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Mirage bleu

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 1 mai 2019

Ce dernier weekend à Victoriaville, des centaines de militantes et de militants du Parti conservateur du Canada se sont réunis pour préparer le terrain québécois en vue de la prochaine élection fédérale. Sans conteste, il faut reconnaître que le lieutenant québécois d'Andrew Scheer, Alain Rayes, a accompli un travail gigantesque pour relancer la marque bleue au Québec. Son travail et son dynamisme justifient son optimisme. Néanmoins, prédire de 20 à 25 sièges au Québec aux troupiers de l'ineffable chef conservateur, Scheer, relève plus de l'acte de foi que de la réalité politique. Le point sur la situation du Parti conservateur au Québec.

Le vent dans les voiles
Il est vrai que le Parti conservateur du Canada a le vent dans les voiles poussé par de solides sondages nationaux au Canada. Ce qui est évident cependant c'est que la popularité nouvelle des conservateurs auprès de l'électorat canadien dans les intentions de vote n'est pas le résultat de leurs bons coups, mais plutôt l'effet miroir de la chute de la popularité des libéraux de Justin Trudeau. Si l'on se donne la peine de lire les sondages avec sagacité, on découvre que les valeurs des Canadiennes et des Canadiens ne sont pas plus conservatrices aujourd'hui qu'elles ne l'étaient hier. Les thèmes chers aux conservateurs sur le déficit, l'omniprésence de l'État et le tout au pétrole trouvent ses supporteurs dans l'Ouest canadien et dans la patrie de Doug Ford en Ontario, mais pas nécessairement ailleurs au Canada.

Des positions politiques absentes ou ambigües
Qui plus est, sur de nombreux sujets, les partisans d'Andrew Scheer n'ont que peu de réponses à offrir aux véritables problèmes de la société canadienne. À titre d'exemple, on sait que la troupe de Scheer veut quadriller le territoire canadien de pipeline, mais ce que l'on sait moins, c'est comment ils entendent gérer l'atteinte des cibles de l'ancien gouvernement Harper en matière de réduction des gaz à effet de serre. C'est facile de s'opposer à une taxe, en l'occurrence la taxe sur le carbone du gouvernement Trudeau, mais pour la remplacer par quoi ?

Sur le plan de la défense de la culture francophone, autre exemple, on ne peut pas dire que Andrew Scheer s'est distingué pour défendre les francophones de l'Ontario ni ceux du Nouveau-Brunswick. Il fut un temps ou les conservateurs étaient beaucoup plus fermes dans leur défense du fait français au Canada. Rappelons-nous à titre d'exemple le discours généreux de Brian Mulroney sur le français au Manitoba.

Les positions constitutionnelles de non-ingérence dans les pouvoirs des provinces pourraient peut-être séduire l'électorat québécois, mais se dire favorable à une déclaration de revenus unique est plus de l'ordre du symbole que d'une reconnaissance franche de la singularité québécoise nationale. Ainsi, les mots sont plutôt tièdes quand on veut commenter la loi 21 du gouvernement sur la laïcité de l'État. Manifestement, on préfère se tenir loin de ce dossier. Le silence est encore plus pesant quand vient le temps de discourir sur le recours par Québec dans ce projet de loi de la clause dérogatoire, pourtant inscrite dans la constitution canadienne. Je ne peux mettre en doute la sincérité toute québécoise du lieutenant de Scheer au Québec, mais il y a encore beaucoup à dire pour convaincre les Québécoises et les Québécois qui ont voté pour les caquistes de François Legault que le Parti conservateur reconnaît véritablement l'existence d'une nation au Québec avec tous les droits et toutes les prérogatives qui s'ensuivent.

Et dans le dossier SNC-Lavalin, on comprend que les conservateurs n'ont rien à faire des 8 000 emplois et du siège social québécois. Ils s'en tiennent au respect rigoureux des Lois et de leur petit manège « politicaillard » contre la turpitude du gouvernement Trudeau dans ce dossier. Quel gâchis !

