Je ne veux pas en faire une obsession, mais je dois revenir
sur le dossier de la politique municipale à Sherbrooke. La semaine dernière,
l'affrontement entre la mairesse Évelyne Beaudin et un groupe de promoteurs
importants autour du règlement 1204-5 qui vient pelleter dans la cour des
promoteurs de nouvelles responsabilités financières. Présents, sous le
leadership de l'APCHQ, un groupe de sept promoteurs parmi les plus importants
de la ville de Sherbrooke se sont présentés à l'assemblée du conseil municipal
du mardi 17 mai pour plaider leur cause. Cela n'a rien donné. Le vote
a même rallié plus largement que les partisans habituels de la mairesse Beaudin
et de son parti pour se solder par le compte de onze pour contre quatre opposants.
Étonnamment, le conseiller Marc Denault et la conseillère Annie Godbout se sont
rangés dans le camp de la mairesse Beaudin. Cela n'augure rien de bon pour
l'avenir. Réflexion sur l'avenir et le développement de la ville de Sherbrooke.
La vision de la mairesse actuelle en
matière de développement économique
On en sait peu finalement sur la vision de développement
économique de la nouvelle mairesse de la Ville de Sherbrooke. Jusqu'à présent,
elle s'est faite relativement discrète sur sa vision pour le développement
économique. Bien sûr, pour en prendre la mesure, on peut référer au programme
politique de sa formation que l'on peut retrouver sur le Web.
Ce programme tient en cinq points essentiels :
Le développement économique durable (il n'est pas défini dans
ce document) ;
Une révision en profondeur des programmes et des incitatifs
aux entreprises notamment en matière de localisation (parcs industriels) et des
stratégies d'investissement. On dit vouloir y inclure les commerces de
proximité, les entreprises vertes et numériques ;
On y affirme vouloir revoir en profondeur les programmes
d'incitatifs à la construction et développer l'offre de logements coopératifs ;
On veut positionner Sherbrooke comme leader de l'économie
circulaire au Québec en s'appuyant notamment sur Hydro-Sherbrooke ;
Enfin, on affirme dans ce programme que l'on mettra en place
une politique transparente d'investissement qui sera guidé par les critères
d'une économie socialement responsable et écologique.
De belles grandes idées, des théories économiques
alléchantes peut-être pour certains, mais au fond nous n'avons aucune idée de
ce que cela veut dire dans les faits et la réalité du développement économique
de la ville de Sherbrooke.
Posons d'autres questions
Si nous cherchons à pousser plus loin nos questionnements
pour savoir ce que veut vraiment la mairesse Beaudin pour notre ville, on
constatera qu'elle ne veut pas, contrairement à l'ensemble du milieu économique
sherbrookois et estrien de liens aéroportuaires reliant la ville de Sherbrooke
aux principales villes du monde. Elle préfère un train de passagers entre
Montréal et Sherbrooke beaucoup moins polluant et moins coûteux, de l'avis de
madame Beaudin. Il est loin d'être certain que le train serait moins coûteux si
l'on prend en compte le coût des infrastructures nécessaires (rails) si l'on
veut que le train circule à au moins 100 kilomètres à l'heure.
Nous savons aussi que la nouvelle mairesse qui prône
l'économie circulaire ne souhaite pas s'investir dans le développement
d'activités de soutien à l'exportation comme avec les États-Unis. Même si
plusieurs de nos entreprises s'investissent dans des relations avec notre voisin,
principalement la Nouvelle-Angleterre. C'est logique, elle souhaite développer
une économie circulaire, cela ne coïncide pas avec des activités d'exportation.
La mairesse Beaudin a déjà vanté les mérites de
l'entrepreneuriat et du développement d'entreprises notamment dans des secteurs
comme les technologies vertes et le numérique. Pourtant, je n'ai vu aucune
déclaration de sa part qui visait à retenir chez nous la jeune entreprise
Entosystem qui s'est établie à Drummondville. Cela pourtant cadrait bien avec
le programme de Sherbrooke citoyen : jeune entreprise, production de
protéine à partir d'insectes. Un beau début pour une économie verte, non ? Dans
la même veine d'idée, la mairesse de Sherbrooke s'est plutôt faite discrète sur
l'investissement d'Ubisoft à Sherbrooke. Je trouve aussi son silence étrange
autour de la signification pour notre avenir de la création de la Zone
innovation quantique à Sherbrooke. En clair, je ne sens pas de grand appétit
pour la nouvelle direction politique de la Ville de Sherbrooke pour le
développement économique.
