La victoire de la Coalition avenir Québec est magistrale. Éclatante. Point barre. Personne n'avait prédit un résultat aussi incontestable. Un résultat qui découle d'une profonde volonté de changement. Quand on prend connaissance des résultats, on constate une vérité toute simple : les vieux partis, le Parti libéral du Québec et le Parti québécois, sont en chute libre alors que les nouveaux partis, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire, sont en progression. Changement d'époque. Changement de garde. Nouvelle façon de faire de la politique. L'avenir nous le dira. Tentative d'une analyse à chaud des résultats électoraux de l'élection québécoise de 2018.
Le gouvernement Legault
Il faudra s'y habituer. Le gouvernement Legault sera notre réalité pour les quatre prochaines années. J'en suis fort heureux. J'avais écrit dans la chronique précédente que mon choix portait sur ce parti pour cette élection. Néanmoins, les défis sont énormes pour cette merveilleuse équipe qui formera le parti gouvernemental. L'Estrie y sera bien représentée avec à son bord les Isabelle Charest, André Bachand, Geneviève Hébert, Gilles Bélanger et François Jacques. Il n'y a que Bruno Vachon qui manque à cette équipe.
François Legault a répété ad nauseam qu'il fallait faire plus et mieux et que nous devions avoir de l'ambition pour le Québec. Il ne sera pas déçu. Ce n'est pas les défis qui manqueront à ce nouveau gouvernement. Prenons à témoin la gestion de la crise liée à la signature du nouveau traité de libre-échange avec le Mexique et les États-Unis par le gouvernement Trudeau. Nos agriculteurs sont mécontents et tous les chefs se sont engagés durant la campagne électorale à tout faire pour bloquer les effets de cette brèche dans la gestion de l'offre de nos produits laitiers. Gros dossier en perspective.
Il y a bien sûr les problèmes récurrents de l'accessibilité de nos services de santé et de leurs coûts ainsi que notre incapacité à offrir à notre jeunesse un système d'éducation digne de ce nom. Un système d'éducation qui aura de meilleurs résultats et qui freinera réellement le problème du décrochage scolaire. Il faut aussi bien entendu régler la question des jeunes garçons. Les nouveaux laissés pour compte du système d'éducation au 21e siècle.
Je ne parle même pas du défi de donner au Québec une économie plus prospère avec de meilleurs emplois et de meilleurs salaires. À cet égard, la question de l'immigration et de la pénurie de la main-d'œuvre dans les régions sont une préoccupation centrale. Le nouveau premier ministre Legault devra se faire une tête rapidement sur ces questions et doter le Québec d'orientations stratégiques appropriées.
Enfin, le plus grand défi du nouveau gouvernement Legault sera de contribuer à changer la façon de faire la politique. Déjà, avec tous les partis, sauf le PLQ, il s'est engagé à modifier le mode de scrutin actuel pour un régime proportionnel mixte.
Changer la politique, un nouveau mode de scrutin
Comme je l'écrivais dans une chronique antérieure, changer le mode de scrutin est une bonne idée, mais il doit s'accompagner d'une réforme en profondeur de nos institutions démocratiques. Certains s'inquiètent du fait qu'un tel mode de scrutin affaiblira la notion de régions et de porte-parole régional des députés et favorisera des gouvernements de coalition. Dans la culture politique actuelle, ce sera, disent ces critiques, la paralysie du gouvernement. Ces critiques ne suffisent pas cependant à discréditer ce projet. Néanmoins, il faudra y réfléchir davantage. Il faut le bonifier. Pourquoi ne pas penser une réforme du mode de scrutin dans une réflexion plus large de la refondation de nos institutions politiques?
Pourquoi ne pas élire notre premier ministre au scrutin universel? Pourquoi les ministres ne seraient-ils pas dorénavant des gens choisis par le premier ministre élu sur le modèle américain? On pourrait mieux les payer et faire de ces gens de véritables exécutants sous l'emprise d'un pouvoir législatif revampée et véritable maître du jeu. Une assemblée proportionnelle travaillant de concert et plus représentative c'est ce que les Québécoises et les Québécois souhaitent et appellent de tous leurs vœux.
Un gouvernement aux ordres d'une assemblée de représentants du peuple. Une assemblée plus représentative et plus en cheville avec la volonté populaire. Une assemblée qui reflètera mieux les divers courants d'opinions dans notre société démocratique. Une réforme aussi qui fera une plus large place à un meilleur équilibre entre la culture de démocratie participative et la culture de démocratie représentative. Pourquoi pas une chambre des régions et des groupes de la société civile qui s'ajouteraient à nos institutions?
C'est une bonne idée de changer le mode de scrutin, j'en suis! Ce serait encore une meilleure idée si notre réflexion collective s'élargissait à une refonte de nos institutions démocratiques. Il ne faut pas attendre le Grand soir pour réhabiliter la politique et celles et ceux qui font métier de nous y représenter. Je n'ai pas changé d'idée aujourd'hui à ce sujet.
La chasse aux sorcières
L'autre grand gagnant de la soirée est Québec solidaire. Durant le dernier droit de la campagne électorale, le chef du PQ, Jean-François Lisée, a bien tenté d'inventer une chasse aux sorcières à l'encontre de Québec solidaire. Apparenté Québec solidaire à des communistes qui mangeraient nos enfants et nos petits-enfants n'étaient pas une bonne idée. Loin de là. Il faut plutôt saluer bien bas ce jeune parti plein d'idéalisme et de rêves pour le Québec. Des gens qui sont dédiés et qui veulent mettre fin à ces régimes où le Capital et ses émules dirigent la société contre les intérêts du plus grand nombre.
C'est Québec solidaire qui garde le rêve de l'indépendance du Québec le plus vivant quoi que l'on en dise? J'ai des proches qui sont des convaincus de la cause de Québec solidaire et je respecte cela. Il faut toujours garder ses idéaux bien en vie. Québec solidaire nous aide à cela. C'est là le plus grand drame du PQ qui a minimisé l'émergence de ce parti en enfouissant ses rêves dans les petits calculs électoraux. Le prix à payer aura été lourd.
La dignité du premier ministre
Un mot enfin pour le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, il aura fait preuve d'une grande dignité dans son discours le soir de l'élection. Lucide, il partira bientôt, j'en suis convaincu. Néanmoins, il faudra retenir que la contribution de ce dernier au Québec aura été majeure et significative. Par son programme de rigueur budgétaire, il aura donné la liberté de choix au Québec et économisé plus d'un milliard de versements en intérêts à nos prêteurs financiers. Il a aussi défendu les valeurs libérales avec panache. Son problème à mes yeux ce fut son incapacité à connecter avec la fibre québécoise nationaliste. Merci, monsieur Couillard, pour votre contribution au développement du Québec.
Ce n'est qu'un recommencement
L'histoire du Québec continuera de s'écrire. Les prochains chapitres seront écrits à l'aide de l'encre caquiste. Les défis seront nombreux et importants. La lune de miel sera courte. Pour la première fois depuis 1976, un gouvernement issu d'un autre parti que celui des libéraux et du PQ formera le gouvernement. Il faudra néanmoins se rappeler que l'élection québécoise de 2018 aura été l'automne des vents de tous les changements...