Lettre à la mairesse Beaudin
Madame Beaudin, il y a longtemps que je vous ai parlé.
Depuis que vous êtes devenue la mairesse de ma ville, je ne vous ai même pas
croisée. J'ai à peine chroniqué sur vous. Ah oui, je me rappelle cette
chronique du 25 mai dernier (https://estrieplus.com/contenu-les_guerres_d_evelyne-1844-50887.html)
que votre directeur de cabinet n'avait pas apprécié, mais mis à part cette mise
en garde concernant le développement économique, je n'ai pas commenté vos faits
et gestes. Quel intérêt ! Vous n'en avez rien à cirer d'ailleurs dirait l'un
des membres de votre avant-garde rapprochée autoproclamée... Grand bien leur
fasse, je vais quand même vous partager quelques réflexions que m'inspire votre
action depuis votre élection. Libres réflexions sur une première année de
mandat quasi achevée...
Un héritage difficile
Soyons de bon compte. Votre prédécesseur ne vous a pas
laissé une maison nette. De nombreux problèmes étaient en plan et vous deviez
vous en occuper avec les maigres ressources dont dispose votre organisation. On
ne peut pas vous tenir responsable de l'état de nos infrastructures urbaines que
ce soit en matière de transport, d'égouts ou d'aqueducs. Vous n'êtes pas non
plus responsable du bordel laissé par les administrations précédentes en
matière de planification et de développement urbain. Il y a déjà longtemps
j'étais de ceux qui s'opposaient au développement du Plateau Saint-Joseph.
L'administration Perrault et Serge Paquin, alors président du comité
d'urbanisme et tout le conseil municipal de l'époque ont choisi d'aller de
l'avant en dépit des mises en garde de certains écologistes. Aujourd'hui, vous
devez gérer ce bordel. On ne peut quand même pas vous en tenir rigueur s'il y a
des problèmes de circulation sur le boulevard Lionel Groulx.
Même chose pour l'état du réseau routier de notre ville.
Quand en 2001, il y a eu la fusion des villes du grand Sherbrooke, il était
prévisible que l'état du réseau routier des villes de banlieue laissé en
jachère pour cause de basse taxation était tôt ou tard pour venir hanter les
finances de la grande ville unifiée. Ce qui est vrai pour le réseau routier est
aussi vrai pour la qualité de la desserte du transport en commun, pour
l'entretien et le développement de nos parcs et pour nos infrastructures en
développement industriel et commercial. Je ne vous parle même pas du
centre-ville de Sherbrooke qui a fait l'objet de tant de débats et qui n'a
jamais été en aussi grand état de décrépitude. Ça s'améliore au sud, mais cela
se détériore au nord. De tout cela, vous n'en êtes pas responsable, mais tout
simplement l'héritière. Ah s'il était possible de refuser certaines parties
d'héritage.
Une vision et du cran à revendre...
Malgré cet héritage, vous avez voulu devenir le « coq » de
notre village. Celle qui parle en notre nom et vous l'avez fait avec brio. De
cette première année à la tête de notre ville, nous pouvons retenir de nombreux
bons coups de votre part. À commencer par votre élection brillamment remportée.
Vous avez aussi porté avec panache le drapeau de notre ville partout au Québec.
C'est beau de voir cette nouvelle génération de maires et de mairesses, à
laquelle vous faites partie, rappeler à nos gouvernements que les villes ne
sont pas que des créatures de Québec, mais bel et bien des gouvernements de
proximité à part entière. Vos interventions durant la dernière campagne
électorale sur ces sujets étaient fort à propos. Il est vrai cependant que la
proximité de vos membres, de vos collaborateurs et de votre parti avec Québec
solidaire a parfois pour certains partisans pu faire ombrage à la sincérité de
votre engagement pour notre gouvernement municipal, mais jamais à mes yeux.