L'environnement, là où le bât blesse
S'il y a une question ou le bât blesse, c'est celle de l'environnement. Le parti du tout au pipeline veut nous convaincre que la meilleure transition vers une économie adaptée aux changements climatiques c'est d'exploiter à fond le pétrole des gaz bitumineux en Alberta et de quadriller le territoire canadien de pipeline pour en favoriser l'exportation vers les marchés étrangers et ainsi créer de la richesse au Canada. Ce weekend, on a entendu les prémisses de ce discours que l'on va servir au Québec pour favoriser son appétit pour un pipeline qui traversera son territoire vers le Nouveau-Brunswick.

Ainsi, il faut mettre la faute sur les consommateurs que nous sommes parce que nous achetons des véhicules utilitaires sportifs, des camions et de grosses cylindrées qui consomment beaucoup de pétrole. Le consommateur a toujours raison nous disent les conservateurs implicitement. Si nous consommons du pétrole, c'est parce que nous voulons du pétrole. Par ailleurs, l'industrie pétrochimique est importante et génère beaucoup de bons emplois, on ne peut donc pas tourner le dos à l'économie du carbone.

Il faut dire que le discours des conservateurs a le mérite, ce qui n'est pas sans intérêt, d'être plus franc que celui du gouvernement de Justin Trudeau. Un gouvernement qui se drape dans la vertu écologiste, mais qui achète à prix fort un pipeline dans l'Ouest canadien. Un gouvernement qui peine à atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre de l'ancien gouvernement Harper, cibles qu'il avait dénoncées. À cet égard, Justin Trudeau semble nous dire qu'il faut croire ce qu'il dit plutôt que ce qu'il fait. Devant l'enjeu de la destruction de l'espèce humaine, et non pas de la terre comme on l'entend trop souvent, les deux grands partis ne font tout simplement pas le poids. En cela, ils sont au diapason de l'opinion publique canadienne qui veut se donner bonne conscience en matière environnementale, mais qui ne veut pas changer ses habitudes et son mode de vie.

Et puis la morale...
Ce qui me titille le plus chez les conservateurs c'est la morale. Même si les positions rigoristes religieuses de leur chef Andrew Scheer ne sont pas affichées publiquement dans les positions du Parti conservateur du Canada, on ne peut être dupe et refuser de voir que sous un gouvernement conservateur, le droit des femmes à l'avortement, les positions « tough on Law » et la réduction du financement des programmes sociaux chers à tant de Canadiennes et de Canadiens seront à l'ordre du jour d'un éventuel gouvernement Scheer. Subrepticement peut-être, mais assurément présentes.

Dans le registre de la morale, il y a toute cette fausse question autour des déficits. Qu'importe que de nos jours les économistes fassent consensus sur le fait que les déficits doivent être mesurés à l'aune de sa proportion du PIB plutôt qu'à leur réalité nominative, les conservateurs font de la lutte au déficit leur pierre philosophale. On peut prédire qu'un retour aux affaires des conservateurs d'Andrew Scheer se traduira par un retour à l'austérité budgétaire, quelque choseque nous avons bien connu au Québec.

Les prochaines élections d'octobre
On ne peut pas nier l'évidence. Les conservateurs d'Andrew Scheer ont le vent dans les voiles par les temps qui courent auprès des intentions de vote des Canadiennes et des Canadiens. Cela n'est pas qu'un feu de paille. Le Québec demeure une énigme. S'il est vrai que les libéraux ont perdu des plumes au Québec aussi et que le NPD est à l'agonie, les équipiers d'Andrew Scheer auront fort à faire pour convaincre le Québec de revenir à l'austérité budgétaire et d'épouser l'appétit du tout au pipeline des conservateurs.

Ce qui sera à surveiller au cours des prochains mois c'est la capacité qu'auront les libéraux de représenter encore le changement même après quatre ans de mandat. La volonté des troupes de Justin Trudeau de convaincre à nouveau qu'il représente la politique autrement. Il faudra aussi voir la performance d'Yves-François Blanchet du Bloc québécois et celle d'Alexandre Boulerice comme chef adjoint au NPD. Rien n'est joué au Québec. Il reste cependant qu'à ce stade, les déclarations d'Alain Rayes sur l'avènement d'une possible vague bleue au Québec sont peu convaincantes.

Personnellement, le temps saura nous le dire, j'opterais plutôt pour un mirage bleu.


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