Nous sommes en 2017. Plusieurs d'entre nous sommes encore catastrophés de l'incroyable victoire de Donald Trump à la présidence américaine. Il a gagné une campagne électorale grâce à des insultes et à des contre-vérités.
Des contre-vérités nourries et alimentées par les réseaux sociaux. Le triomphe de l'âge des démagogues et de la post-vérité nous désole et nous commentons abondamment ces phénomènes comme s'ils nous étaient étrangers. Pourtant chez nous, nous pêchons par les mêmes faits. Le meilleur exemple que je puisse trouver c'est le discours entretenu autour du pouvoir municipal à Sherbrooke. Faisons l'état des lieux à l'aube d'une campagne électorale imminente.
Les folies de l'administration Sévigny
L'une des idées les plus souvent émises à l'encontre de l'administration du maire Bernard Sévigny est que la ville est mal gérée et que l'on dépense sans compter dans des projets aussi loufoques que dépensiers. Pensons au projet Well inc., à un projet d'incubateur de start-up d'entreprises, aux efforts pour développer l'industrie touristique avec Destination Sherbrooke et j'en passe. Pour la conseillère Hélène Dauphinais, tous ces projets sont des puits de dépenses sans fond inutiles et l'argent devrait plutôt servir à réduire le fardeau fiscal des citoyennes et des citoyens de Sherbrooke.
Madame Dauphinais s'est fait la championne des citoyens et de la responsabilité fiscale. Elle a même publié sur son blogue ses propres suggestions de coupes budgétaires. C'est tout à son honneur. Discutons-en des suggestions de madame Dauphinais, mais avant tout répondons à une question simple : Sherbrooke est-elle une ville mal gérée?
Sherbrooke, mal gérée?
Ni vous ni moi ne sommes des experts de la gestion municipale. Si vous le voulez bien, remettons-nous-en à des spécialistes des HEC, le Centre de la productivité et de la prospérité des HEC, pour répondre à cette question simple. Ce centre a fait un palmarès des 1 110 municipalités du Québec et a évalué les coûts des services municipaux selon des paramètres précis et des indicateurs de gestion. Ce palmarès a été publié dans La Presse+ le 11 mai 2015 et est basé sur les chiffres de 2013. Sous forme de carte interactive, vous pouvez consulter l'étude et comparer Sherbrooke avec toutes les municipalités si le cœur vous en dit.
Que révèle cette étude sur Sherbrooke : d'abord, que notre ville obtient le 3e rang sur 10 parmi les villes de 100 000 habitants et plus. Le coût de nos services est moins élevé de 8,42 % que le coût moyen des services. Mieux encore, sur le plan des dépenses totales, le coût par habitant s'élève à 1 504,63 $ soit 321,16 $ moins cher que le coût moyen de 1 825,79 $ de la moyenne de notre groupe et vous savez quoi, Sherbrooke est première de classe en ce domaine.
Le taux de taxation quant à lui est de 1 152,50 $ par 100 000 $ d'évaluation à Sherbrooke contre 1 154,95 $ pour la moyenne de notre groupe. Nous nous classons au cinquième rang dans cette catégorie pour les villes de 100 000 habitants. Il est vrai que depuis 2013, il y a eu des augmentations de taxes à Sherbrooke, mais il y en a eu aussi dans les villes de notre groupe. Si bien que notre rang pourrait être similaire pour une étude qui serait publiée en 2016.
Sherbrooke n'est donc pas si mal géré. Il est faux aussi de dire que nous sommes surtaxés par rapport à d'autres villes du Québec et que le caractère dépensier de l'administration Sévigny va nous mener à la faillite. Je ne dis pas cela pour défendre l'administration Sévigny, mais pour rétablir les faits. D'ailleurs, l'administration Sévigny est à bien des égards redevable à l'excellente administration de Jean Perrault qui a été maire pendant 15 ans.
Les postes budgétaires à questionner...
Si nous quittons les sentiers de la petite politique et que nous abordons la question du point de vue administratif, il est clair que Sherbrooke comme toutes les villes a des choses à améliorer dans sa gestion. Par exemple, on note que la performance de Sherbrooke au titre des dépenses d'administration arrive au 7e rang de son groupe.