Votre pari pour une nouvelle gouvernance semble jusqu'à
maintenant vous donner raison. Les séances du conseil municipal et les diverses
activités des comités semblent voguer rondement même si parfois certains
membres du conseil déplorent que certains dossiers passent sous le radar parce
qu'ils ne viennent pas au grand conseil. Des murmures de corridors vous prêtent
aussi des allures de petit général qui veut contrôler tout. Mais ces murmures
qui semblent se matérialiser avec des désaccords largement médiatisés envers
certains membres de votre conseil ne sont pour l'instant que des murmures ou de
la médisance. Il est vrai qu'en certains lieux, vos partisans acceptent
difficilement la critique comme si la démocratie ne devait pas être un lieu de
débat. Mais de cela, je ne peux vous en tenir responsable. Tout cela pour vous
dire qu'au terme de cette première année, on peut vous décerner une bonne note
même si certains éléments de ce bilan peuvent poser de réels problèmes dans un
avenir proche.
Le rôle d'une ville
Même si l'on admet l'idée que la ville est un gouvernement
de proximité, il n'en demeure pas moins que l'exercice de ses pouvoirs peut et
doit être discuté. Par exemple, il est rassurant que notre ville vienne en aide
aux sans-logis à l'approche du 1er juillet pour faire face à la
pénurie de logements, mais la limite à cela c'est que ce n'est pas de la
responsabilité d'une ville d'assurer la subsistance financière de ses habitants
privés de logement. Le dernier programme que vous avez instauré a mis des
garde-fous appropriés, mais il faut bien prendre soin de s'assurer que le
gouvernement du Québec prenne ses responsabilités et pas ma ville par mon impôt
foncier. Il est vrai qu'une ville doit voir au développement culturel, social
et économique, mais la limite c'est les responsabilités du gouvernement du
Québec dans ces matières.
La planification et l'aménagement
urbain
Par contre, dans les mandats principaux de la Ville. Il y a
la planification et l'aménagement du territoire. Vous me voyez venir, je veux
vous entretenir de votre plan nature et du développement de nos infrastructures
industrielles. Dans ma chronique de mai dernier, j'écrivais : « Je n'ai aucun problème avec la force des
convictions de la nouvelle mairesse Beaudin à propos de l'économie circulaire,
du développement coopératif, de sa promotion de la mobilité durable et tout
particulièrement du vélo électrique, de son désamour avec l'entreprise privée
et le développement immobilier, mais je suis d'avis que nous serons nombreuses
et nombreux à découvrir au cours des prochains mois et des prochaines années ce
que cela signifie dans la réalité du développement économique de Sherbrooke.
Retenez votre souffle le prochain grand débat portera sur les terrains
industriels et le développement et l'agrandissement des parcs existants. Là
aussi, je présume que madame Beaudin sera fidèle à ses convictions et au
programme de son parti. Ce qui risque de décevoir une fois de plus le milieu
économique sherbrookois. » Je crois que cette prédiction était vraie et que
nous en saurons plus sur vos véritables intentions à ce sujet très bientôt avec
le dépôt de votre plan nature. Des rumeurs qui circulent vous prêtent
l'intention de geler tout développement industriel et immobilier pour les cinq
prochaines années. Cela ne serait pas une bonne idée.
Malgré la pénurie de main-d'œuvre,
les conséquences de la crise climatique, une ville ne peut pas stagner. Il est
possible de penser un développement économique durable basée sur une vision
appropriée du développement économique sans pour autant jeter le bébé avec
l'eau du bain.
Discours à la
chambre de commerce et d'industrie de Sherbrooke
Je sais, madame la mairesse, que
vous allez vous adresser aux membres de la Chambre de commerce et d'industrie
de Sherbrooke le 29 novembre prochain à l'aéroport de Sherbrooke. Le choix
du lieu est symbolique.
Voilà une belle occasion madame
Beaudin pour nous dire la vision que vous possédez pour le développement
économique de notre ville et comment vous voyez celle-ci dans l'architecture et
le tissu économique québécois. Sherbrooke est le troisième pôle urbain au
Québec, avec Montréal et Québec, nous ne sommes pas une petite ville de
province. Il faut avoir de l'ambition pour Sherbrooke. Jadis, dans les années 1980,
nous étions confrontés à de grands choix dictés par l'effondrement de notre
secteur industriel. Nous avions fait le choix de développer une économie à
valeur ajoutée. Avec des leaders comme Monique Gagnon-Tremblay, Jean Charest et
Jean Perrault, nous avons fait un bon bout de chemin pour atteindre cet
objectif. Vous et votre nouvelle génération, vous nous proposez quoi comme
avenir économique ?