La Commission d'enquête de la juge
Charbonneau tourne au cirque. La semaine dernière où l'ex-président de la FTQ,
Michel Arsenault, a été mis en vedette en a fourni une brillante illustration.
Une procureure de la commission irrévérencieuse qui fait preuve d'irrespect et
d'impatience envers le témoin. Elle se permet même de claquer des doigts comme
pour rappeler à l'ordre un animal domestique. Non, Me Sonia Lebel
n'a pas fait honneur à sa profession la semaine dernière.
Des bouteilles lancées à la mer...
S'il n'y avait que les comportements
inacceptables de la procureure en chef, on pourrait toujours mettre cela sur le
compte d'une personnalité à la recherche de la célébrité. Mais il n'y pas que
cela. Il y a aussi les ratés inacceptables d'un service d'enquête et de
recherche qui laissent filtrer des informations qui ne sont pas documentées par
la suite avec le résultat déplorable que cela peut avoir sur des réputations. On
n'a qu'à se rappeler la liste de personnalités lancée au printemps 2013 fréquentant
le club privé 357 C. Le contexte pouvait laisser croire que ces gens entretenaient
des relations malhonnêtes liées à la corruption et cela n'a pas eu de suite.
Les torts irréparables causés à l'ancien maire de Montréal Gérald Tremblay alors
qu'il n'était coupable de rien. Plus récemment, la commission a laissé filtrer
des informations sur du financement douteux touchant la circonscription de
l'ancien premier ministre Jean Charest qui se sont avérées sans fondements.
Même chose à l'endroit d'un coquetel de financement au bénéfice de
l'ex-ministre Jean-Marc Fournier. La semaine dernière encore, on a laissé
croire pendant quelques jours à l'existence d'un « deal » entre
Claude Blanchet, le conjoint de madame Pauline Marois, ci-devant première
ministre. J'ai même commenté cela dans une chronique ici. Non vraiment, cela
tourne au vaudeville.
Une vraie commission d'enquête
Madame Charbonneau manque à son devoir de
présider une commission d'enquête qui devrait nous renseigner sur les
stratagèmes afin de nous aider à comprendre les systèmes. Nous avons plutôt
droit à un cirque qui alimente les médias sociaux et les réseaux d'information
continue. Je ne suis pas juriste, mais je me fie aux commentaires de l'ex-juge
Suzanne Coupal et je trouve que cette femme a plein de bon sens dans ses
commentaires. Madame Charbonneau manque à ses devoirs élémentaires dans son
rôle actuel. Elle n'avait pas le droit de laisser passer les remarques
ironiques et les claquements de doigts de Me Lebel. Pas plus qu'elle
ne doit nous faire connaître son approbation ou sa désapprobation envers les
témoins qu'elle entend.
Madame Charbonneau devrait se garder une
petite gêne dans ses leçons de moralité à la petite semaine sur ce que devraient
faire ou ne pas faire un homme et une femme politiques. Traquer les stratagèmes,
les débusquer et proposer des recommandations pour chercher à faire en sorte
que de tels abus soient plus difficiles à l'avenir, voilà son rôle. Si j'en
crois le rapport d'étape qui a été déposé à la va-vite la semaine dernière, je
suis inquiet quant à l'avenir.
Alimenter les préjugés
La commission Charbonneau ne peut être
uniquement une séance de défoulement collectif où l'on accrédite l'idée que
tout le système est pourri et que tous les politiciens sont des proches de la
mafia. La population dans son ensemble cultive le cynisme à l'endroit de sa
classe politique, madame Charbonneau devrait aider à faire la part des choses,
pas alimenter les préjugés. Il est vrai que de nombreuses personnes ont abusé
de notre argent. Il y avait un système de corruption et cela a bien été
démontré. Néanmoins, la preuve est loin d'être faite que ce système était généralisé
et que tous les gens œuvrant dans le secteur privé au Québec sont liés à la
mafia.
Un sondage réalisé par Léger marketing au
bénéfice de Cogeco et dévoilé par monsieur Louis Audet, président-directeur
général de cette entreprise, fait état du fait que 50 % de la population
croit que l'entreprise privée est mauvaise pour l'économie du Québec. Ce n'est
pas avec la façon de faire de la commission Charbonneau que l'on va convaincre
la population que cela n'est pas exact.
La responsabilité de madame Charbonneau
À l'ère des réseaux sociaux et des réseaux
d'information continue, la juge Charbonneau a une immense responsabilité. Elle
doit faire preuve de prudence et chercher à revigorer le tissu démocratique
québécois. La démocratie ou le vouloir-vivre ensemble n'est pas la propriété
des hommes et femmes politiques, encore moins des partis politiques. Faire la
lumière sur un système qui dépossédait notre société de son système
démocratique était une nécessité. Néanmoins, pour atteindre cet objectif, il
faut que cette commission soit autre chose qu'un cirque qui alimente le cynisme
et qui dépossède les Québécoises et les Québécois de leur vie publique commune.
J'ose espérer que la semaine de congé
d'auditions publiques permettra à la juge Charbonneau et à tous ceux et à
toutes celles qui y œuvrent de faire un examen de conscience et de faire preuve
d'une plus grande perspicacité sociologique afin que cette commission ne
devienne pas un vulgaire cirque.
Tweet de la semaine : « Le deuil du bonheur est-il plus ou moins
douloureux que son attente » dans Bernard Pivot, Les tweets sont
des chats, Paris, Albin Michel, 2013, p.158.
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