Il fait
chaud. L'humidité déploie sa moiteur. L'air charrie, en plus, une grande
quantité de particules provenant d'un des grands feux de forêt qui embrasent
littéralement l'Abitibi.
Profitant
de cet appel à l'oisiveté physique, je me pose la question suivante :
peut-on continuer à étirer le temps? Peut-on pelleter par en avant tout le
temps?
Le
temps. Je parle de celui qui mesure. En secondes, minutes, heures, journées et
années.
En
gestion commerciale ou publique, il y a une règle formelle que tous les bons
gestionnaires doivent tenir en compte : l'intégration d'indicateurs précis
et solides destinés à encadrer l'aboutissement des projets.
Un
indicateur devient solide s'il permet d'intervenir pour recadrer le projet, le
cas échéant.
Le temps
en en un. Combien de temps sera nécessaire ? Quelles sont les conséquences
si le temps n'est pas respecté ? Qui sera redevable ensuite?
Le temps
est un indicateur important.
Mais
l'utilisation délais, des dates butoirs et autres appellations peuvent
étonnamment être revues, façonnées et tassées sans impunité.
Au
moment d'écrire ces lignes, le ciel voilé par les incendies de l'Abitibi nous
rappelle que dans le cas de l'environnement, celui dans lequel on doit survivre
et, idéalement, bien vivre, le voile est permanent.
Comble
de malheur, on a réuni les trois conditions perdantes pour enclencher une
réaction solide:
- 1) Le perpétuel gain en temps.
- 2 ) Le besoin d’identifier un
coupable pour tout (et varger dessus!)
- 3)
La
méconnaissance chronique des sujets.
Le gain en temps
Même si on jure que les dates
butoirs seront respectées dans les grands plans pour contrer les changements
climatiques accélérés, on comprend tous que ce ne sera pas le cas.
Aussi banal qu'un enfant qui
répète pour la 3e fois à sa mère qu'il va faire sa chambre t'à
l'heure...
Parce que se donner du temps,
c'est rassurant. Et ça nous réconforte dans le fait que quelque chose arrivera,
une bonne fois, et qu'on n'aura pas à changer nos habitudes de vie.
Coincés entre des lobbys et
toutes sortes de pressions, dont celle d'être réélus, les gouvernements
piétinent et font du sur place.
Le problème, c'est qu'on n'a plus
de temps! Si l'an 2000 et son pseudo-bogue, c'était hier, alors 2030 ou 2050,
c'est demain!
Le coupable
Les insultes et condamnations
pleuvent quand on décide de frapper celle ou celui qu'on identifie comme
coupable. Avec les médias sociaux, rien de plus simple que de varger sur
un coupable impunément!
Puis, c'est pratique, un
coupable! Pour deux raisons. Premièrement, ça déresponsabilise totalement celle
ou celui qui condamne l'autre, puis, en prime, ça attire l'attention ailleurs
que sur les enjeux véritables.
Ainsi, c'est plus facile de
blâmer telles personne, compagnie ou tel gouvernement que de se remettre un
tant soit peu en question soi-même.
Et avec l'identification du
coupable vient la phrase qui réconforte tant : « ça ne me donne rien
de faire quelque chose, ce sera annulé par les gestes des autres ! »
La méconnaissance
C'est désolant de constater qu'on
se fie sur un titre de manchette et qu'on se fait une opinion sans lire le
texte lui-même. Désolant de constater qu'on préfère se fier à un algorithme
pour « faire nos recherches ». Et désolant de constater qu'on se fie à une anecdote
entendue ici et là pour condamner quelque chose ou quelqu'un.
« Un
titre choc et voilà, je maîtrise le dossier et j'ai une opinion. Yes! »
Ouf...
____________
Je me
dis alors que notre première obligation citoyenne est de contribuer à répondre
aux trois éléments. Chacun faisant sa courte part.
D'abord,
trouver des façons de mettre de la pression sur les gouvernements quand ils
multiplient les sommets mondiaux et les dates de remise des résultats à venir.
Le meilleur temps pour agir était hier. Cependant, aujourd'hui, contrairement à
demain, n'est pas trop tard.
Laisser
les insultes gratuites de côté. Il faut cesser de détourner notre attention des
enjeux.
Et surtout,
il nous faut prendre le temps de comprendre un dossier ou une situation avant
de commenter. Et ce n'est pas simple.
De nos
jours, chacun doit avoir une opinion comme ça, tout de suite, à chaud, alors
que la compréhension, elle, est un plat qui se mange froid.
Clin
d'œil de la semaine
Étirer
le temps. Vous trouvez qu'une grosse heure, c'est un concept farfelu? En fait
c'est comme l'argent : quand on m'offre quatre trente sous pour une
piastre, je suis porté à l'accepter. Au cas...