La part de dépenses de notre ville atteint 15,1 % soit 1 % de plus que la moyenne du groupe. Il y a aussi l'endettement qui s'avère préoccupant. Là aussi, Sherbrooke occupe le 7e rang de son groupe et le taux d'endettement de la ville est de 2 768,78 $ par 100 000 $ de richesse foncière uniformisée (RFU) comparativement à 2 631,97 $ par 100 000 $ de RFU de la moyenne de son groupe. Il y a aussi le coût de ses services incendies qui est plus élevé que la moyenne de son groupe soit 117,21 $ par 100 000 $ de RFU contre 105,69 $. À ce chapitre, nous arrivons au 8e rang.
Bref, Sherbrooke est bien gérée et notre taux de taxation est parmi les meilleurs des villes de 100 000 habitants et plus. Il y a des préoccupations à avoir concernant le service de la dette, les dépenses d'administration et le coût du service des incendies. Il y a des explications à ces écarts pour le service des incendies notamment en regard du schéma de couvertures de risques. Quant au service de la dette, nous connaissons l'impact du remboursement des fonds de retraite des employés de la ville. Néanmoins, nous sommes loin de la catastrophe annoncée par les adversaires politiques du maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny.
Les bons coups de Sherbrooke
Au contraire, il y a plusieurs bonnes nouvelles pour les Sherbrookois dans cette étude. Ainsi, nos services de voirie, de déneigement, de police, d'égouts, de déchets, de loisirs et de culture figurent toujours parmi les cinq meilleures villes de notre groupe atteignant deux fois le premier rang. Même la rémunération moyenne par emploi équivalent temps complet est nettement inférieure à la moyenne de notre groupe, soit 76 446,68 $ à Sherbrooke comparativement à 93 256,26 $ pour la moyenne de notre groupe soit 16 809 $ de moins.
Sherbrooke est première de classe à ce chapitre. Tout comme Sherbrooke est 2e de classe pour la rémunération de ses cadres professionnels et ses contremaîtres avec une rémunération moyenne de 118 103,70 $ contre 128 103,90 $ pour la moyenne de son groupe.
Même les mal-aimés cols bleus sont payés en moyenne à Sherbrooke 61 730,39 $ contre la moyenne du groupe à 78 530,92 $ soit 16 800,53 $ de moins qu'ailleurs dans les grandes villes de 100 000 habitants et plus. Cela a des chances de rendre moins attrayants les discours de certains concernant la signature irresponsable des conventions collectives.
La vérité a toujours ses droits
J'entends déjà certains m'accuser d'être à la solde de l'administration Sévigny à cause de la nature de ce texte et de mon appartenance jadis, il y a plus six ans au Renouveau sherbrookois que j'ai quitté en 2011. Ce n'est pas du tout cela. Ce n'est pas un texte partisan, mais un texte qui fait le pari de la vérité. Un chroniqueur qui souhaite une vraie campagne électorale à Sherbrooke en 2017 sur des idées, pas sur des mensonges et des préjugés.
Il y a des questions à se poser pour l'avenir de notre ville. Doit-on, par exemple, poursuivre des efforts de développement d'une industrie touristique? Doit-on poursuivre l'organisation d'activités sportives d'envergures et de congrès dans une ville qui a beaucoup à offrir à ses résidants, mais pas tant que cela à ses visiteurs?
Comment faut-il penser la cohabitation entre une jeune population étudiante qui représente 25 % de la population de Sherbrooke, et une population vieillissante? Comment améliorer davantage notre qualité de vie, la mobilité durable dans nos quartiers? Faut-il continuer à soutenir le développement de l'innovation et d'une économie à valeur ajoutée ou faut-il plutôt penser notre avenir autrement? Bien d'autres questions se posent.
Chose certaine, ce n'est pas en agitant des oriflammes de fausses vérités et en alimentant les préjugés que nous ferons de Sherbrooke une ville meilleure pour y vivre. Souhaitons qu'en 2017, les candidates et les candidats à nos votes pour l'élection municipale fassent le pari de la vérité...
Bonne année à toutes et à tous.