Je trouve refuge, depuis quelques mois, dans les romans historiques de Michel David. Les sagas Chère Laurette, Poussière du temps et À l'ombre du clocher.
Il y est question de familles que l'on suit, au rythme de leur quotidien, sur quelques générations. Des situations parfois tristes, parfois comiques, mais, toujours, un attachement assez incroyable aux personnages.
Ces lectures deviennent une sorte de refuge. Et je me demandais bien pourquoi.
C'est en voyant le film Ésimésac que j'ai fait un lien. L'évolution. Celle des choses, des événements et de la vie.
L'évolution inévitable.
« Qu'est-ce tu veux, les choses changent! Ça évolue! » Voilà bien une phrase entendue mille fois et dans toutes sortes de contextes. C'est vrai que les choses changent. Qu'elles évoluent. Mais force est d'admettre que, lorsqu'on utilise le mot évolution, cela ne signifie pas que tout soit toujours pour le mieux.
J'ai eu l'impression, en lisant les sagas de Michel David, de retrouver le début de ce concept introduit après la Deuxième Guerre mondiale et selon lequel il fallait vider les campagnes pour remplir les villes. Pour plusieurs, la vraie vie était là. L'électricité, l'eau courante, la radio... Du travail rémunéré. Donc, de l'argent. L'argent qui devient une clé. Une clé qui est nécessaire pour ouvrir toutes les portes du bonheur tant recherché.
Je me dis qu'en 2013, ce bonheur-là, on le cherche toujours... Quand je regarde autour, je me dis qu'on a atteint une autre dimension. Une autre extrémité. On navigue dans un confort personnel littéralement extraordinaire. Chaque maison est devenue autosuffisante. L'approvisionnement en eau potable, en électricité et en télécommunication est devenu quelque chose d'acquis. Comme on ne voit pas la source, on la croit infinie. Et la moindre interruption est une catastrophe.
Dans notre façon d'organiser la société, on a même mis en péril des notions pourtant reliées à la survie de l'humain : l'autonomie alimentaire, le respect de l'environnement, la solidarité.
Quand je vois l'orgie d'émissions qui portent sur la préparation de la bouffe, que je constate que, pour être in, il faut de plus en plus épater la galerie avec des mets apprêtés avec des aliments provenant de partout sur notre grand jardin, la planète, je suis inquiet.
Quand je nous vois tenter de définir des zones d'appartenance scolaire sans même nous demander ce que peut bien vouloir dire l'appartenance, je suis inquiet.
Quand on considère que l'éducation est une denrée quantifiable en argent bien plus qu'un principe de base dans notre société, je suis inquiet.
Et quand je nous vois saccager littéralement les organismes communautaires, derniers remparts de la solidarité nécessaire à la survie de notre espèce, je suis inquiet. Dans les villes et villages modernes, même la solidarité est organisée. On s'est collectivement donné des moyens de s'entraider, via des organismes que l'on subventionne. Lentement, le chat sort du sac. Dans sa quête du déficit zéro et dans sa façon d'être tout sauf démocratique, le gouvernement de Stephen Harper coupe allègrement, par le biais de lois mammouths (pour mieux noyer le poisson), dans le soutien au réseau communautaire. Il ne s'en était pas vanté avant d'être élu.
J'imagine que c'est ça, l'évolution? En fait, c'est celle qu'on subit, pas celle qu'on oriente. Celle qui fait en sorte qu'on appauvrit les moins forts et que l'on gaspille, dans un même geste, des millions de litres d'eau potable pour extraire du pétrole des sables bitumineux. Vous savez, cette évolution qui fait qu'on récolte des céréales pour en faire de l'éthanol, nourrissant ainsi nos voitures plutôt que les humains?
Je sais qu'on ne peut revenir en arrière. Mais il faut se préoccuper de demain.
Je comprends mieux pourquoi mes lectures de Michel David deviennent un repère. C'est que ces histoires mettent en vedette des valeurs. Des valeurs qu'on a sacrifiées.
Et il me revient cette phrase finale du film Ésimésac, telle que prononcée par la grande sœur du héros : « La force du nombre, mon frère, la force du nombre. »
C'est ce nombre que notre société de chacun-pour-soi a réussi à étouffer...
Clin d'œil de la semaine
Rapport à l'appui, Harper augmente les subventions aux organismes qui font la promotion de la religion catholique et coupe les vivres aux autres... Avancez en arrière, disaient les premiers chauffeurs de tramway. Plus ça change...