Il n'y a pas plus sourd qui ne veut pas entendre dit le
vieil adage. Cela caractérise très bien l'actuel dialogue entre l'Union des
municipalités du Québec (UMQ) et le gouvernement de monsieur Legault. Les
médias ont beau faire des reportages dévastateurs sur l'état d'impréparation de
nos villes et villages concernant les changements climatiques, montrer les
catastrophes naturelles qui empoisonnent nos vies, rien n'y fait. Nos
gouvernements semblent incapables d'agir en matière d'adaptation aux
changements climatiques. Nous ne parlons même pas de l'incroyable inaction des
gouvernements de tous les niveaux pour réduire le réchauffement de la planète.
Comme nous ne voulons collectivement rien entendre pour changer nos modes de
vie afin de lutter contre les changements climatiques, il nous faudra bien nous
adapter à ces changements qui se rendent bien visibles par des inondations et
des pannes d'électricité.
Cette dernière semaine, François Legault a refusé de
s'engager devant les représentants de l'UMQ dans un plan d'adaptation que l'UMQ
évalue à deux milliards de dollars par année pour l'ensemble des municipalités
et des villes du Québec. Quelques réflexions en vrac sur une impasse budgétaire
qui rendra à terme nos vies plus misérables.
La demande de l'UMQ
L'Union des municipalités du Québec (UMQ) a commandé une
étude afin de comprendre l'ampleur des conséquences des changements climatiques
sur les finances de l'ensemble des municipalités du Québec. Cette étude
réalisée par WSP Canada trace un portrait et un diagnostic de la situation et
conclut que jusqu'en 2055, les changements climatiques coûteront minimalement deux
milliards de dollars par année de plus aux municipalités du Québec pour adapter
leurs infrastructures aux changements climatiques. Les auteurs définissent
cette adaptation comme des travaux d'entretien, de mise à niveau et de
remplacement de façon résiliente des infrastructures municipales. Les auteurs
indiquent que ce sont les routes locales et les infrastructures d'eaux
pluviales et d'eaux usées qui nécessiteront le plus d'investissement dans un
contexte de changements climatiques. Ils sont encore plus pessimistes en
affirmant qu'à partir de 2025, tout entretien, mise à niveau ou remplacement
qui ne seront pas effectués en fonction du climat futur viendront ajouter à la
facture de 2 milliards estimés en ce moment.
Les changements climatiques ne sont pas un vecteur d'égalité
entre les citoyens puisque ce sont des régions plus éloignées et moins
populeuses qui coûteront le plus cher. À preuve, le coût annuel par habitant
est estimé à 522 $ pour le nord du Québec, 399 $ pour les régions de
la Capitale-Nationale, le Centre-du-Québec, la Mauricie et Chaudière-Appalaches,
495 $ pour le Saguenay et l'Abitibi-Témiscamingue, 233 $ pour la
Montérégie, l'Outaouais, les Cantons de l'Est et la région métropolitaine de
Montréal.
Au-delà des chiffres et des hypothèses, une chose est claire
et indiscutable, l'adaptation de notre société aux changements climatiques a un
prix et nos villes et municipalités sont au cœur de ces problèmes à venir et
elles n'ont pas les ressources financières adéquates pour y faire face. La
demande d'une aide financière au gouvernement du Québec semble plutôt bien
avisée et celui-ci a tort à mon avis d'y faire la sourde oreille.
Une demande justifiée des villes
Ce n'est pas nouveau que de retrouver des parties de bras de
fer entre le gouvernement du Québec et ses municipalités. Chez nous à
Sherbrooke, nos maires que ce soit Jean Perrault ou encore Bernard Sévigny ont
joué dans des films similaires. Ils y ont déjà occupé des rôles de premier plan
ayant occupé tous les deux le poste de président de l'UMQ à leur époque. Ce
qu'il y a de nouveau dans le dossier de l'adaptation aux changements
climatiques c'est que l'on ne peut accepter un non de la part du gouvernement
du Québec. Nous ne pouvons accepter de voir le monde dans lequel nous vivons se
désagréger sous nos yeux sans rien y faire. La mobilisation des villes est une
chose, mais il faut y ajouter les citoyennes et les citoyens et créer un
mouvement qui obligera notre gouvernement à prendre acte de ce dossier et à
nous proposer des actions susceptibles de nous permettre de faire face à la
situation.
Tout comme vous, j'ai entendu les propos emberlificotés du
premier ministre Legault qui cherchait à noyer le poisson dans un déluge de
statistiques budgétaires incompréhensibles pour les contribuables que nous
sommes tous. Monsieur Legault devrait se rappeler que celles et ceux qui paient
des impôts fonciers sont aussi les mêmes à qui il envoie des chèques de 500 $
le temps d'une élection pour faire face à l'inflation. J'ai envie d'écrire que
les baisses d'impôt c'est bien, mais préserver nos milieux de vie c'est
beaucoup mieux. Monsieur Legault vous devez entendre nos maires qui vous
disent : il faut nous préparer, à tout le moins nous adapter aux
changements climatiques si nous sommes impuissants à les faire reculer. Mais je
crois que cette fois cela ne sera pas suffisant, c'est pourquoi j'invite l'UMQ
et les grandes villes du Québec à mobiliser les citoyennes et les citoyens du
Québec autour de l'enjeu de l'adaptation nécessaire aux changements
climatiques.
Mobiliser les citoyennes et citoyens
Pour mobiliser les citoyennes et les citoyens du Québec, je
propose à l'UMQ et aux grandes villes du Québec (parce qu'elles ont plus de
moyens financiers et de ressources) d'organiser un grand sommet de toutes les
parties prenantes en y faisant participer les organismes de la société civile
autour de la question de l'adaptation de nos municipalités et de nos villes aux
changements climatiques. Lors d'un tel événement, les municipalités et les
villes pourraient présenter des projets concrets, chiffres à l'appui sur les
actions les plus urgentes à mettre en œuvre pour répondre à cet enjeu. On
pourra profiter de l'occasion pour discuter de questions plus difficiles comme
l'aménagement du territoire et la protection de nos habitats naturels, sujets
qui seront discutés et débattus bientôt à Sherbrooke sous la forme du plan
nature. J'invite la mairesse de Sherbrooke à se faire la leader de cette idée.
Non seulement cela convient bien à son type d'engagement politique, mais elle
vient d'être honorée par ses pairs comme un important élément de la relève
municipale au Québec. Je félicite bien entendu madame Beaudin pour cet honneur.
À ce titre, elle devrait mettre ce nouveau capital symbolique au service de la
cause de l'adaptation de nos villes aux changements climatiques. Ce ne sera pas
nouveau que la Ville de Sherbrooke fasse profiter le Québec de son leadership.
Il est intolérable que le premier ministre Legault fasse la
sourde oreille aux demandes légitimes de nos municipalités et de nos villes
pour obtenir une aide financière afin de faire face aux changements climatiques.
Il faudrait sortir de ce scénario des visites de notre premier ministre dans
des communautés touchées par des catastrophes naturelles. Mettre fin au plan de
relations publiques du gouvernement actuel en matière d'adaptation aux
changements climatiques pour le remplacer par un plan d'action musclé de nos
villes et nos municipalités pour les aider à s'adapter aux changements qui
marqueront nos vies. Madame Beaudin, je vous invite à faire acte de leadership
pour contribuer à mettre fin à ce dialogue de sourds...