Le développement immobilier et urbain
Sur ce dossier, les positions de la nouvelle
mairesse Beaudin se sont largement éclaircies au profit du dernier débat
entourant l'adoption du règlement 1204-5. Je ne veux pas ici faire le
débat des chiffres entre la Ville et les promoteurs, je n'ai pas les
informations nécessaires pour arbitrer les termes de ce débat. Je ne suis pas
certain que les principaux belligérants soient capables de convaincre qui que
ce soit dans l'état actuel des choses. Ce que je crois important cependant
c'est que la Ville de Sherbrooke et sa mairesse fasse preuve de plus d'égards
envers ces hommes et ces femmes qui travaillent depuis de nombreuses années à
développer notre ville. Je veux bien que l'on cherche à les contredire, mais je
ne crois pas utile ni productif que de les dépeindre comme de vulgaires
profiteurs, des rapaces qui guettent leur proie, les pauvres contribuables que
nous sommes, pour les dévorer tout cru. Dans les questions soulevées par le
règlement 1204-5, il devrait y avoir d'abord et avant tout un juste
équilibre et un jugement qui fait que l'on comprend que ça prend une approche
cas par cas plutôt que mur à mur. Chose certaine, la guerre est ouverte entre
l'administration Beaudin et les principaux promoteurs urbains de notre ville.
C'est malheureux, car notre ville a besoin de
tous les bras disponibles pour faire face aux enjeux de l'avenir, les
promoteurs privés inclus. Une déclaration récente d'Évelyne Beaudin dit
tout : « Pour ceux qui voteront contre ce soir l'adoption du règlement 1204,
vous me direz où aller trouver les millions nécessaires pour réussir à
continuer à subventionner l'étalement urbain comme on le faisait, parce
qu'actuellement, ça va demander des demandes additionnelles si on veut réussir
à continuer à offrir ces subventions-là. » Ainsi, pour la mairesse de Sherbrooke, tous les projets urbains
sont de l'étalement urbain si nous en croyons sa déclaration de mardi soir
dernier.
Pour sa part, l'APCHQ par la voix de son directeur Sylvain Mathieu
affirme que : « Pour le moment, il n'y a plus rien qui se développe, on
marche tous sur le vieux gagné, les projets qui ont été soumis depuis plusieurs
années. Ça veut dire que là, on va avoir une crise de logement sévère, mais
l'an prochain, ça va être pire, et l'année d'après, ça va être encore pire que
cette année. Il n'y a rien qui se développe, et la population continue
d'augmenter, le règlement pourrait nuire au
développement de la Ville et empirer la crise du logement. On est en
train de créer la tempête parfaite. Il n'y a pas d'abordabilité à Sherbrooke,
il n'y a pas de disponibilité, là on pellette des frais dans la cour des
promoteurs qui vont être retransmis aux locataires. C'est rendu presque impossible de développer à Sherbrooke. »
Tout cela risque, croyez-le ou non,
de créer de l'étalement urbain vers les municipalités qui sont limitrophes au
territoire de Sherbrooke. On a déjà joué dans ce film-là et cela a mené aux
fusions forcées des villes de banlieue à la Ville de Sherbrooke en 2001. Puis là,
on recommence le processus. À ne rien y comprendre. Manifestement, le dialogue est rompu. Et cela augure
mal pour l'avenir.
Sain d'avoir des convictions
Je n'ai aucun problème avec la force des convictions de la
nouvelle mairesse Beaudin à propos de l'économie circulaire, du développement
coopératif, de sa promotion de la mobilité durable et tout particulièrement du
vélo électrique, de son désamour avec l'entreprise privée et le développement
immobilier, mais je suis d'avis que nous serons nombreuses et nombreux à
découvrir au cours des prochains mois et des prochaines années ce que cela
signifie dans la réalité du développement économique de Sherbrooke. Retenez
votre souffle le prochain grand débat portera sur les terrains industriels et
le développement et l'agrandissement des parcs existants. Là aussi, je présume
que madame Beaudin sera fidèle à ses convictions et au programme de son parti.
Ce qui risque de décevoir une fois de plus le milieu économique sherbrookois.
Les élections québécoises s'en viennent à grands pas. Il serait
étonnant de voir madame Beaudin partir en guerre contre le gouvernement du
Québec, mais on ne sait jamais, les liens du parti de madame Beaudin et de
Québec Solidaire sont si étroits, rien ne pourrait m'étonner. Je suis curieux
d'observer si à moyen terme les citoyennes et les citoyens de Sherbrooke feront
leurs, les guerres d'Évelyne...