voiture toute petite, sans carte de débit ni carte de crédit, quelques dollars en poche à peine... C'était en 1980, ou à peu près. Il en coûtait 8 $ dollars pour faire le plein. Une insouciance heureuse nous berçait. Le plaisir comptait plus, à ce moment, que la pensée d'éventuels pépins en route.
Il faut dire qu'à l'époque, j'exprimais ma passion du baseball des Expos jusqu'à écouter religieusement les matchs à la radio. J'ai souvent allongé mes déplacements de plusieurs kilomètres en région pour savourer le récit radiophonique des dernières manches d'un match. Jacques Doucet et Claude Raymond étaient mes accompagnateurs. Les meilleurs, dans mon livre à moi, comme qu'on dit...
Samedi, j'ai revécu le plaisir du stade, l'ambiance, le rythme lent qui cache de grandes intensités par courtes séquences. Le baseball n'a aucun lien de parenté avec le hockey. Mais j'aime ces cousins éloignés très fort, mais pour des raisons très différentes.
Le « take me out to the ball game » de la 7e manche a rallié des dizaines de milliers de voix dans un chant heureux. Juste heureux d'être là, de savourer le moment.
Était-ce pure nostalgie? Il y en avait peut-être un peu. C'est sûr. Mais il y avait plus. Le stade olympique n'est pas le meilleur endroit pour voir un match de baseball. Les gradins ne sont pas assez escarpés pour permettre une proximité adéquate au terrain. Trop grand et trop étendu. Mais à 52 000 personnes, l'atmosphère y était quand même.
Alors, ma question initiale revient : sommes-nous dans le sarcasme du pain et des jeux? Je ne crois pas. En fait, je crois que les lieux de rassemblement autres que virtuels sont essentiels pour une société. Le fait de se retrouver, toutes couleurs et saveurs confondues, dans un même lieu, à applaudir la même chose, voilà qui n'est pas mauvais. C'est même bien!
Je continue de croire aux bienfaits de ces rencontres sportives. Le climat social est moins lourd quand les Canadiens vont en séries de fin de saison ou quand les Expos portaient les espoirs bien haut. Quand, en fait, on porte une passion commune.
Et je crois aussi que ce bienfait collectif ne nous déconnecte pas de nos responsabilités quotidiennes. En fait il s'agit d'un répit salutaire qui redonne une énergie au passage.
Le retour des Expos à tout prix ? Non. Pas à tout prix.
Alors, le retour des Expos ? Ah! Oui, sans l'ombre d'un petit doute...
Clin d'œil de la semaine
Il faudra peut-être revoir certains prix. Un verre de bière à 9,75 $ et un hot-dog à 6,75 $, c'est dispendieux. Ce sera plutôt des jeux sans le pain...