La dernière semaine de la campagne électorale a donné lieu à
peu de nouveautés de la part des différents partis en présence. Le fait
marquant de cette dernière semaine est le débat des chefs sur les ondes d'ICI
Radio-Canada et l'apparition des chefs à la grande messe de Guy A. Lepage à
l'émission Tout le monde en parle. Il
faut noter que le débat des chefs animés jeudi soir dernier avec brio par le
journaliste et chef d'antenne Patrice Roy a été un grand moment de télévision
en politique. Ce débat s'est fait dans le respect et sans la cacophonie que
l'on a constatée au Face à Face de
TVA. Jeudi soir dernier, le gagnant du débat a été la démocratie québécoise.
Quant à Tout le monde en parle, j'ai
une profonde réserve avec cette confusion entre informations, débats, variétés
et d'effets publicitaires. Si la formule du Face à Face de TVA était une
manufacture de clips, celle de Tout le monde en parle en est un d'effet
de toge avec pour toile de fond le style sermon sur la montagne.
Quoi qu'il en soit, dans moins de cinq jours, nous devrons
aller voter, nonobstant celles et ceux qui l'ont déjà fait dans le cadre du
vote par anticipation. Après une campagne électorale intéressante et chaudement
disputée, c'est le temps des choix. Réflexions libres sur les options qui
s'offrent à nous pour choisir qui gouvernera le Québec au cours des quatre
prochaines années.
Les vrais enjeux
Malgré ce que l'on peut en dire, les vrais enjeux qui
confrontent notre avenir ont été soulevés par les différents protagonistes de
cette campagne électorale. En fait, quatre grands enjeux sont au cœur de nos
choix d'avenir : la crise climatique et ses effets délétères sur notre vie
quotidienne, la crise des inégalités sociales et économiques qui se traduit
chez nous par des discours sur l'inflation, la crise du logement et la crise de
l'identité qui se matérialise dans nos débats sur la langue, l'immigration, la
laïcité de l'État et l'appartenance du Québec au grand ensemble canadien.
Ces enjeux, dans des colorations et des sensibilités
différentes, sont tout au moins les mêmes partout ailleurs dans les démocraties
occidentales. Pour bien en saisir l'origine et savoir nommer les choses afin de
mieux nous y attaquer, il est nécessaire de se rappeler nos fondamentaux en
sciences politiques, en sociologie, en histoire et en économie. Dans un essai
paru en 2022, l'excellent politologue Gérard Boismenu rappelle avec une grande
éloquence que : « Les dynamiques entre les acteurs sociaux et politiques
sont enrayés, le modèle de développement engendre de grandes disparités, la
cohésion sociale d'ensemble est plombée, les radicalités politiques font irruption
et les extrêmes séduisent. On peut y voir autant de signes de société à bout de
souffle. Viennent confirmer cette perception les signes de mal-être, le cynisme
politique, une impression exacerbée d'injustice, l'affirmation que tout est
pareil sur l'échiquier politique et le sentiment de perte et de déclassement
que portent les classes moyennes et populaires. » Gérard Boismenu, Un monde désenchanté. Essai sur la crise
sociale et politique, (Champs libres), Montréal, Les presses de
l'Université de Montréal, 2022, p. 11
Un constat lucide et qui se déroule dans une arène
théâtralisée et instrumentalisée par la féodalisation des médias et de
l'opinion publique prisonnière de celles et de ceux qui font l'opinion. Ici
aussi, Boismenu nous livre sa pensée que je partage totalement : « La façon
dont on nomme les choses, dont on désigne les faits et dont on les pense,
s'installe dans les luttes et oppositions idéologiques et politiques. La
représentation c'est, d'une part, l'univers dans lequel les faits et les
intérêts sont nommés et idéalisés, mais, d'autre part, c'est la sphère de la
défense, de préconisation et de justification d'intérêts, dont l'habillage en
idées et en principes et plus ou moins soigné. Par la formalisation du
discours, les intérêts sont incarnés ou hiérarchisés, ce qui donne corps à des
idéologies, qui deviennent elles-mêmes une arme de la lutte politique. » (Ibid.
p. 17)
Ayant cela en tête, tentons de décrypter la campagne
électorale que nous vivons en ce moment.
Reconfiguration
politique du Québec
La société québécoise a beaucoup changé depuis les dernières
années. Son poids démographique au Canada la condamne à une minorisation
progressive et inéluctable et le vieillissement de la population fait des
baby-boomers une force politique qui pèse encore lourdement sur cette société
tant sur les coûts à venir des soins de santé que sur celui les choix politiques.
Rien ne l'illustre mieux que les discours autour de la lutte aux changements
climatiques dont Québec solidaire s'est fait le champion avec le Parti québécois.
Sans être climatosceptique, on peut s'interroger sur la radicalité des mesures
proposées par ces partis qui transformeraient nos modes de vie actuels. Taxer
les autos solos, surtaxer le patrimoine de la classe moyenne, imposer de
nouveaux modes d'habitation en bannissant les maisons individuelles ne passe
pas inaperçu. Il y a un long travail de pédagogie à faire auprès de la
population. En ce domaine, il importe que nous demeurions des démocrates et non
pas que l'on cherche à imposer des solutions toutes faites à une population
dubitative. On ne fait pas pousser des fleurs en tirant dessus.
