La
Commission Charbonneau est selon bien des observateurs un bon spectacle de
télévision. Chaque semaine, on a droit à des révélations qui viennent conforter
les Québécoises et les Québécois dans leur mauvaise opinion de leurs dirigeants
politiques.
Les révélations de la dernière semaine mettant en lumière des liens
troublants entre le Parti québécois et la FTQ n'a pas fait exception. Aujourd'hui,
tout le Québec veut savoir la teneur du « deal » qu'avait la FTQ avec
Claude Blanchet et de quelle façon Pauline Marois y était liée.
Les écoutes électroniques
Mardi
dernier, la commission Charbonneau a dévoilé des écoutes électroniques
incriminantes pour Pauline Marois, son conjoint Claude Blanchet et le Parti
québécois. Un extrait de conversation entre le président de la FTQ de l'époque,
Michel Arsenault et le président de la FTQ-Construction, Jean Lavallée, évoquait
en 2009 la possibilité d'intervenir auprès de Pauline Marois, alors chef de
l'opposition officielle, afin de la dissuader de réclamer une enquête publique,
à laquelle s'opposaient les libéraux au pouvoir de Charest.
Dans
cet enregistrement effectué par la police, l'ex-président de la FTQ, Michel
Arsenault explique qu'il a l'intention de discuter avec madame Marois et il
fait référence à un « deal » avec le mari de cette dernière, Claude
Blanchet, sans toutefois en révéler la teneur.
Les propos incriminants
Il n'est pas inintéressant de citer ces
passages d'écoute électronique. Ces citations sont tirées du site web de la
commission Charbonneau :
Jean
Lavallée : « S'ils veulent
faire une enquête sur les syndicats, va falloir que tous les deux on s'assoie,
pis parler à nos amis du PQ. Faut pas que le PQ embarque dans ça à cause que
s'ils embarquent dans ça, ils vont se faire ramasser eux aussi. »
Michel
Arsenault : « Ben ils sont mal
pris en hostie, parce qu'on a un marché avec Blanchet (le mari de Pauline
Marois et ancien PDG du Fonds de solidarité de la FTQ).
Jean Lavallée : Les
libéraux n'embarqueront pas dans une affaire d'enquête avec les syndicats, y a
rien pour une enquête dans ça. »
Michel
Arsenault : « Le PQ touchera
pas à ça non plus (...) On va parler à Pauline. »
Le
jeu de la question
Soyons
bon joueur, rien dans cet extrait n'est scandaleux. On y retrouve bien sûr
l'idée de proximité de la FTQ avec le PQ, mais cela tout le monde le sait, au
Québec. Nous savons tous aussi que le conjoint de madame Marois, Claude
Blanchet, a été le premier président-directeur général du Fonds de solidarité
des travailleurs de la FTQ. Rien de plus normal que de penser qu'il puisse
exister des relations privilégiées entre ce Fonds et M. Blanchet. Ces relations
ont-elles conduit à des avantages financiers indus pour monsieur Blanchet payés
à même les fonds publics? Probablement pas. Il reste que la perception demeure.
La FTQ et ses représentants ont-ils plaidé auprès de madame Marois pour que son
parti ne prenne pas position à la faveur de la tenue d'une commission
d'enquête? Cela est plus que probable. Ont-ils réussi à faire fléchir madame
Marois? Manifestement non, puisque le PQ a fait de cette commission un enjeu
majeur de son offensive contre les libéraux durant toutes les périodes de questions
de l'époque. Ce que l'histoire ne dit pas encore c'est si ces pressions ont eu
pour effet de retarder de six mois la décision du PQ d'aller de l'avant avec
une demande de commission d'enquête.
Madame
Marois doit rassurer les Québécois
Il
est manifeste que les propos tenus par les ex-dirigeants de la FTQ sont
crédibles puisqu'ils sont enregistrés à leur insu. Ces dirigeants de la FTQ
ont-ils exagéré leur pouvoir sur le PQ comme le font souvent les gens à
l'endroit des politiciens? C'est à voir. Chose certaine, la vraie question qui
demeure est la suivante : quelle est la nature du « deal » entre
la FTQ et Claude Blanchet et comment celui-ci a-t-il pu influer sur le jugement
de la chef de l'opposition officielle d'alors, Pauline Marois? Madame Marois
doit comprendre que nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une simple
déclaration de sa part nous disant qu'il n'y avait pas de « deal ».
Les Québécoises et les Québécois ont le droit de savoir si, Pauline Marois a subi
des pressions de la part de la FTQ et si celles-ci ont eu un effet sur ses
décisions. Il en va non seulement de sa crédibilité personnelle, mais de la
confiance de la population envers leur système politique. Madame Marois
rassurez-nous...
La
morale de cette histoire...
Cette
histoire est-elle un scandale? Je ne crois pas. Ce qu'il faut surtout retenir
de tout cela c'est que dans la vie politique et dans la vie tout court, rien
n'est jamais totalement noir, ni totalement blanc. Il y a beaucoup de nuances
de gris. Les partisans du PQ qui s'amusaient récemment à caricaturer les
libéraux comme des membres actifs de la mafia italienne et qui présentaient
l'honorable citoyen Jean Charest comme le parrain, doivent aujourd'hui mieux
comprendre que lorsque l'on crache en l'air ça nous retombe toujours sur le
nez.
Dans
le rôle de l'inquisiteur, Pauline Marois et le PQ ont bien joué leurs cartes
lorsqu'ils se sont drapés du drapeau de la bonne vertu et de l'intégrité. La
question aujourd'hui est de savoir si les mêmes acteurs seront aussi
performants dans le rôle de l'arroseur arrosé...
Tweet
de la semaine : « La vanité est
l'affichage de la suffisance ou la médiatisation de l'orgueil » dans
Bernard Pivot, « Les tweets sont des chats », Paris, Albin Michel,
2013, p.101.
Commentaires
ou suggestions : dnadeauestrieplus@gmail.com