On parle beaucoup des inégalités sociales et économiques. On
importe le discours très convaincant de Thomas Piketty et auquel j'adhère sur
la question du 1 % des plus riches. En cette matière, comme le discours
sur le racisme importé des États-Unis, le Québec fait figure d'exception. Il y
a beaucoup moins d'inégalités sociales et économiques au Québec qu'ailleurs au
Canada et en Amérique du Nord. Au Québec, comme le disait le regretté Jean Lapierre,
nous sommes pauvres en riches et riches en pauvres. C'est pourquoi les discours
sur les injustices sociales et économiques doivent être calibrés avec notre
réalité. Au Québec, nous vivons encore dans un mode d'État providence de type
Keynesien que même la conservatrice Coalition avenir Québec s'est fait un
devoir de maintenir au cours des quatre dernières années.
Quant à la crise de l'identité québécoise, le projet de pays
ne semble pas avoir la faveur de la population et le Canada n'apparaît pas
comme l'ennemi à abattre. Il est à mon sens évident que cette question devrait
dans un jour très prochain être remise à l'ordre du jour. Les débats sur notre
appartenance à la monarchie, la reconnaissance des droits des peuples
autochtones, la collision inévitable entre les intérêts pétroliers du Canada et
notre choix de l'énergie propre ne peuvent que favoriser la résurgence de ce
débat sur l'avenir du Québec au sein du Canada. Cela devrait mener à un nouveau
Canada ou à un nouveau pays, mais fatalement cela doit mener quelque part.
Choisir c'est un peu
trahir...
Cette réflexion doit s'interrompre pour aller faire un choix
électoral dans quelques jours. Un choix à la fois facile et difficile. J'ai
trop de respect envers les lecteurs d'EstriePlus pour me lancer dans une
argumentation pour dire aux autres pour qui voter. L'important c'est d'aller
voter.
Concernant mes préférences personnelles, je dois vous dire
d'abord que je suis d'avis que le gouvernement sortant a bien géré la pire
crise sanitaire et je crois qu'il présente un plan de lutte aux changements
climatiques qui peut être amélioré, mais qui tient la route. C'est pourquoi, mon
choix à moi c'est de voter pour le gouvernement sortant même si j'ai de fortes
réserves sur la Loi 21 ou une forme de nationalisme que je juge parfois étroit
et que fondamentalement je me reconnais mieux dans le Parti libéral du Québec.
Mais aujourd'hui, ce parti est prisonnier de son aile anglophone et il n'offre
rien au Québec francophone quant à son avenir au sein du Canada. Je souhaite
néanmoins la réélection de sa cheffe Dominique Anglade et je suis d'avis
qu'elle mérite de demeurer la cheffe de son parti. Je souhaite aussi l'élection
de députés du Parti québécois dans l'est du Québec. Le Québec doit garder dans
son coffre à outils un parti qui prône la souveraineté du Québec et un plan de
lutte aux changements climatiques qui respecte la capacité d'adaptation de la
population. La souveraineté du Québec doit demeurer une avenue possible de
notre avenir. Québec solidaire et son chef sont trop radicaux, trop intolérants
envers celles et ceux qui ne pensent pas comme eux. Trop tasse-toi
Baby-boomers. Il y a une différence entre la gauche et l'extrême gauche qui
revêt des habits de respectabilité. Quant au Parti conservateur de monsieur
Duhaime, il remet en cause le modèle québécois et cela m'apparaît peu opportun.
Les conservateurs sont un épiphénomène des radios de Québec.
Quant à notre région, je suis d'avis que la députation
sortante de la Coalition avenir Québec a fait un travail honnête au cours de
leur dernier mandat et qu'elle mérite d'être reconduite. C'est pourquoi je
serai heureux de voir réélus les députés-es François Jacques, Geneviève Hébert,
André Bachand, Gilles Bélanger, François Bonnardel et Isabelle Charest.
Dans Sherbrooke, la députée sortante de Québec solidaire,
Christine Labrie, a fait du bon travail, mais elle a été plus une militante
qu'une députée. Elle est en porte à faux avec le monde économique. Jamais en quatre
ans elle n'a cru bon de rencontrer la Chambre de commerce et d'industrie par
exemple. Elle ne s'est jamais intéressée à nos entreprises manufacturières si
ce n'est pour les vilipender, pas plus qu'elle n'a daigné porter attention au
potentiel de notre zone d'innovation en physique quantique. Madame Labrie c'est
une militante contre tout développement et qui veut rompre avec l'économie
libérale de marché. C'est pourquoi dans Sherbrooke, il est temps de se
retrouver à la table du conseil des ministres en votant pour une femme dévouée,
expérimentée et dynamique. Une femme qui a adopté Sherbrooke et que Sherbrooke
devrait adopter : madame Caroline St-Hilaire. Avec une telle somme
d'expérience, avec le savoir-faire et la volonté de rassembler de Caroline
St-Hilaire, Sherbrooke pourrait reprendre le chemin du succès tracé jadis par
madame Monique Gagnon-Tremblay. C'est le pari que je fais.
Au-delà de mes préférences, l'important le 3 octobre
prochain c'est d'aller voter.